III.

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Kaleb : orienté par son coeur...

La lecture...

Ce fut l'une des premières choses qu'il m'apprit, l'écriture suivit...

L'homme aux cheveux argentés et aux rides profondes. Il avait 85 ans lorsqu'il me recueillit. Reclus au fond de sa grotte, il était le plus ancien du village. Chacun le respectant à sa juste valeur.
Un peu gourou, un brin magicien, paisible par nature. Il attendait sereinement son heure comme s'il avait déjà vécu plus qu'il n'aurait dû.

Mon premier livre, je m'en souviens encore. Une histoire d'amour entre un homme et une femme sur fond de guerre nucléaire. Elle mourait, lui n'y survivait pas, emporté par le chagrin trop lourd à supporter.

Je n'ai jamais bien compris les sentiments.

Difficile pour moi de m'attacher à quelqu'un ou à quelque chose en particulier.
J'appréciais la présence du vieillard mais j'aimais tout autant la solitude.

Je m'attardais longuement sur les images vieillies des encyclopédies à moitié déchirées par le temps, que plus personne n'osait ouvrir.
Je me rappelle encore de l'odeur de moisissure des pages cornées que je tournais délicatement à la découverte des trésors du passé.

J'avais du mal à croire à tout ce que je voyais. Toutes ces machines sorties tout droit de l'imagination des hommes, ces animaux étranges qui n'existaient plus. Toutes ces guerres qui avaient usé le monde au point d'en entraîner sa mort. Les politiciens disparus et leurs lois obsolètes autant qu'absurdes, préférant jouir de leurs statuts confortables plutôt que de s'interroger sur l'avenir de leurs semblables lorsqu'il en était encore temps.

Tout ceci semblait tellement futile à présent.

Pourquoi l'homme n'avait-il pas simplement profité de cette chance de vivre ?

Était-ce si compliqué à comprendre ?

Pourquoi toujours chercher mieux quand finalement le bonheur se trouve à nos pieds ?

Je mesurais d'autant plus l'absurdité de la chose n'ayant pas connu tout ça.

La culpabilité étouffait l'être humain, mais il était trop tard.

Comment pouvait-on ne pas se reprocher d'être à l'origine de sa propre extinction ?

Autant de questions qui restaient sans réponse...

Je décidai d'écrire.

Je n'avais plus que ça à faire.

L'extérieur était devenu trop hostile pour s'y risquer et il ne me restait plus longtemps à vivre.
Chaque jour des centaines d'hommes et de femmes mouraient de faim, de soif, d'ennui...

Le vieil homme me nourrissait et m'abreuvait. Mais pour combien de temps encore ? Il n'était que l'ombre de lui-même...

La roche de la grotte était l'endroit idéal pour y graver toutes mes pensées, tous ces dessins que j'imaginais.

À l'âge de 8 ans j'inscrivis ma première phrase dans la pierre :

"Je suis né le 23 ème jour de l'an 2401 sur une terre dévastée, noyée sous les décombres des guerres interminables et brûlée par le rayonnement solaire..."

Le reste suivit après la mort de mon protecteur.

ORIGINALLY ( Nouvelle )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant