Partie 6 : Une simple photo

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J'aurais pu m'arracher les cheveux. Crier. Briser tout ce qui m'était tombé sous la main. Te rattraper et m'épouner à t'affubler de tous les noms les plus insultants qui me seraient venus à l'esprit, hystérique. Mais je n'ai rien fait. Je m'étais juste assise sur mon lit, immobile, avec ma mère à mes côtés qui me caressait régulièrement le dos sans m'adresser le moindre mot.

Je n'avais même pas pleuré.

C'était le genre de choc si fort qu'il ne vous laissait même pas le droit de l'extérioriser sous forme de sanglots ou d'une quelconque manière que ce soit. C'était une douleur intrinsèque, une douleur qui devait me ronger de l'intérieur, et de l'intérieur uniquement. Plusieurs jours passèrent, et je ne ressentais toujours rien. Ou du moins, je ne ressentais rien de fort, rien de déchirant, rien qui m'aurait fait perdre la tête. Je sentais juste qu'une chose en moi n'allait pas, que cette nouvelle avait chambouler quelque chose pour qu'il ne soit plus jamais pareil.

Un jour, j'ai fini par me décider à récupérer toutes les affaires qu'il restait dans notre ancienne maison. Enfin, cette maison. Je pense que je ne voulais plus t'être associé de quelque manière que ce soit. Je ne voulais plus te voir. Et pourtant, comme si tu avais l'étrange manie de te trouver près de moi uniquement lorsque je ne le désirais pas, j'avais constaté en arrivant ta voiture garée dans l'allée.

Tu sais, j'aurais pu fuir. M'en aller. Refuser de voir ton visage, ou d'entendre ta voix. Mais à quoi bon ? J'aurais continué de penser à toi, plus triste encore que je ne l'avais jamais été, et j'aurais fini par être consumée. Autant m'écrouler tout de suite. J'avais donc pénétré dans la maison sans hésiter, sans même réfléchir, le regard dans le vague.

Et je l'ai vu.

En passant l'entrée et en pénétrant dans le séjour, la porte étant restée ouverte, je l'ai vu lorsque tu t'es retourné vers moi : Cette étincelle dans ton regard qu'en quatre ans de mariage je n'avais eu l'occasion de constater qu'une fois. Ta seule faiblesse.

Ta surprise et ta confusion se lisaient sur ton visage.

Nous étions venus chercher nos affaires le même jour ; je le réalisai lentement en remarquant tous les cartons éparpillés dans le séjour. Je m'étais alors préparée à te parler, voulant en finir une bonne fois pour toute et puis... je la vis. Elle. Dans ton dos, t'aidant à ordonner tes affaires. Elle s'était redressée en m'entendant entrer. Et puis, nos regards s'étaient croisés.

Ce fut comme une décharge éléctrique qui m'éveilla.

Elle était vraiment belle, Nahel. Je découvrais à travers elle que tu avais du goût pour les femmes. Après tout, est-ce que tu m'avais même choisie ? Cette pensée me fit avoir un sourire amer qui te fit écarquiller les yeux. Mais c'était une question si idiote à présent, de penser que tu avais été attaché à moi, que tu m'avais choisie. Et puis, il n'y avait qu'à la regarder, nous étions si différentes. Elle avait la peau claire, les cheveux d'un châtain clair resplandissant et d'une raideur peu commune, et des yeux noisettes qui lui donnaient malgré elle un air amical et chaleureux.

Croiser le regard de cette femme fut comme la goutte de trop. La fissure fatale dans le dernier rempart. La dernière chose que je pouvais supporter. Il y eut alors en moi comme un bruit de craquement, de quelque chose qui éclate : c'était mon espoir et mon amour qui partaient en éclats.

Je commençai à trembler frénétiquement.

« Kamelia... retourne dans la voiture s'il te plaît. »

T'entendre prononcer le prénom d'une autre femme fit bouillir mon sang. Ma respiration devint saccadée, tandis que la jeune femme nous observa tour à tour d'un air égaré.

Le temps d'un mariageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant