La Démone aux Yeux Verts

CHAPITRE 3 : La bibliothèque de l'hôtel

Il ferma sa boutique et l'emmena. Il lui expliqua comment la ville s'était agrandie et modernisée au fil des années. Elle était stupéfaite par les innovations et les transformations, ainsi que le progrès dont avait fait preuve l'être humain. Ils parcoururent ainsi une bonne partie de la ville avant d'arriver au bâtiment où travaillait l'épouse de ce chaleureux vieil homme. L'immeuble qui servait d'hôtel n'était pas à proprement parlé très grand, seulement il occupait un tiers des habitations de la rue côté gauche. Imposant, il se différenciait aussi par sa façade ancienne et pourtant en très bon état. La porte était immense comparée à celles des autres maisons. En bois d'aragon, il était usé. Marina se demanda comment pouvait-elle encore tenir après tout ce temps. Le mur était en pierre avec quelques gargouilles tout en haut. Il n'y avait pas de toit, en revanche les fenêtres étaient grandes, ce qui permettaient quand il y avait du soleil, un grand éclairage de la pièce. Les carreaux étaient larges et peu nombreux, certains avaient des teintes pâles dues à leur longue vie d'utilisation. Il n'y avait pas de rebord pour poser des pots de fleurs ni de volets. Néanmoins, on pouvait apercevoir à certaines fenêtres des rideaux tirés. Marina était en admiration.

– Nolan ! Te voilà enfin ! fusa une voix stridente.

Une femme se tenait à la fenêtre de droite, la plus proche de la porte sculptée. Elle avait les cheveux bouclés et coiffés, si on peut dire, en forme de perruque africaine. Mate de peau, avec des yeux d'un bleu limpide, Marina en perdit l'équilibre. Le vieil homme, appelé Nolan, la rattrapa.

– Et bien ! Qui me ramènes-tu donc cette fois ? continua-t-elle, en se penchant pour l'examiner.

En soutenant Marina, Nolan la fit entrer. La femme les rejoignit. Ils l'installèrent sur un des fauteuils que comptait l'entrée qui faisait office de réception.

Le style était unique, d'une époque révolue depuis des siècles et pourtant, que ce couple, tenait à conserver. Marina se sentit à son aise dans ce décor qui lui rappelait son histoire. Le tapis avait été tissé à la main avec des motifs exprimant un moment précis de la vie de personnages divers. Mais aussi des cadres, dont certains étaient en noir et blanc, des portraits de rois, d'enfants, de femmes, de paysans, d'aristocrates, etc. Mais ce qui fascina Marina, ce fut le vase posé sur la table basse entourée de fauteuils en velours rouge. Celui-ci ressemblait à un vase ordinaire où l'on mettait des fleurs, rempli d'eau pour les conserver quelque temps. Cependant celui-ci avait été peint, des motifs de toutes parts avec des détails, des couleurs qui faisaient ressortir sa blancheur originelle.

– Il est beau, n'est ce pas ?

Marina s'aperçut enfin de la présence de son guide et de sa future hôtesse mais préféra poser son regard sur la décoration.

– Je te présente ma femme, Fatima.

Elle se tenait comme un homme, les mains sur les hanches, le regard dur et scrutateur du faucon. Elle était aussi imposante que sa propriété. Nolan lui expliqua donc comment ils s'étaient rencontrés et ce qu'il attendait d'elle. Elle ne releva jamais une parole ni un œil vers son mari, constamment braqué sur la nouvelle venue. Une fois l'entretien finit, il laissa Marina aux bons soins de sa femme et repartit à sa boutique. Madame Fatima ne semblait pas commode et pour cause, elle fixait, impassible, sans sourire contrairement à son conjoint. De plus, sa corpulence n'arrangeait rien. Elle s'installa à son comptoir de réception et ouvrit un épais ouvrage. Marina, un peu indécise et intimidée, finit par se lever et la rejoindre. Elle avait l'impression d'imposer sa présence.

– Madame Fatima... commença-t-elle en observant le livre qu'elle avait devant elle.

Celle-ci leva promptement ses yeux vers elle. Marina prit peur et détourna rapidement le regard. Pourtant elle avait l'habitude de n'avoir peur de rien, mais il semblait que son séjour sous terre l'avait un peu engourdie.