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Après des semaines d'adaptation, j'avais réussi à tout repérer chez moi. Je savais comment me faire à manger sans brûler mon appartement, je savait où aller chercher mon chat en me mettant à l'écoute de ses roronements. Je pouvais me déplacer à tâtant sans casser quoique ce soit et je ne savais pas pourquoi mais ça m'amusait.

Parfois ma vue revenait, mais c'était toujours flou, très flou et noir autour. Bien évidemment ma famille n'était pas au courant. Mes voisins non plus et mes collègues encore moins. J'avais coupé les ponts avec le monde externe, tout se centrait désormais sur mon appartement. Ma salle de bain était les Caraïbes, ma chambre ; Dubai, mon salon; les Etats-Unis, ma terrasse; le Kenya, ma cuisine le Brésil, ma bianderie le Maroc et mon bureau la Chine. Je me sentais bien chez moi mais bien sur tout était éphémère.

Le matin même j'avais reçu la visite de ma mère. J'étais anxieuse et malade à l'idée de la voir. Je ne savais pas comment j'allais lui dire que je ne voyais plus rien depuis près d'un mois. Que j'avais démissionnée du seul boulot qui me rendait heureuse. Que je calculais les heures par rapport au nombre de tic tac que faisait l'aiguille des secondes. Que mes quatre autres sens s'étaient multipliés par 100, par 1000... j'avais peur, non pas pour moi, mais pour elle et son âme fragile.

L'aveugle [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant