SO Trevor (Édité : Oscula, La Malédiction du baiser)

Partie 2 : souvenir

30 ans plus tôt, Royaume des enfers, Domaine de la forêt d'épines.

J'étais cachée dans un recoin, espionnant la conversation entre Anarazel — le monstre qui avait massacré toute ma famille — et Chax, ce duc infernal plus connu sous le nom du Collectionneur. Un surnom qui lui venait de sa propension à s'entourer des différentes sources de magie existantes. Il en recueillait un maximum de façon à étendre son propre pouvoir à son point culminant.

Chax était en effet en mesure de reproduire les compétences surnaturelles d'un autre démon, à condition que celui-ci se trouve à une distance suffisamment respectable de sa position. Et je savais que mon don d'empathie l'intéressait depuis longtemps.

Outre leur capacité à percevoir l'état d'esprit des personnes les entourant, et à guérir leurs blessures émotionnelles, les empathes étaient également en mesure de canaliser la magie qu'on utilisait à leur encontre de façon à l'absorber plutôt que d'avoir à en subir les dommages. Ce qui pouvait les rendre, par la même, insensibles aux attaques magiques.

Un pouvoir extrêmement puissant auquel je n'avais moi-même pas accès en tant que semi-démone mais dont le secret coulait néanmoins dans mes veines. Chax, en tant que démon à part entière, pourrait le recopier dans son intégralité, en s'aidant de son propre pouvoir duplicateur et d'un rituel qui lui permettrait d'en trouver le déclencheur.

Le démon brun aux yeux noirs, n'avait jamais caché son intérêt pour ma personne et il attendait simplement d'avoir à proposer à Anarazel une contrepartie suffisamment intéressante pour qu'il accepte enfin de se séparer de moi, son détecteur de mensonge personnel et sa guérisseuse occasionnelle.

En le voyant arriver au palais ce jour là, j'avais donc eu un mauvais pressentiment quant à la raison de sa venue, et les élans de conquête et de triomphe imminent qui me parvenaient lorsque je le sondais n'avaient fait que renforcer mes craintes.

Je n'avais toutefois aucune envie de faire partie de la collection d'objets rares de ce démon autoritaire pour ne devenir rien de plus qu'un outil entre ses mains. Tel un citron qu'il pourrait presser quand bon lui semblerait.

Quitter une cage pour une autre n'avait rien du futur auquel j'aspirais.

Voilà pourquoi j'avais entrepris de les suivre discrètement lui et Anarazel lorsque j'avais appris la présence de Chax au palais. Je préparais mon plan d'évasion depuis déjà plusieurs années, et quelque chose me disait que j'allais devoir le mettre à exécution plus tôt que prévu.

Je me tenais dans l'ombre d'une alcôve, camouflée par l'une des bibliothèques qui meublaient le grand bureau dans lequel conversaient actuellement les deux démons. La porte du passage secret par laquelle j'étais arrivée, et dont moi-seule avait connaissance, était toujours entrebâillée dans mon dos.

— Chax, dois-je supposer que ta visite impromptue a un rapport avec Koren ? Aurais-tu enfin un marché intéressant à me proposer en échange de ma si précieuse enfant ?

Je reniflai de mépris en l'entendant se présenter une fois de plus comme mon père. Anarazel s'était injustement alloué ce titre après s'être emparé de notre domaine par la force. Mes parents, mon grand frère, et la moitié du personnel avaient péri ce jour là... tant de bonnes âmes que je ne reverrais jamais plus.

Je n'avais que cinq ans lorsque le drame était survenu, et mon don d'empathie m'avait alors évité d'avoir à subir le même sort que mes proches. J'étais le seul membre de la famille à en avoir hérité et bien que mon père n'ait été qu'à moitié démon lui-même, rendant de ce fait mon don moins puissant qu'il n'aurait pu l'être, il restait suffisamment rare pour attirer l'attention d'Anarazel sur moi et le pousser à m'épargner, à l'époque.