IV.

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La vie est une interminable victoire sur la mort qui prend fin lorsque nous trichons...

C'était un matin.

J'avais 11 ans.

Lui 96.

Je n'ai pas pleuré.

Je n'ai jamais su pourquoi.

Le soleil pénétrait timidement notre refuge.
Je me rappelle encore l'avoir vu allongé dans la poussière, le visage blême et le regard vitreux.

Il était froid. Je ne connaissais pas cette sensation.

J'eus toutes les peines du monde à le découper afin de pouvoir l'extraire discrètement du trou.

Je n'ai pas osé le manger malgré la faim qui me tiraillait le ventre.

Je bus son sang...

J'étais seul à présent, livré à moi-même. Personne ne savait que j'existais.
Je n'étais jamais allé plus loin que l'entrée de la grotte, d'où je ne sortais que la nuit. Je m'asseyais devant scrutant le ciel et ses milliards d'étoiles scintillantes.

Je me suis toujours demandé, en regardant cette voûte magnifique, si quelqu'un d'autre existait là-haut, parmi toutes ces lumières.
Nous n'avions jamais trouvé personne, nous n'avions jamais été visité.

Étions nous seul dans cette immensité céleste ?

Je peinais à la croire.

Le monde était ainsi, si petit et tellement insignifiant.

Cependant les hommes s'imaginaient puissants, uniques, exceptionnels !

L'étions nous vraiment ?...

Chaque jour, je gravais dans la roche tout ce que je pouvais, j'écrivais tout.
Le moindre mot,la moindre pensée qui me venait était retranscrite.

Mais dans quel but ?

Qui me lirait ?

Cette réflexion parcourait mon esprit mais ne me stoppait pas.

Je n'écrivais pas pour être lu mais pour survivre.

À quoi bon me diriez vous ?

Pour l'amour des lettres. Elles étaient si belles, si parfaites, avec leurs courbes sinueuses, mélodieuses et dramatiques.
Elles devenaient mes amies, mes confidentes. L'empreinte qui resterait après moi...

Je sortais de plus en plus souvent, plutôt la nuit, à la recherche de nourriture et d'eau. L'atmosphère était lourde, presque opaque.
Les charniers se dressaient autour de moi, les ossements putrides dégoulinaient de toute part. L'odeur était insupportable.

Je ne voyais jamais personne, à croire que tout le monde avait rendu l'âme.

Cette nuit là, un cri retentit dans la clarté lunaire. Un gémissement effroyable, une agonie lointaine, mon futur repas...

ORIGINALLY ( Nouvelle )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant