Chapitre 4 (OK)

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Le lendemain, il me tarde de retrouver Libby et de tout lui raconter. Évidemment je n'ai pas pensé à prendre son numéro la veille et je pense que ça va être compliqué de la retrouver parmi tous les étudiants.
J'arrive dans l'amphi 2, il est plus petit que celui d'hier et je prie pour ne pas passer mon premier cours de droit constitutionnel sur les marches en pierre. Je cherche la crinière feu de ma nouvelle amie, en vain. Je me résigne à aller m'assoir; je trouve une place dans le fond de l'amphithéâtre, j'aurai préféré être plus près mais je ferais avec.

- Ely, garde moi une place !

Je relève la tête ! La voix de mon amie se fait entendre dans toute la salle. Je souris, je ne sais pas pourquoi mais j'aime déjà cette fille, elle est tellement naturelle... J'ai l'impression qu'avec elle je ne suis pas obligée de faire semblant.
Elle monte les marches 4 à 4 pour me rejoindre. Elle a attaché ses cheveux en queue de cheval et porte un top blanc et un jean clair, elle est juste sublime. Si je possédais ne serait-ce qu'un quart de sa beauté et de son charisme,j'aurais peut-être un peu plus confiance en moi.

- J'ai oublié de prendre ton numéro hier! Me dit-elle lorsqu'elle arrive à ma hauteur.

Je ris , les grands esprits se rencontrent. Je lui donne rapidement quand nous nous asseyons : jouer à "oú est Charlie" chaque jour parmi les étudiants ne nous tente pas trop.

- Ça a été hier? Ta mère ne t'a pas trop fait la misère?
Je grimace
- Disons que ma mère n'a pas trop apprécié quand je lui ai roté ma bière au visage !
- Oh elle s'en remettra! Elle rit comme si c'était normal.
- J'ai un rendez-vous vendredi soir ! Je lui lance pour changer de sujet. 

Je simule l'excitation, j'ai remarqué que toutes les filles sautillent sur place et et agite les mains quand il s'agit de sujets touchant aux garçons. Elle me regarde en fronçant les sourcils comme si je venais d'une autre planète.

- Arrête ça, on dirait que tu as des vers au cul... Son visage reprend une expression normale, elle me demande, naturellement. Avec Zach ?
- Quoi? Je m'étrangle. Non! Pourquoi? Zach ?
- Oh du calme blondie ! Tu crois que je ne vous ai pas vu hier?
- Quoi? Mais... Je... Non je lui ai rentré dedans... Encore...

Je finis ma phrase presque en chuchotant. Elle m'envoie un sourire en coin d'un air qui frôle la suspicion. Je sais que j'ai les joues cramoisies de honte, je clique sans arrêt sur mon stylo comme pour évacuer le malaise qui s'installe en moi.

- Bon si ce n'est pas Zach...
- Et puis tu m'as dit qu'il était gay! 
- Non, je t'ai dit que je "pensais" qu'il était gay! me répond-t-elle en mimant des guillemets avec ses doigts. 
- Non mais franchement Zach, je comprends pas, tu m'as vue ? Tu l'as vu lui ? 
- Ok, Ok pas Zach, excuse-moi... Elle sourit en coin avant de me demander. Alors, qui est donc l'heureux élu ?
- Il s'appelle Antoine, il est à l'école de l'armée de l'air, il va devenir officier et donc obtenir un diplôme d'ingénieur. Il est très charmant, courtois, galant!
- Oh mais quel cv! grimace-t-elle. Et tu l'as rencontré comment Monsieur Parfait ?
- C'est le fils d'une amie de ma mère !
- Oh! Laisse-moi deviner ce n'est pas lui qui t'a invitée!
- Quoi? Si, enfin c'est nos mères qui ont proposé qu'on sorte ensemble, mais c'est pareil! Je me justifie
- Non Ely, vraiment, ce n'est pas pareil!
- Si les deux jeunes filles du fond veulent continuer leur discussion, elles sont libres de sortir! 

Nous nous faisons rappeler à l'ordre par le professeur, nous n'avions même pas remarqué qu'il avait commencé son cours, trop occupées par notre conversation. Il me fait penser à Porky Pig, le cochon des Looney Toons. Il a de grosses lunettes rondes et trois cheveux sur le crâne, il porte une veste en velours d'une couleur qui devrait officiellement être déclarée nocive pour les yeux, et un pantalon en lin beige, tout froissé, ma mère en ferait sûrement une crise cardiaque. Mais comment fait-il pour supporter sa veste, je porte juste une petite robe légère et je me liquéfie littéralement.
Je n'arrive pas vraiment à m'intéresser à ce qu'il dit, ma journée de la veille me revient en tête. Je repense à Zach, à ses yeux noisette perçants, à la chaleur de sa peau quand il m'a rattrapée, à cette odeur qui s'est emparée de moi, cette odeur si délicieuse... Je ne comprends pas ce qui se passe en moi, dès l'instant où le visage de Zach apparaît dans mon esprit je ressens comme des vagues de chaleurs, dans tout mon corps.
Je veux me changer les idées, je me force à penser à Antoine, à ses yeux brillants, à ses muscles désirables... Mais c'est le sourire en coin de Zach qui revient à chaque fois me hanter.

À 11h, le cours s'achève enfin ; j'en ai déjà plein la tête et ma main droite souffre d'avoir trop gesticulé pendant deux heures. Je regarde mes feuilles, c'est un enchevêtrement d'abréviations et de hiéroglyphes. Je pense sérieusement à prendre un dictaphone pour enregistrer mes cours.Libby me pousse vers la sortie, son besoin de nicotine se faisant trop pressant. 

Nous arrivons devant l'entrée du hall C et nous dirigeons vers la cafétéria pour nous asseoir à la terrasse. L'air est toujours aussi chaud mais le soleil est caché derrière de gros nuages. L'automne est bien là avec ses orages de chaleur et ses averses imprévisibles. Nous nous installons à une table en bois où sont déjà assises un groupe de quatre filles qui dévisagent Libby ; l'une d'elle, grande et blonde pousse un soupir, une autre, plus petite et brune, maquillée comme un camion volé, lui chuchote quelque chose à l'oreille en nous toisant et en ricanant. Libby leur lance un regard assassin.

- Quoi ? Il y a de la place non ? 

Les filles grimacent, elles s'attendaient sûrement à ce que mon amie s'écrase; finalement elles attrapent leurs sacs et décident de partir. J'envie le culot de Libby, elle n'a pas honte, elle s'affirme.

Alors que cette dernière allume sa cigarette en pestant contre "les connasses pimbêches qui font du droit pour trouver un futur mari avec une bonne situation", mon regard est attiré derrière son épaule. Assis sur un mur, j'aperçois Zach. Une cigarette entre les lèvres, il est en train de discuter avec un gars de sa bande et deux filles, très jolies. J'ai comme une pointe brulante qui me transperce la poitrine, je me force à tousser comme si cela allait changer quelque chose. Je ne peux m'empêcher de le détailler, il porte un chapeau noir style melon et une chemise à carreaux, un vieux jean troué et une paire de boots ; Je dois avouer que son petit côté « jeune Johnny Depp » est assez agréable pour les yeux. Son odeur boisée me revient en mémoire, la douceur de sa peau... Mon visage doit trahir mes émotions car Libby me lance un regard dubitatif.

- Tu penses à Monsieur Parfait ?  me dit-elle me tirant hors de mes pensées.
- Oui! Je réponds avec un grand sourire, perdue dans mes fantasmes.  Non! Euh , enfin oui, à Antoine quoi ! 

Mais que m'arrive-t-il, qu'est-ce que je fabrique, il faut vraiment que je me remette les idées en place, et vite. J'écoute Libby m'expliquer que les rendez-vous arrangés ça ne marche pas, que c'est juste une manière pour ma mère de me garder sous son contrôle et que "il faudrait que j'apprenne à dire merde si je ne veux pas vriller à 40 ans". Je l'écoute sans trop l'écouter, j'approuve mais mon attention est vite détournée. Je relève la tête vers elle, vers lui... Un coup d'œil sur le côté et nos regards se croisent... Son regard, devenu noir, si profond et à la fois si triste, si tendre. Je détourne vite les yeux, je me sens tellement stupide, pathétique. Mais lui n'a pas flanché, je le sais, je les sens, ses yeux, toujours braqués sur moi...
À cet instant, je ressens comme un grand vide dans mon estomac, je n'entends plus rien, je ne vois plus rien d'autre que son visage dans mon esprit, chaque détail de son visage, je ne sens plus mes membres, rien, juste cet immense vide dans mon ventre, juste cet immense vide entre nous.
Je ne veux pas, je ne peux pas le laisser, ce gars, avoir de l'emprise sur moi, pas lui, je dois tout faire pour m'éloigner de lui, de cette chose étrange qu'il me fait ressentir. Il n'y a pas de place pour lui, pour ça, dans mes plans. CA n'en fait pas partie... C'est idiot, complètement idiot, je ne le connais même pas! Quelle imbécile il faut être! Je dois me sortir ce Zach de la tête!

 Mais est-ce que j'en ai vraiment la volonté ?

Sans lendemain TOME 1 (disponible à l'achat sur Amazon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant