Chapitre 9 (OK)

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J'observe Libby remplir ses pages d'encre noire sans perdre une miette du discours de la petite prof de philo. La vie, la mort, le temps qui passe, je n'y comprends pas grand chose, et je fais preuve d'un manque de concentration évident.

- Bien, je vois qu'il ne nous reste que quelques minutes, je ne vous demanderais donc qu'une chose. Comme vous le savez, en janvier vous aurez des partiels, cependant, je n'aime pas m'appuyer sur une seule note, ainsi je souhaiterais que vous travailliez sur un journal de bord si on peut dire ça. Un journal dans lequel vous coucherez vos pensées, vos anecdotes, des références, tout cela concernant la vie vécue, la mort... Je trouve que vous êtes à un âge où vous devez vraiment remettre toutes ces choses en question. Vous vous appuierez sur une citation de Rousseau, que vous développerez au fur et à mesure de votre travail, de votre réflexion : « L'homme qui a le plus vécu n'est pas celui qui a compté le plus d'années, mais celui qui a le plus senti la vie ». Je vous conseillerais de vous y atteler le plus vite possible, il sera à me rendre avant les vacances de décembre, et ce travail comptera pour 50% de votre note globale, en gros c'est des points bêtement gagnés!

La petite prof aux cheveux gris et lunettes rondes violettes se met à rire toute seule. J'ai toujours trouvé les professeurs de philosophie particuliers, différents. Ils sont ailleurs, clairement.
Pour une fois, c'est moi qui attrape Libby pour la faire sortir de la salle.

- C'est un enfer ton cours ! J'ai mal au crâne ! Je lui lance une fois dehors.
- Impossible, ça libère l'esprit ! Me répond-elle en riant.

Nous nous asseyons sur le banc en bois derrière le hall B et nous restons là un instant, silencieuses, à regarder les étudiants aller et venir. Le temps s'est un peu adouci aujourd'hui par rapport à lundi, l'air est plus respirable mais le ciel menace toujours de nous tomber sur la tête. En face de moi, un couple est entrain de s'embrasser, ils se regardent plein d'amour et d'admiration l'un pour l'autre, je crois que je les envie, j'aimerais moi aussi qu'un gars me tienne dans ses bras et me dise que je suis la plus belle. Oui, certes il y a Antoine mais ... Je ne sais pas il est semble tellement timide, le peu de baisers que nous échangeons restent très « pudiques », je ne sens pas ce truc en moi dont toutes les filles parlent quand elles sont amoureuses... Non, ça ne fourmille pas dans tout mon corps, non, je n'ai pas les boyaux qui se serrent quand il s'en va et non, il n'occupe pas mes pensées quand il est loin de moi... Je ressens tout ça, oui... Mais pas pour lui... Je suis pathétique, je me donne la nausée.

- On bouge ? Me lance Libby me tirant de ma rêverie.

J'accepte, et nous voila sur le chemin de la rue Daudet, direction le pub. La pluie se met à tomber en quelques secondes et nous arrivons au bar, trempées et essoufflées d'avoir dû courir. Libby rit à gorge déployée. Je la regarde, ses cheveux sont collés contre son visage, son mascara coulé lui fait un maquillage de panda, et pourtant elle reste magnifique, je n'arriverais jamais à décrire sa beauté, cela semble tellement naturel chez elle. Moi je ressemble à une vieille serpillière qui sent le chien mouillé... Je n'ai pas hérité de la classe légendaire de ma mère, dommage pour moi !
Nous nous installons dans le fond du bar, dans une de ces alcôves où nous pouvons nous enfoncer dans la banquette. Deux bières arrivent sur notre table en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

- Cadeau de la maison ! Nous dit le serveur en regardant Libby

Je le reconnais, c'est celui qui lui faisait les yeux doux la semaine dernière. Elle daigne lui adresser un sourire pour le remercier. Il en rougit et se frotte la nuque comme pour évacuer sa gêne.

- Bon tu ne veux toujours pas me dire ce que tu avais lundi ? Vraiment, elle ne lâche jamais le morceau cette fille
- Je t'ai dit, début de règles est égal à transformation en effroyable mégère !

Sans lendemain TOME 1 (disponible à l'achat sur Amazon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant