Chapitre 1

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Cela fait aujourd'hui cinq mois que je suis enfermée dans cette prison.

« Puisque nous mourrons tous un jour, pourquoi ne pas passer votre vie derrière les barreaux? » m'a-t-il dit.

Trois fois par jour, quelqu'un vient dans ma cellule pour m'apporter mes repas, et essayer de me soigner. Ça aussi, c'est ce qu'ils disent. Je vais très bien, je suis seulement différente, je crois. Ils arrivent à me faire douter de moi-même.

D'ailleurs, c'est l'heure de ma visite quotidienne.
Le garçon qui entre, c'est Ben. Je ne l'aime pas.
Il me sermonne tout le temps, pourtant nous avons le même âge, dix-neuf ans.

" Voici ton repas de ce midi.

Il me regarde avec son grand air et ajoute :

- Le repas c'est ce qu'il y a sur  le plateau, pas moi.

-  Ferme la.

Je vais encore devoir raconter mes origines.

- Alors, pourquoi bouffes-tu des humains ?

- Pour que des gens comme toi puissent se taire à jamais. D'ailleurs tu sembles appétissant.

Je savais pertinemment que les gens qui entraient dans ma cellule s'étaient au préalable badigeonnés d'un liquide visqueux qui me ferait vomir voire mourir si je tentais de les croquer.

Bizarrement, ma petite blague quotidienne n'a pas dû lui plaire, car c'est la première fois qu'il décide de me frapper. Un coup de pied dans le foie, un coup de poing dans la tempe, un coup de genou dans le thorax puis encore un...deux...trois...milles coups de pied dans le ventre, tandis que je suis recroquevillée au sol.

- TU AS TUÉ DES CENTAINES DE PERSONNES, DES FAMILLES ENTIÈRES, TU TROUVES CELA AMUSANT ?

Je ne réponds pas. Non pas parce que je suis à cours d'argument. Je suis juste à cours de force. Le souffle coupé, j'essaie de répliquer, tout de même, mais rien ne sort.

Il me regarde dans les yeux, je n'ai jamais vu quelqu'un contenir autant de rage. Je suis allongée sur le dos, il est debout à côté de mon corps. Je suis vêtue d'une simple robe souillée qui m'arrive jusqu'aux genoux habituellement.

Je tente de me mettre en position assise, et m'aperçois que ma robe s'est fendue, laissant apparaître un morceau de ma jambe droite.

- C'est quoi ça ? Nous n'étions pas au courant que tu avais un tatouage !

- Est-ce vraiment la peine de le savoir ?    

- Qu'est-ce qu'il signifie ?

- Va te faire voir.

Il est à bout de nerfs, et comme les violences arbitraires doivent sûrement être interdites ici, il décide de s'en aller plutôt que de m'administrer de nouveaux coups. En revanche, il prend un malin plaisir à shooter dans mon assiette qui contient des haricots et deux œufs. Enfin, qui contenait.

Il sort en prenant soin de claquer la porte blindée, et je me retrouve à nouveau dans le silence absolu.

Les jours passent généralement très lentement puisque je ne peux pas sortir.

Parfois, on m'apporte des feuilles et des stylos. J'en profite pour écrire et dessiner. J'aime écrire des poèmes auquels je me raccroche.

J'ai toujours été passionnée par la poésie, par la beauté qui s'en dégage simplement grâce à des mots. Généralement, ce sont mes questionnements sur ma nature qui se transforment en poèmes, ils deviennent alors une partie de moi. M'en détacher serait comme perdre une moitié de mon existence.

J'ai toute une pile de poèmes à côté de ce qui me sert de lit, j'aime les relire avant de m'endormir.

Il m'arrive de penser à ma famille, enfin d'essayer. Je ne m'en souviens pas. Je n'ai aucun souvenir de mon enfance. Aucune trace de mes parents, de mes frères et sœurs, de mon école, de ma maison, de mon lieu de naissance. La seule chose qu'il me reste, ce sont mon prénom, mon nom de famille et mon âge. April Kingsley, dix-neuf ans. J'espère un jour savoir mes origines, mais pour cela, il faudrait qu'on arrête de me séquestrer dans ce dix mètres carré.

Je suis maintenant assise sur mes genoux, malgré la douleur qui me déchire les muscles. Ben m'a drôlement amoché. Mes cheveux blonds qui ont perdu toute leur brillance me retombent sur la poitrine. La douche mise à ma disposition dans ma cellule est médiocre, puisque l'eau -glacée- est disponible un jour sur trois. Ils ont tout de même la gentillesse de me fournir un savon. En bref, mes cheveux sont maltraités depuis cinq mois, car je n'ai pas le luxe d'avoir de shampoing. C'est dommage, puisque mes cheveux étaient magnifiques, de sublimes boucles blondes.

Mais aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres, puisqu'un homme âgé d'environ quarante ans et portant une blouse de docteur entre soudainement dans ma cellule :

- Veuillez me suivre,  Mademoiselle Kingsley.

Je ne cherche pas d'explications, je me lève. J'ai un peu de mal à me tenir droite puisque mon ventre est détruit à cause de Ben.

- Besoin d'aide ?

Il n'attend pas ma réponse pour venir m'aider. En cinq mois, c'est la première fois que l'on me traitre comme une personne. Une vraie personne. Mais au fond suis-je vraiment une humaine, si je dévore mes semblables ? Finalement, peut-être que je mérite les conditions dans lesquelles je vis.

Alors que nous commençons à sortir de ma cellule, il me dévisage de haut en bas :

- Vos vêtements sont abîmés, nous vous en fournirons d'autres.

- M...Merci...

Nous progressons dans les couloirs froids et sinistres de la prison, jusqu'à ce que nous nous arrêtons quelques minutes plus tard devant une pièce où plusieurs personnes m'attendent autour d'une grande table ronde. Des gens travaillant dans la médecine, la prison et dans la justice se sont réunis ici, pour moi.

- Asseyez-vous, s'il vous plaît.

HUMAN? [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant