Deux garçons nus couraient dans les couloirs du palais d'Isendorn. Le premier retenait tant bien que mal la serviette qui cachait ses parties génitales, le second l'avait perdue depuis bien longtemps. Aranwë Balrarion devait se trouver dans son lit à quelques minutes du lever du soleil et il faisait tout pour que ce soit le cas. Comme bien souvent ces derniers jours, il avait passé la nuit en compagnie d'un de ses nombreux amants. Le jeune homme blond qui le suivait se trouvait être un noble d'une famille rivale de la sienne, invitée pour un banquet. Quelque part, leur petite aventure nocturne permettrait de calmer les tensions futures, lorsque leurs pères respectifs ne seraient plus de ce monde et que viendraient le moment de leur règne. Mais pour l'instant, tous deux n'étaient que princes, et l'homosexualité un pêché puni par toutes les Églises de la région.
Il freina dans le couloir qui menait aux appartements royaux. Ses pieds dérapèrent sur le carrelage et il se retourna pour voler un dernier baiser à son amant qui poursuivit son chemin avec hâte. Le jeune homme passa sur la pointe des pieds devant la porte de son père avant de se jeter dans la sienne et de fermer doucement la porte derrière lui, sourire aux lèvres. Quelle idée ils avaient eue de faire l'amour dans la bibliothèque à l'autre bout du palais !
Il jeta le drap qui cachait son entre-jambe et écarta grand les bras en se retournant, épuisé mais soulagé. Quelqu'un renâcla devant lui. Assise sur le lit, une femme ronde à l'air sévère le dévisageait, les bras croisés, nullement impressionnée. Ses cheveux gris tirés en arrière rendaient son visage encore plus froid qu'il ne l'était d'ordinaire. Aranwë déglutit dès qu'il réalisa la position dans laquelle il se trouvait. Avec lenteur, il se baissa pour ramasser la serviette et la repositionna à sa place d'origine. Ses joues se teintèrent du rouge de la honte. Il ne mit que quelques secondes à détourner le regard, mal à l'aise.
— Puis-je savoir où se trouvait Monsieur à une heure si tardive de la nuit ? croassa-t-elle. Cela fait plus de deux heures que j'attends Monsieur dans sa chambre et ses autres serviteurs ne l'ont trouvé nulle part.
— J'étais à la bibliothèque, mentit-il à moitié. Mon précepteur m'a demandé de lire ce roman connu sur... Euh... Sur un certain aventurier mythologique parti sur les traces de son père...
— Vous avez encore découché, n'est-ce pas ?
Aranwë baissa la tête comme un enfant. Marie-Rose, son ancienne nourrice et désormais gouvernante, n'était pas dupe. Elle connaissait très bien le rejeton qu'elle avait élevé et ses tendances nuptiales douteuses. Il n'y avait pas d'animosité dans la voix de la vieille dame, seulement un reproche féroce et désapprobateur.
— Mon prince, dois-je vous rappeler que votre père, Sa Majesté, est présent en ce moment ? Je n'ai rien contre vos aventures nocturnes, mais ne pourriez-vous pas attendre qu'il s'absente plutôt que de causer des frayeurs à la pauvre vieille dame que je suis ? S'il l'apprenait...
Le jeune homme soupira et s'avança vers sa penderie pour échapper à la conversation. Son euphorie s'était envolée avec son amant. Ses mains fouillèrent les tuniques et il opta pour une bleue large aux broderies dorées. Il jeta le vêtement sur son épaule et saisit des braies et des chausses qu'il enfila prestement. Il était trop tard pour dormir à présent, autant s'habiller. Sa gouvernante se leva et, par habitude, l'aida à défroisser son haut. Aranwë la laissa faire sans rien dire jusqu'à ce qu'elle ne lève une main pour arranger ses cheveux, lui arrachant un soupir. Il avait beau atteindre bientôt la vingtaine, aux yeux de sa Nanou, il restait un enfant incapable de s'occuper de lui-même.
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Tyrnformen | En réécriture
FantasíaLe peuple dragon, banni depuis des centaines d'années des terres humaines de la région de Tyrnformen, a dû s'adapter à sa nouvelle condition, se métamorphoser pour ressembler aux créatures qui les ont éloigné de toute civilisation. Les plus impruden...