troisième

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Vous me mettez au monde.

C'est vous et uniquement vous qui me donnez naissance. Vous êtes les seuls responsables de mon existence.

Je nais de votre envie d'aller toujours plus loin, toujours plus vite, d'avoir toujours plus chaud, de consommer toujours plus. Je prends forme petit à petit, grâce à cette cannette que vous jetez innocemment en vous disant que « ce n'est pas pour une fois ».

Je grandis de vos bêtises, de vos excès, de vos besoins, de votre haine et manie à salir la Terre. Comme si vous ne devriez pas la chérir... Elle vous offre la vie sur un plateau d'argent. Sans elle vous n'êtes rien mais vous ne pouvez pas vous empêcher de la détruire, pas vrai ? Vous devez toujours mettre votre grain de sel, c'est bien connu. Accepter son cadeau aurait été trop dur ? La respecter est-ce trop vous en demander ? Il vous suffit de faire un pas de plus pour atteindre la poubelle, de prendre un voisin dans votre voiture le matin, de planter un arbre dans votre jardin, d'éteindre une lampe quand elle n'est pas utile, de laisser pousser vos tomates naturellement et ne pas les modifier à l'aide de liquides destructeurs, d'arrêter de consommer l'international et faire vivre l'artisan du quartier.

En quoi cela me regarde-t-il de toute manière ? Vous me faites grandir alors pourquoi me plaindre ?

J'ai poussé d'abord lentement. C'était très faible, et pourtant. Vous n'avez rien fait pour m'arrêter. Vous m'avez ignorée comme un Homme ignorerait un cancer qui grandit dans son être. Alors j'ai continué à me multiplier parce que vous me nourrissiez en flux tendu.

Un beau jour, ma croissance a connu un pic. J'ai grandi d'un coup comme le ferait le stéréotype du garçon gringalet du collège qui pousse comme un champignon une fois l'âge adulte atteint.

J'avais de plus en plus faim mais jamais je n'ai eu à être affamée. Mon assiette était de jour en jour plus remplie.

Aujourd'hui, je suis devenue une grande ambitieuse. Je ne connais plus de frontière. Je couvre la Terre entière.

Toi, Homme cancéreux qui s'est rendu à l'hôpital parce qu'il avait mal, n'as-tu pas compris qu'il était trop tard ? Le diagnostic est posé; ta santé est perdue, il ne te reste que peu de temps à vivre. Tu as beau essayer tous les traitements possibles et imaginables; tous seront voués à l'échec parce que tu auras réagi trop tard. Le cancer aura déjà fait l'acquisition de ton corps et ainsi de ta vie.

Je suis un cancer. Et le corps que j'attaque est la Terre. J'ai pris de l'ampleur parce que vous m'ignoriez jusqu'ici.

J'ai pris vie au détriment de la vôtre.

Vous êtes, tous autant que vous êtes, au stade terminal. Vous aurez beau retarder la date cruciale en organisant une foule de réunions et de rassemblements écologiques et en faisant de beaux gestes çà et là, vous ne faites que de vous voiler la face. Le résultat est tombé. Votre destin est scellé d'une croix mortuaire. Et votre assassin ne sera autre que vous-même.

Qui suis-je ?

À vousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant