Partie 3 : Fragment de sentiment

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Je ne sais plus quand tout cela a commencé.

Notre vie avait pourtant trouvé une monotonie agréable dans laquelle nous nous étions tous deux confortés. Nous avions même réussi à instaurer un semblant de contact entre nous à force de nous côtoyer quotidiennement. Est-ce que ce sont donc ces bribes d'échange et ces révélations faites à demi-mot qui sont à l'origine d'un tel bazar ? De toute cette confusion ?

Je ne sais plus.

Te rappelles-tu ? La première fois que nous nous sommes faits face seuls à seuls, sans entremetteur, c'était le lendemain de notre union, après cette nuit que j'avais passé le cœur agité.  Je m'étais réveillée dans un lit vide ce matin là : tu semblais l'avoir quitté depuis longtemps.

« Sana. »

J'avais sursauté en entendant ta voix prononcer mon prénom, alors que je descendais les marches de l'escalier. C'était la première fois que je l'entendais sortir de ta bouche, et cela sonnait étrange : j'avais toujours eu l'impression que je n'existais pas à tes yeux. Je me suis alors approchée du séjour lumineux baigné dans la lumière du soleil levant, et j'ai vu tes yeux se lever vers moi alors que tu scrutais quelques secondes auparavant l'écran de ton téléphone, assit à la table à manger d'un air pensif.

J'avais automatiquement baissé la tête en entendant ta voix. Tu m'impressionnais tellement.

D'un signe des yeux, tu me fis signe de m'asseoir en face de toi, ce que je fis sans me faire prier. Un long silence règna autour de nous, et durant lequel on se fixa.

« Combien de temps ? »

Ta question avait flotté dans l'air, tandis que je cherchais à comprendre sa signification. Enfin, après des secondes à observer mon air perdu, tu précisas :

« Combien de temps prendront tes études ? »

Je fus surprise de ta question, je dois l'avouer. Je pris même un moment à te répondre, tes yeux me fixant avec attention me destabilisant.

« Trois ans. Non, plutôt quatre. Oui, quatre ans.

- Je vois. Nous serons donc mariés quatre ans. »

Mon regard vert te transperça avec stupeur alors que tu prononçais cette phrase d'un air pensif.

C'est vrai, je n'avais pas pensé au futur de notre mariage. Et à dire vrai, c'était stupide de ma part de ne pas y avoir songé plus tôt, ce dernier n'étant pas issu de notre propre volonté. Nous avions été contraint de nous unir, et il était évident que nos chemins finiraient par se séparer un jour ou l'autre. Alors pourquoi étais-je restée muette lorsque tu m'avais annoncé cela ? Je ne sais pas. Toujours est-il que tu m'avais déclaré ça sans sciller, et que j'avais tenté d'en faire de même en te répondant.

Moins habilement, peut-être.

« Ce mariage est-il une prison pour toi ? »

Tu avais alors regardé la fenêtre.

« Oui et non. Je n'ai rien contre toi à proprement parler. Tu te souviens que je t'ai avoué t'avoir épousée pour rembourser mes dettes ?

- Oui.

- Eh bien, c'est mon père qui a été le responsable de ma ruine. Je refusais de me marier de mon plein gré, de me plier à ses volontés. Il a donc provoqué l'écroulement de mon affaire, celle à laquelle j'ai consacré toute ma jeunesse. Il a mis les créanciers à ma poursuite. Et je me suis retrouvé le couteau sous la gorge. »

Le temps d'un mariageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant