Les barques graciles se meuvent sur la Tamise, bercées par les doux remous du fleuve.Autour des batelets, l'eau miroitante étend une nappe sombre maculée de millions de débris d'étoiles que j'observe. Et plus loin , une dizaine de bateau amarrés le long des appontements tanguent.
J'avais veillé sur elle toute la nuit, jusqu'à son dernier souffle.
"S'il te plait Gwen m'avait elle soufflé, promets moi une chose, ne grandis jamais."
Les dernières paroles de madame Darling témoignaient d'une persévérance à laquelle elle n'avait cesser de s'accrocher. Atteinte d'un mal obscur, sa santé s'était déplorée depuis mai. Durant les mois précédant son décès, sa confusion mentale était devenue cruellement insoutenable. Les contes pour enfants telle que ce sobriquet de Peter Pan l'obsédaient ,elle semblait même convaincue de leur réalité.
J'avais caressé de l'index le dos du livre "Peter Pan" posé sur la commode contre le lit, et l'avais placé sur son cadavre exsangue. Après quoi je m'étais enfuie.
Je longe le fleuve ou quelques barques bombées ballotent sur les eaux tranquilles de la Tamise. Et, assise en tailleur, je hume profondément les parfums qui me parviennent: l'odeur âcre des entrepôts de pêches couplée à celui des dépotoirs.
"-Grand-mère est morte n'est-ce pas ?"
Je cherche mon interlocuteur sur la berge plongée dans la pénombre. Les contours d'une silhouette infantile effacée se dessine alors près de moi et le bambin aux grands yeux bruns s'assoit à son tour. Aucun doute ne subsiste quant à son identité : c'est Danny. Il continue:
"- Tu sais Gwen, Grand-mère croyait aux contes de fée et surtout à Peter Pan a t-il affirmé. Tu pense qu'il est possible qu'il existe ?
-Ma foi ai-je répondu, je crois que tout est possible."
Alors comme par enchantement, des quatre coins du fleuve, des lumières multicolores apparaissent dans l'air est se mettent en mouvement. Des bleus, des pourpres, des mauves, des jaunes comme autant de petites lucioles formant au centre une masse difforme. On peut peu à peu distinguer une petite créature dotée de deux ailes lacérées qui enveloppent son corps émacié et dont un vêtement parme épouse ses formes. Ce doux individu, on ne peut plus étrange, accapare mon esprit par la lumière sur son visage et par le son de sa voix si varié que j' ai l'impression de vivre un rêve éveillé. Peu à peu la créature se rapproche déployant ses deux ailes immaculées tout en délaissant un filet de poudre constellée. Elle s'est posée sur mon épaule, et convaincue que cet être n'est que le fruit de mon imagination l'abas à paume ouverte. Mes phalanges dégoulinent d'un fluide bariolé et la créature, ou du moins ce qui l'en reste, s'estompe.
"-Lève toi ordonnais-je à Danny , il ne faut pas rester ici."
Marchant à grands pas, nous tournons le dos au fleuve dont les rives me semblent trop brumeuse prenant un dédale de rue étroites menant à la maison.
***
Son parfum enivre encore la chambre. Lorsque je m'allonge dans son lit le métal crisse, un bruit qui se veut aussi rassurant que sa voix conciliante quand elle me disait "je t'aime". Je venais dans ce lit me plaignant de monstres sous mon lit aux crocs acérés, la peau rugueuse parsemées d'écailles vertes émettant un bruit étrange, celui d'une horloge détraquée. A chaque fois, grand-mère me prenait dans ses bras, m'étreignait en murmurant: " N'aie pas peur mon ange, je serai toujours là pour te protéger".
D'un coup, j'ôte mes chaussures et m'adosse contre les coussins à motif cachemire. Puis , je remarque une valise ébène sous le lit. Elle s'ouvre facilement mais ne contient qu'une simple guenille azure-la robe d'enfant de ma grand-mère - et une plume pourpre. L'axe central est d'un rouge cramoisi et les lames qui se découpent obliquement d'un vif carmin enflammé.
Un craquement brise le silence. Puis, j'entends des pas accompagnés de voix en provenance de la chambre voisine, celle de Danny.
"-Frappe moi s'époumone une voix de l'autre côté de la cloison"
Je me faufile hors de la chambre et m'arrête devant l'entrebâille de la porte voisine.
"-Ne refoule pas ta colère Danny reprend l'inconnu. Frappe moi , montre que tu as mal."
A s'y méprendre, on peut penser que Danny demeurant interdit devant l'inconnu, ne cédera pas à l'envie mordante de le frapper. Seulement l'étranger ne se fait guère prier. Danny, de toute la haine qui brûle en lui porte un coup sur la mâchoire de l'inconnu. Aucune once de regret ne semble l'entraver.
"-Ta grand-mère a choisi de mourir en choisissant de grandir. Ne fais pas la même erreur et viens avec moi."
Et sortant de l'ombre qui cèle sa physionomie, je peux enfin découvrir le visage de l'inconnu . Il a le teint clair, des traits finement dessinés et un calot vert qui couvre ses cheveux d'un blond lustré. Enfin, un épais filet rougeâtre s'échappe de la commissure de ses lèvres.
Au moment où le blondin empoigne la main de Danny, se place sur la lucarne mes jambes flageolantes refusent d'obtempérer. Il m'est impossible de les rejoindre et récupérer Danny.
L'inéluctable s'est produit. Ils ont tout deux sauté de la fenêtre.
Là où je pensais découvrir le corps inerte de Danny, quatre mètres plus bas, je découvre une vieille poupée usée au visage orné de balafres avec un crochet à la main. Sur le pieds de la poupée égarée par l'inconnu, à l'encre noir deux mots y sont inscrits : Peter Pan.
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Premier chapitre de Pan que je n'ai pas beaucoup travaillé en tout cas j'espère qu'il vous plait et donnez moi vos avis ;)