Partie II

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1



La visite venait de se terminer, elle n'avait pas durée longtemps, une heure tout au plus, mais cela avait suffit à lui donner mal à la tête. Le bruit des machines en action, des milliers d'hommes répétant des gestes machinalement, était insoutenable. Un ouvrier vint à sa rencontre,


Hé toi ! t'es le nouveau c'est ça ? y'a le contremaitre qui veut te voir ! il est dans la partie où on place les batteries dans les téléphones! va le rejoindre !


Tsù se dirigea donc vers ce domaine qu'il avait visité ce matin. Il s'attendait à revoir le contremaitre qui l'avait reçu la veille, au lieu de ça, une autre personne se tenait au milieu des ouvriers, donnant des ordres, cet hommes était l'exact contraire de l'autre contremaitre, il n'était pas très grand, assez chétif, sa voix grinçait et ses yeux étaient haineux, Tsù s'approcha. Le contremaitre se retourna, le vit et lui fit signe de venir.


Toi le nouveau ! je t'ai trouvé une place vacante, ici même !


Il appela un ouvrier et lui demanda d'expliquer à Tsù qu'est ce qu'il fallait faire. L'ouvrier travaillait vite, prenant peu de temps pour lui apprendre, Tsù essayait de suivre son rythme, difficilement.


2


Tsù n'était là depuis seulement 4 jours et il n'en pouvait déjà plus, à bout de force, assommé par la fatigue et le travail constant. Des journées de 14 heures, auxquelles on rajoute plus de 60 heures hebdomadaires de temps de travail par jour, son corps somnole au quotidien, il semble paralysé et ses mouvements robotiques. Lorsque Tsù retournais sur les lieux d'assemblage, il n'était qu'un parmi les autres ; ils étaient tous similaires, reproduisant le même mouvement, dans le même ordre, à la même vitesse, ça en devenait effrayant, cette masse fonctionnant simultanément. Et à la suite de ces journées assommantes, il fallait retrouver ce dortoir, ce dortoir froid, petit, humide, sombre et puant. Néanmoins ce n'est pas cela qui l'empêchait de trouver le sommeil mais ce stress qui le rongeait ; son esprit n'était focalisé que sur la quantité, l'efficacité et surtout la peur d'être renvoyé. Ces conditions de travail était insupportables mais ce boulot était indispensable, il se devait de le faire et de le faire bien. Mais Tsù voyait toutes ces personnes qui l'entouraient, qui n'étaient pas plus heureuses que lui, et qui pourtant ne disaient rien : ils ne parlaient pas comme si le besoin de se faire entendre et de vouloir vivre mieux avait disparu en eux depuis bien longtemps. Combien de temps pourrait-il encore tenir ainsi ?




Se lever, s'habiller, ranger, marcher, travailler, assembler, se retirer, se déshabiller, se coucher.


Se lever, s'habiller, ranger, marcher, travailler, assembler, se retirer, se déshabiller, se coucher.


Tsù se leva, s'habilla, rangea ses affaires, marcha jusqu'à son poste, commença à assembler les batteries, ses doigts travaillaient machinalement, lui permettant de réfléchir au sens de tout ça. Ils étaient des dizaines, des centaines, des milliers à travailler, à assembler les batteries de leurs doigts.


La chaleur humaine qui était dégagée était suffocante, mais Tsù continuait à travailler, son voisin continuait à travailler, les ouvriers continuaient à travailler.


Remuez-vous ! Bande de feignant !


Les pensés de Tsù arrêtèrent de divaguer, lui permettant de se concentrer pleinement sur son travail. La journée passa, lentement, et l'heure de la pause arriva. La sonnerie retentit, stridente, et les ouvriers arrêtèrent leur travail. Tous se ruèrent au self, la queue était interminable. La nourriture n'était pas bonne, mais elle était nourrissante. Tsù était assis à une table, avec des ouvriers de la même section que lui. Ils mangeaient en silence, tout comme le reste du self, le contremaitre s'approcha et se tint debout face à eux, croisant les bras dans une position de domination. Il toisa le groupe, le regard toujours aussi haineux, Tsù et les autres ouvriers baissèrent les yeux, le contremaitre prit la parole :


Vous avez mal bossés tout à l'heure, si je vous reprends encore une fois entrain de somnoler, je ferais en sorte que vous ne voyez pas votre salaire le mois prochain !


Le contremaitre partit avec une démarche qui se voulait imposante. Tsù et les ouvriers mangèrent rapidement et retournèrent travailler.

E-GerminalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant