(point de vue Kim)
Elle m'appelle. Encore.
Je me réveille en sursaut. Mon corps entier est secoué de spasmes, et mon visage est en sueur. J'ai encore rêvée d'elle cette nuit. Instinctivement, je m'enroule un peu plus dans ma couverture jusqu'à cacher entièrement mon visage. Lentement, je me recroqueville sur moi-même. Je jette un regard furtif sur mon radio-réveil. 4H38, LUNDI 2 SEPTEMBRE. Je tressaille, sentant le moment fatidique approcher à grand pas. Que je le veuille ou non, ce matin à 8 heures précises, je serais devant le triste portail aux couleurs écaillées de mon lycée. Je me tasse un peu plus dans ma position fœtale. Ici, sous ma couette et à l'abri des regards, je me sens presque en sécurité. Comme si rien de tout cela n'était arrivé. Comme si Ana n'allait plus jamais venir me hanter. Mes yeux commencent à me piquer, et je sens les sanglots se bousculer dans ma gorge. Je les ravale. Je n'ai aucune envie de passer la journée aux toilettes pour tenter de cacher mes yeux rougis au regard des autres, car aujourd'hui, et jusqu'à la fin de ma scolarité, je serais le centre de l'attention de toute l'école. Une source inépuisable de potins, la cible favorite des commères. Et ce, que je le veuille ou non. Finalement, ma seule erreur aura été d'être tombée amoureuse de la mauvaise personne, et du mauvais sexe.
A 6H59 et après moult plaintes, j'arrive à me traîner hors du lit et à atteindre presque sans dégâts la salle de bain. Le reflet que me renvoie le miroir est pitoyable, et il me semble que tout mon corps s'est ligué contre moi : mes yeux, tellement cernés qu'on dirait que j'ai été mise K.O par Mohammed Ali, mes cheveux emmêlés en un fouillis inextricable et retombant tristement sur mes épaules,ma bouche gercée et sèche comme une croûte de pain rassis. Je n'arrive pas à me reconnaître en cette ado morose et aussi attirante qu'un tampon usagé. Ce n'est pas comme si j'étais une mannequin avant, mais j'avais l'air un minimum présentable et soignée.
Je ne me suis jamais trouvée belle. Le teint tirant sur du jaunâtre, des lèvres fines en rien pulpeuse, un visage trop long, de petites joues rondes, et des boutons qui persistent à squatter mon épiderme. Tellement banale.
Le visage que reflète le miroir me fait peur. Je ne me suis jamais sentie aussi laide. J'asperge maladroitement mon visage d'eau, et tapote légèrement mes yeux fatigués. Une demi-heure durant, je tente de démêler méthodiquement les nœuds impossibles de mes cheveux, pour un résultat assez décevant en vérité. Mais bien qu'ils pendouillent toujours mollement dans le vide, ils ne forment plus de vieilles boules hirsutes. Je me contente de ça, et repart dans ma chambre pour trouver une tenue digne de ce nom.
Le radio-réveil affiche 7H36. Le temps est implacable. J'enfile avec fébrilité le premier jean qui me vient sous la main. Il a une tache de Ice-Tea au niveau du genou et un trou se profile près des poches arrières mais je m'en fiche, car toute mon attention est retenue vers ce blouson en similicuir noir, au fond de mon armoire...
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Ma vie en grand
General FictionOn lit souvent dans les faits divers, la mort de telle ou telle personne. Parfois, il arrive que ce soit un jeune. Plus rarement, un lycéen. Mais l'article de votre journal s'arrête là, et se limite à éclaircir les conditions de cette mort et à inte...