Prologue

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Il continuait à marcher et les rues devenaient de plus en plus étroites et désertes.

Des rues interminables bordées de maisons de briques toutes identiques, entourées de jardins tout juste assez grands, éclairés par des réverbères.

Lorsqu'il essaya de pousser le portail du parc, la seule entrée du jardin clôturé de fils barbelés, un grognement s'éleva d'un banc situé à moins d'un mètre de là. Il aperçut sur la banquette trois vieilles femmes dont le soleil les nimbait d'un halo. Trois rombières qui tricotaient en commentant la rumeur qui fusait dans Londres selon laquelle la capitale était le théâtre de diverses disparitions.

Malgré leur commérages , Peter les aimait bien.

Il se pavanait, un tube en carton vissé sur l'œil en braillant : " En avant les amis, nous partons !". Après quoi, il courrait en foulant aux pieds des fleurs.

Peter était un chérubin de huit ou neuf ans. Un incorrigible rêveur aux pommettes hautes et le teint de miel qui contrairement aux autres enfants dont les manches laissaient découvrir leur avant bras et accusaient une croissance trop rapide, ne grandissait pas. Il semblait détenir la clé de l'immortalité, la jeunesse éternelle que toutes les dames de Londres enviaient.

Une fois avoir dévalé la motte de terre, un vulgaire amas de boue, il sillonna le petit jardin qu'il prenait pour un pays utopique ou s'entremêlaient fées et créatures fantastiques puis il se hâta de rejoindre les trois vieilles femmes en brandissant une fausse dague. L'une d'elle tenait dans les mains une vieille boîte et en sortit une poupée répugnante: son visage était orné de balafres et sa main n'était qu'un simple crochet rouillé.

Il repoussa poliment la poupée et réajusta son calot vert surmonté d'une plume rouge sur sa tête.

"-Allons Peter! s'égosille la vieille dame, pourquoi ne veux-tu pas cette poupée? Tout les autres garçons de ton âge aiment les pirates..."

Seulement Peter n'est pas comme les autres garçons. C'est un enfant perdu, un orphelin privé de l'amour maternel qui fonde l'enfance.

"-Non a t-il répondu d'un ton bourru, les pirates sont des adultes et les adultes sont méchants."

Pour étouffer un hoquet de surprise la dame posa une main sur sa bouche. Jamais elle n'avait entendu un enfant s'exprimer de la sorte. Et d'ailleurs les deux femmes qui l'accompagnait furent toute aussi surprise.

"-Les adultes ne sont pas tous méchants Peter protesta la femme en effeuillant du pouce son journal, je ne pense pas être méchante avec toi."

Il lui avait fait un sourire, un sourire qui se voulait réconfortant. Puis il glissa sa main dans celle de la vieille dame.

"-D'une façon concrète, vous êtes une adulte mais là dit il en tapotant la tête de la femme, vous êtes toujours une enfant"

Comme le dernier coup des dix heures retentissait il avait déguerpi  du parc pour s'engouffrer dans les rues de Londres jonchées d'éclats de verre où dominait une odeur âcre et nauséabonde .

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