CHAPITRE 1 : L'échappatoire

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– Arrêtez-la ! Arrêtez-la ! Il ne faut pas qu'elle s'échappe !!

Tout le monde était dispersé. Certains couraient vers la grande porte, d'autres se dirigeaient vers les cellules afin de taire une éventuelle émeute. Le soldat novice qui avait hurlé à travers toute cette cacophonie n'avait vraiment pas eu de chance pour sa première semaine d'essai. En même temps, la journée avait été quelque peu mouvementée...

À l'aube, le chef de l'Armée Secrète de l'Etat (ASE) avait fait irruption dans le Sanctuaire. Le Grand Prêtre l'avait accueilli convenablement mais avec une certaine nervosité. Il était rare, en effet, qu'un membre de l'ASE vienne de lui même en ce lieu, et encore moins le chef. Cela ne présageait rien de bon... Soupçons confirmés quand il a confié au Grand Prêtre, qui a ensuite annoncé la nouvelle au Sanctuaire, que l'Empire de l'Orient Ouest avait déclaré la guerre à leur Empire, celui de l'Occident Ouest. L'annonce de cette tragédie n'avait pas encore été révélée au peuple. Néanmoins, le fait qu'ils avertissent le Sanctuaire sous entendait quelque chose... Tout le monde se doutait de quoi il s'agissait. Le Grand Prêtre, seul décideur, allait-il leur permettre d'utiliser l'Arme ?

Elle reposait depuis plus de 1000 ans au chœur de ce lieu sacré. Les prêtres et tous ceux qui peuplaient ce lieu, avaient déjà eu la tâche de descendre dans l'antre de la terre et de faire connaissance avec elle. Une fois descendu, aucun n'en ressortait indemne.

Cette journée avait mal commencé et le pire était encore à venir. À peine le Roi eut-il déclaré que l'Empire était en guerre que la population se mit à paniquer. Vers le début d'après-midi, le Grand Prêtre dût intervenir lors de la Cérémonie de passage des prêtres de seconde année. Sa mine grave effraya tout le monde mais son discours fit encore plus de ravages.

– Il est l'heure de la sortir !

Personne ne réagit sur le coup, comme une bombe qu'on lance, on ne réalise pas tout de suite que c'est dangereux et qu'elle finira très bientôt par exploser. Certains visages se décomposèrent, d'autres, tremblaient à l'idée que l'Arme allait être sortie. Mais quoiqu'ils puissent penser, le Grand Prêtre avait choisi. Le Sanctuaire fut en effervescence toute l'après-midi pour préparer la venue de l'Arme tout en accueillant les populations complètement apeurées qui se réfugiaient auprès des prêtres.

Ce furent trois prêtres et une vingtaine de soldats qui descendirent chercher l'Arme, le centre de toute cette agitation. Ils n'étaient pas spécialement peureux, mais comme tous les prêtres vivants ici, ils savaient que s'aventurer auprès d'elle, causait toujours des dégâts psychologiques. C'est justement ce qui l'avait conduit à être séquestrée sous terre. Ils la dégagèrent de ses nombreuses chaînes qui l'entravaient. Les soldats se tenaient en arrière, espérant peut-être que quelqu'un viendrait les relever de leurs fonctions. Peine perdue. Les trois prêtres connaissaient le mécanisme par cœur pour l'avoir appris et pratiqué dès leur première année au Sanctuaire. Ils ne leur fallut qu'une trentaine de minutes pour désamorcer toutes les précautions prises par l'Empire et le Sanctuaire lui-même. Une fois à leur portée, les prêtres laissèrent place aux soldats qui s'étaient reculés le plus possible de la lourde porte blindée. Après quelques hésitations, ils finirent par s'avancer. Une forme humaine, aussi grande qu'une enfant d'une dizaine d'années, enroulée par une épaisse corde rouge. Celle-ci la pressait si fort qu'à certains endroits de sa peau opaline, elle était rouge. Sur sa tête, une cagoule qui lui recouvrait entièrement jusqu'à son cou. Ils l'attrapèrent délicatement avec leurs bâtons de fer, une bulle protectrice inviolable, se développa autour d'elle pour l'emprisonner.

Pas à pas, ils sortirent de la pénombre de ces souterrains. Personne n'osait la regarder. Objet de convoitises depuis des siècles par les trois autres Empires. Personne n'avait jamais pu la décrire précisément. Des croquis avaient été réalisés mais tellement se contredisaient. Elle restait un mystère malgré tous les livres écrits sur son histoire particulière : une humaine devenue immortelle, vivant et réchappant à la peste bubonique et condamnée comme sorcière en 1531 pour, peu de temps après, être attrapée et enfermée dans les cachots du Sanctuaire.

Tout était sous contrôle jusque là. Mais parmi toutes les histoires contées au fil des années, la seule morale qui avait été retenue était celle-ci : "Elle apporte le malheur là où elle passe". Et la théorie qui persistait depuis toujours s'était vérifiée ce jour-là.

Elle sortait enfin à la lumière du jour. À peine quelques pas faits dans la cour, qu'il y eut un séisme. Tout le monde pressentit que le danger était beaucoup plus proche qu'il était estimé. Le Grand Prêtre était introuvable. Heureusement, le chef de l'ASE aboyaient des ordres à ses subordonnés qui couraient dans l'enceinte du Sanctuaire, se plaçant à leur poste. Puis voyant qu'il était inutile de cacher ce qui se passait, il se mit au centre de la place et clama haut et fort :

– L'Empire de L'Orient Ouest a engagé les hostilités. L'heure est à la guerre !

Tout bascula. L'organisation si bien préparée par le Grand Prêtre qui consistait à répartir tous les prêtres dans le Sanctuaire pour renforcer les protections s'était vite révélée un échec. La terreur s'était substituée à la sérénité qui les habitait habituellement. Ils avaient appris et s'étaient confortés dans l'idée que la panique ne résidait pas dans l'apprentissage d'une vie de prêtre. Et comme un coup de vent sur un château de cartes, tout s'était effondré. Leur seul objectif à présent, c'était de bombardé son nouvel ennemi. Malheureusement, le Sanctuaire était leur première cible. Pourquoi ? Pour l'Arme, bien sûr ! Si elle parvenait entre les mains de l'État de leur Empire, il était possible de renverser la situation à leur avantage. Ce n'était pas eux qui avait déclaré la guerre, mais ils pouvait la gagner.

L'affolement parcourut les rangs de tous, autant ceux des soldats que ceux des prêtres. Plus personne ne dirigeait personne. Le brouhaha de l'inquiétude prenait de plus en plus d'ampleur. L'adversaire avait atteint son objectif : faire peur et inspirer la crainte d'être envahi. Les soldats se focalisaient principalement sur la protection du bâtiment. Ce qui déclencha une restriction des gardes sensés protéger "l'Arme." Un seul soldat resta. Il était novice et c'était sa première semaine. Il n'avait donc pas encore l'instinct d'un membre à part entière. Bien ou pas, ce n'était pas ce qui aurait empêché l'Arme de fuir.


La Démone aux Yeux VertsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant