Ana m'avait vu. Je la vis sursauter, et repousser brusquement sa partenaire. Vexée et surprise, celle-ci commença à l'asséner de reproches :«Non mais qu'est ce qui te prend ? Ça va pas la tête ? »
Solen. Ma pire crainte fut confirmée. En plus de m'avoir caché son goût visiblement prononcé pour les femmes, elle aurait omis le léger détail qu'elle sortait avec la plus grande peste de tous le lycée ?
Ana ignora le ton hargneux de sa compagne, et se mit à me chercher désespérément des yeux. Les larmes me montèrent aux yeux. Je me retournai, et commençai à courir, courir aussi vite que je pu loin d'elles. J'entendis les cris d'Ana et le couinement que lâcha Solen lorsque mon «amie» se lança à ma poursuite.
«Et merde, pensais-je. Elle m'a repérée. » Je serrais les poings,tout en continuant ma course folle.
Je sentis tout à coup sa main me déchirer l'épaule, me forçant à m'arrêter. Je poussai un hurlement strident, avec l'espoir que ça la ferait fuir. D'un mouvement brusque, Ana me bâillonna avec habilité de sa main droite, et me força à tourner ma tête vers son visage. Je lui cracha au visage. Surprise par cet élan de haine inhabituel, elle me lâcha. Mais cette fois-ci, je ne m'enfuis pas. Je redressa la tête et la regardai crânement. Ana semblait complètement prise au dépourvue. Les yeux noyés de larmes, elle me murmura :
«- Kim, écoute-moi, ce n'est pas ce que tu crois...
-Qu'est ce que je ne devrais pas croire ?, la coupai-je méchamment. Je ne crois que ce que je voies. Et ce que j'ai vu n'était pas jolie à voir. »
Choquée, Ana recula d'un pas, comme si je l'avais blessé. Je ne lui avait jamais parlé comme ça.
«-Oh Kim, je t'en prie, calme toi...
- QUE JE ME CALME ?! JE VIENS JUSTE DE TE VOIR ROULER UNE PUTAIN DE PELLE A LA PLUS GROSSE SALOPE DU LYCÉE PUTAIN! CELLE QUI NOUS FAIT LA MISÈRE DEPUIS LE COLLÈGE ! »
Mes bras s'emparèrent de ses épaules et la secouèrent avec violence. Je chialais, chialais, ma morve dévalant mon visage ingrat, mes larmes creusant d'innombrables sillons sur mes joues.
«Kim, je l'aime !, me hurla-t-elle. »
J'en fus foudroyée. Au sens propre du terme. Doucement, mes bras se détachèrent de son corps, mes larmes se tarirent brusquement. Je la regardais comme si je la voyais pour la première fois de ma vie. Je me rendis tout à coup compte qu'elle était belle, mon Ana. Ses yeux d'un gris si clair étaient plus brillants que jamais. Sa peau pâle contrastait avec la cascade de cheveux désordonnés qui dévalait son dos. Ses formes voluptueuses s'harmonisaient parfaitement avec sa petite taille qui lui conférait un charme unique. Hébétée,sous le choc je titubais sous mon propre poids. Comment avais-je pus être aussi aveugle ?
«- Tu... Tu l'aimes ? Vraiment ?, chuchotais-je.
-Oui. »
Ce dernier mot résonnait comme un aveu, un secret profondément honteux. Tellement énorme qu'elle ne m'en avait rien dit.
« - Pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé ?
-Pour te protéger Kim, pour te protéger, répétait-Ana. J'ai promis à Solen de ne rien dire. Son père est fou, Kim. C'est le maire de la ville tu sais, il est très conservateur, et si il apprenait que sa propre fille fréquentait une femme... Il la tuerait. »
"Ce ne serait pas une grande perte", ne pus-je m'empêcher de penser.« Ana, tu sais très bien que tu peux tout me dire... Jamais je ne vous aurais trahis, tu le sais bien. J'en suis incapable. »
A ces mots, elle se précipita se réfugier dans mes bras, en pleurs.
«-Oh Kim, tu ne peux pas savoir à quel point ça me soulages. J'étais tellement fatiguées, tellement malheureuse de te le cacher !, dit-elle, rayonnante. »
Je caressai avec douceur ses cheveux bouclés. Mais soudain, un bruissement se fit entendre entre les buissons, et apparut Solen, rouge et essoufflée, ses yeux lançant des éclairs.
« Qu'est ce qu'elle fout là, elle ?, dit-elle en me désignant avec mépris.
- Elle, est l'amie de Ana et pense pouvoir se permettre de rendre visite à celle-ci quand bon lui semble, répliquais-je froidement. »
Ana avança vers Solen dont la couleur virait au violet, et l'enlaça tendrement en lui chuchotant à l'oreille que il n'y avait rien à craindre de moi, que je ne dirais rien. Je pris un air aussi innocent que possible, feignant la bonne foi, bien que, intérieurement, je bouillais. Soudain, j'entendis de cris plaintifs s'élever d'un peu plus loin. Mon frère ! Je l'avais complètement oublié. J'adressai un sourire rassurant à Ana, puis et pris congé, ignorant délibérément Solen qui enrageait dans son coin, ne cessant de marmonner qu'on ne devait pas me faire confiance.
Je retrouvai mon frère, en pleurs, et tâchai de sécher ses larmes. En quittant Jackson Park, l'image de Ana embrassant Solen ne me quitta pas. Je serrai les poings, jurant inconsciemment vengeance.
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Ma vie en grand
General FictionOn lit souvent dans les faits divers, la mort de telle ou telle personne. Parfois, il arrive que ce soit un jeune. Plus rarement, un lycéen. Mais l'article de votre journal s'arrête là, et se limite à éclaircir les conditions de cette mort et à inte...