Chapitre 2 : Distraction - Partie 1

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En tant qu'héritier de la couronne, tout prince se doit d'écouter et d'appliquer les recommandations de son précepteur. Il n'y a qu'en apprenant le métier avec ceux qui ont fait des hommes du passé de grands rois que le prince pourra à son tour gouverner de manière juste et dans le respect de ce que ses ancêtres ont fait avant lui.

De l'art d'éduquer les princes, chapitre 2, Pâcome Toulmonde

Chapitre 2 : Distraction

Partie 1

— Au meurtre ! Au meurtre !

Rézéda releva la tête et gronda. Aranwë tira la laisse pour rapprocher la chienne. Une jeune femme au teint sale et aux mains couvertes de sang déboula sur la place du marché, les yeux écarquillés. Elle trébucha sur un étal de pots en verre, mais elle se releva et poursuivit sa route vers les gardes du prince. Nerveux, ces derniers se collèrent au dauphin, épées braquées vers l'intruse. Ils n'aimaient pas beaucoup l'agitation. Le prince tiqua, mais les laissa faire. Il n'avait pas exactement le choix.

La femme s'effondra aux pieds de ses hommes et éclata en sanglots. Aranwë songea tout de suite qu'il devait s'agir d'une domestique à en juger par sa tenue. Il lui lança un regard inquiet, mais les gardes ne bougèrent pas, impassibles. Le prince soupira. Il regretterait ce qu'il s'apprêtait à faire plus tard, mais il ne pouvait pas simplement rester là sans rien faire !

Il força le passage d'un coup de coude. Un garde tenta de le retenir en arrière, mais Aranwë dégagea sèchement son bras. Il s'accroupit devant la servante dont les yeux s'écarquillèrent de surprise quand elle rencontra son regard. Elle s'aplatit au sol et balbutia ce qu'il comprit être des excuses sur sa tenue. Parfois son rang social s'avérait un sacré handicap pour avoir des conversations normales. Avec maladresse, il sortit un mouchoir de sa poche et lui essuya les mains de manière douce pour ne pas l'effrayer davantage. Il pouvait sentir ses mains trembler dans les siennes.

— Qu'est-ce qui vous est arrivée ? l'interrogea le prince d'une voix calme une fois que les larmes cessèrent de couler. Vous parliez de meurtre ?

— Oh, Monsieur, c'est terrible ! C'est... C'est mon maître ! Il est rentré à la maison avec cette femme étrangère et ils sont restés plusieurs minutes dans la chambre. Ensuite, elle est partie, et... et... je suis allée voir si mon maître avait besoin d'aide, mais il était... il était sur le sol... Par tous les dieux... Mon maître a été assassiné ! Il y avait du sang partout.

— Calmez-vous, vous allez bien, c'est l'essentiel. Nous allons envoyer des gardes pour vérifier ça, d'accord ?

— Quel est le nom de ton maître ? demanda un des gardes d'un ton bourru.

— C'est monsieur Phédia.

Un long silence suivit sa révélation. Le prince se redressa et regarda autour de lui. Le petit homme chauve qui les accompagnait depuis leur sortie du château s'était volatilisé. Avec la foule amassée autour d'eux, difficile cependant pour l'heure de savoir s'il ne s'agissait que d'une coïncidence. Les Phédia étaient une famille influente de la ville, mais ils déclinaient depuis quelques années. Aranwë ignorait combien de personnes la peuplait encore. Le nom, toutefois, sortit les gardes de leur torpeur. Will-Guy Phédia n'était pas un inconnu de la Cour ; sa disparition méritait une enquête.

D'un geste de main, le soldat le plus proche ordonna aux personnes rassemblées devant eux de se disperser. Quelques-uns bronchèrent, déçus de ne pas assister à la fin du spectacle, mais tous finirent par s'exécuter. L'homme s'accroupit à son tour à côté de la jeune femme.

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