Si vous continuez d'être ainsi tout pâle
Dans notre air étouffant,
Si je vous vois entrer dans mon ombre fatale,
Moi vieillard, vous enfant;
Si je vois de nos jours se confondre la chaîne,
Moi qui sur mes genoux
Vous contemple, et qui veut la mort pour moi prochaine,
Et lointaine pour vous;
Si vos mains sont toujours diaphanes et frêles,
Si, dans votre berceau,
Tremblante, vous avez l'air d'attendre des ailes
Comme un petit oiseau;
Si vous ne semblez pas prendre sur notre terre
Racine pour longtemps,
Si vous laissez errer, Jeanne, en notre mystère
Vos doux yeux mécontents;
Si je ne vous vois pas gaie et rose et très forte,
Si, triste, vous rêvez,
Si vous ne fermez pas derrière vous la porte
Par où vous arrivez;
Si je ne vous vois pas comme une belle femme
Marcher, vous bien porter,
Rire, et si vous semblez vous semblez être une petite âme
Qui ne veut pas rester,
Je croirai qu'en ce monde où le suaire au lange
Parfois peut confiner,
Vous venez pour partir, et que vous êtes l'ange
Chargé de m'emmener.
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L'année terrible
PoesíaPoèmes écrits d'août 1870 à Juillet 1871, par monsieur Victor Hugo. La France est alors en guerre contre les états coalisés sous l'égide de la Prusse, qui allait devenir l'empire d'Allemagne, après avoir terrassé le second empire français. Paris se...