CHAPITRE 7 : Alizée

130 14 7
                                    


Madame Fatima ne changea pas sa façon de se comporter mais Nolan et Antim, en revanche, se montrèrent plus présents et plus prévenants. Ils étaient devenus une famille unie et aimante. Marina reprenait son entrain et sa joie au fur et à mesure que les jours passaient. Même si le climat était à la guerre, ils ne subissaient pas trop de dégâts grâce à leur localisation assez excentrée du cœur de la ville.

Puis Antim arriva un beau jour, alors que tous étaient dans la cuisine. Il était accompagné, un immense sourire sur le visage.

– Je tenais à vous la présenter.

– Bonjour ! fit une voix suave.

C'était une femme d'une vingtaine d'années. Elle était aussi grande qu'Antim, élancée, un visage fin. Elle était belle avec ses cheveux coupés au carré d'un blond presque blanc aussi soyeux que leur odeur de lavande. Ses yeux bleus océan étaient si limpides qu'on avait l'impression que l'on pouvait voir son reflet. On aurait pu croire qu'elle sortait tout droit d'un livre, totalement inventé, tellement elle était sublime.

– Voici ma fiancée, Alizée.

Le monde s'écroula pour Marina. Madame Fatima explosa de bonheur, Nolan félicita Antim et embrassa la nouvelle venue. Marina était restée clouée sur place.

Après son enfermement, elle s'était rapprochée d'Antim, ils vivaient comme une véritable famille. Elle savait qu'il ne ressentait pas la même chose qu'elle et elle pensait se satisfaire de cette relation. Elle mit du temps avant d'accepter cette situation mais Alizée l'aida en lui prouvant qu'elle avait aussi de nombreuses qualités. Elles s'entendaient bien. Néanmoins, Marina avait du mal à supporter de les voir ensemble côte à côte sur un canapé ou encore quand ils sortaient ensemble. Elle faisait des insomnies presque toutes les nuits. Que lui restait-il ? Elle avait tout perdu en apprenant la vérité sur ses origines autrefois. Et maintenant qu'elle avait une deuxième chance, elle avait perdu celui qu'elle aimait. Elle avait la vie éternelle et le pouvoir de commander tous ceux qui croisaient son regard, mais servaient-ils vraiment si tout ce qu'elle vivait la rendait malheureuse ? Si elle continuait ainsi encore des siècles, la même chose se reproduirait-elle ? Ou bien c'était à elle de changer les choses ? C'était bien la première fois qu'elle se posait ce genre de questionnements... Tellement de personnes rêveraient d'être à sa place et posséder son pouvoir. Pourtant, elle ne qualifierait pas son état comme d'un don ni d'une opportunité. Ils ne servaient à rien pour elle. Sa vie aurait été tellement plus agréable, plus simple si elle n'avait aucun pouvoir et sans l'éternité devant elle. Pour Marina, c'était une punition. La preuve, on la prenait pour un monstre, on l'avait enfermée pendant mille ans. Elle réfléchit à son rôle pendant plusieurs jours.

Elle descendait les escaliers de l'hôtel pour se rendre à la salle à manger quand elle entendit la télé. Un bijou de la technologie qu'elle ne cessait d'admirer.

« – La dernière attaque de l'ennemi a fait quatre-vingt-dix-sept morts et deux cents dix blessés dont cinq dans un état grave. Les responsables ont survolé la dite zone depuis un drone. Pistés par les militaires de l'air, ils ont été débusqués et ont opposé une résistance qui a entraîné une fusillade. À l'heure actuelle, deux d'entre eux ont pris la fuite. »

Le ton était sobre voir déprimant. Parler d'une guerre n'amenait jamais la gaieté. Ce fut pourtant le déclic pour Marina. La guerre.

Le soir même à table, elle demanda :

– Qui peut participer à la guerre ?

Madame Fatima failli s'étrangler, Nolan dut lui taper dans le dos pour qu'elle ne s'étouffe pas. Antim n'était pas descendu dîner, donc ils étaient à trois autour de la table. Il était sortit quelques heures plus tôt avec Alizée. Marina sentit qu'elle n'aurait pas du parler de la guerre. Mais elle s'interrogeait beaucoup depuis qu'elle avait entendu les informations un peu plus tôt.

– Mais enfin ma chérie ! Qu'est ce qui te prend !? Il n'y a que les hommes pour s'intéresser à la guerre ! s'emporta Madame Fatima après avoir bu une longue gorgée d'eau.

Marina se sentit prise en faute et préféra se taire le reste du repas.

À la sortie, Madame Fatima débarrassa et refusa son aide. Elle pensait que c'était le résultat de s'être mêlé de quelque chose qui ne la regardait pas. Elle s'apprêtait à quitter la salle à manger quand elle entendit la voix de Nolan. Il lui faisait signe d'approcher. Elle vérifia que Madame Fatima ne la surveillait pas pour aller voir de quoi il s'agissait.

Nolan la conduisit jusqu'à son atelier dans une grange à l'écart de l'hôtel. Tout était en désordre et poussiéreux. Marina failli éternuer plusieurs fois. Nolan cherchait quelque chose, soulevait des planches, reposait des sacs, déplaçait des outils.

– Ah ! Les voilà !

– De quoi ? demanda Marina en restant à l'écart, là où la poussière ne formait pas un épais nuage dans l'air.

Nolan lui tendit des lunettes. Des lunettes toutes simples. Les branches étaient en métal et les verres encore un peu sale. Marina les prit sans comprendre.

– Je te les offre, s'exclama Nolan avec un ravissant sourire.

Marina les déplia et les posa sur son nez. Il n'y avait pas de glace pour voir quelle tête cela lui faisait. Ils retournèrent à l'intérieur. Marina cherchait un miroir quand elle croisa le chemin d'Antim qui parcourait les couloirs à la recherche de quelque chose.

- Ah ! Marina !

Elle leva les yeux vers lui et se rendit compte qu'elle croisait son regard, elle le détourna aussitôt.

Une minute... Quand elle avait regardé Antim, ses yeux n'avaient pas virés au vert comme tout le monde le faisait lorsqu'elle les regardait. Les verres des lunettes avaient-ils empêché son pouvoir de fonctionner ? Elle les toucha.

– Marina ? s'inquiéta Antim.

Elle ferma les yeux et tourna sa tête vers lui et rouvrit peu à peu ses paupières. Non. Il n'était pas sous son contrôle. Elle essaya aussitôt avec Nolan qui était derrière elle. Non plus.

– Nolan ! Vos lunettes me permettent de vous regarder ! S'enthousiasma Marina.

Elle passa le reste de la journée et les suivantes à s'amuser à se regarder dans la glace ou encore à sortir faire les courses avec Madame Fatima. Elle n'avait plus peur de voir ceux qui l'entouraient. Elle n'avait plus peur de regarder les passants. Elle n'avait plus peur de se sentir à part. Elle se sentait toute légère. Elle était normale.

***


---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Voici l'avant dernier chapitre, la fin sera pour dimanche

Bonne lecture ;)

La Démone aux Yeux VertsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant