Le professeur traversa le grand jardin sans s'attarder. A chaque fois qu'il passait, il ne pouvait s'empêcher de penser à ce pauvre homme, déchiqueté pour avoir osé perturber la fête du gouverneur. Son regard dévia vers la petite annexe à la gigantesque villa où il savait qu'on gardait les patrouilleurs. D'une certaine façon, il se sentait triste pour ces bêtes, dépossédées de leurs âmes et transformées en machine à tuer à l'image des soldats que le professeur croisait chaque matin en passant le Mur. Il doutait qu'un seul de ces patrouilleurs ait un jour réussi à se libérer de ce joug. D'ailleurs aucun repentis n'avait réussi non plus. Finalement les hommes n'étaient que des bêtes comme les autres.
Jean se rappelait d'un professeur qu'il avait eu à l'université. Celui-ci enseignait alors la biologie. Il leur avait expliqué que dans un passé proche, il avait été professeur de lettres et de philosophie. Après que ces matières aient été jugées inutiles, il avait entreprit une reconversion. Dans ses cours, il se plaisait à parler d'auteurs et de philosophes.Un jour, il leur avait parlé d'un philosophe selon lequel la seule chose qui séparait l'homme des animaux c'était le choix. L'homme avait le choix. Jean ignorait où se trouvait ce professeur à l'heure actuelle ni s'il vivait encore mais il aurait aimé lui montrer son monde. Son monde qui avait ôté tout choix à l'homme. Son monde qui avait fait de l'homme une bête parmi tant d'autres.
Il remonta la longue allée immaculée au bout de laquelle l'attendait la nièce du gouverneur. Fidèle à ses habitudes, elle lui offrit un sourire hypocrite et le mena jusqu'à la salle de réunion. Il n'y vit ni Nathalie, ni Edouard et le gouverneur lui-même manquait à l'appel. Lydia ne prit pas la peine de lever les yeux de ses documents de même que les autres Blancs. Seul Philippe lui adressa ce qui ressemblait à un salut. Jean s'assit alors à sa place et attendit. Il respira longuementdans un tentative d'apaiser son cœur qui battait à tout rompre. Les enjeux étaient primordiaux. S'ils échouaient, le quartier Noir serait détruit et avec lui tous les gens qui s'y trouvaient. Les vies de milliers de personnes dépendaient de l'issus de cette réunion.
Au bout d'un moment, Edouard fit son entrée puis le gouverneur. Il n'y avait en revanche toujours aucune trace de Nathalie. Le scientifique sentait la pression augmenter. Comment Nathalie pouvait-elle arriver en retard un jour pareil ? Il n'eut pas le loisir de se poser davantage de question puisque le gouverneur se levait pour demander le silence.
-Bonjour à tous. Je vois que Nathalie n'est pas encore arrivée, malheureusement nous ne pouvons l'attendre plus longtemps. Nous allons commencer cette session du conseil restreint en espérant qu'elle se joindra malgré tout à nous. J'imagine que vous avez tous eu le temps de réfléchir au projet de cette semaine. J'aimerai entendre vos arguments à ce sujet. Je vous rappelle que la proposition de Lydia concernait la destruction des quartiers Noirs. Lydia ma chère, je vous écoute.
L'interpellée se leva, lissa élégamment sa jupe et prit la parole de cette voix mielleuse où perçait un éclat d'intelligence.
-Merci gouverneur. Je sais que ce projet peut paraître démesuré de prime abord mais je vous demande de l'envisager sur le long terme. Bien sûr les coûts de destruction seront élevés mais nous les rentabiliseront largement. Je ne propose pas de raser tout le quartier, seules les constructions qui ne respectent pas les normes ou qui ont plus d'une vingtaine d'années seront détruites. Nous garderont donc les infrastructures récentes qui serviront de base à la construction d'un nouveaux quartiers. Celui-ci sera pourvu de logements bien sûr mais aussi d'hôpitaux, de supermarché, d'écoles ... A terme l'objectif sera d'abattre le Mur pour que cela rejoigne les quartiers Gris. Il est flagrant que ces derniers manquent de place et d'infrastructure pour améliorer la vie des citoyens de notre ville. Ce projet permettra ainsi de gagner une place considérable et d'étendre la ville à l'Ouest.
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Le dernier arbre
Science FictionQuand Jean marche dans la ville qui l'a vu naître, il voit le Mur, cette gigantesque digue construite plusieurs dizaines d'années en arrière pour empêcher la subite montée des eaux de détruire la France et qui à présent sert de séparation entre rich...