L'ascenseur descend jusqu'au rez-de-chaussée où il s'ouvre sur un hall déserté par la majeure partie des agents. Même les personnels administratifs sont partis aider comme ils pouvaient les agents maintenant qu'Allistair a été arrêté. L'immeuble du FBI semble abandonné. Seul un petit groupe de policemen devant l'entrée assure une discrète surveillance. Ripper suit docilement Tocson. La rue semble calme. En quelques minutes, le centre engorgé c'est vidé de toute circulation. Maintenant les embouteillages se concentrent dans le péricentre, à quelques yards à peine de la place de l'Indépendance. On entend les klaxons et les sirènes des voitures de police. Au moins, personne ne risque de prendre un immeuble sur la tête ici, pense Ripper.
– Ne pouvons-nous pas accélérer jeune homme ? Je ne sais pas si vous êtes au courant de la situation mais toutes les minutes comptes, demande-t-il un brin excédé par le pas flegmatique de son guide.
– Le gouverneur m'a mis au courant, répond calmement Tocson, mais ne vous en faites pas, comme vous le savez, notre bureau de campagne est à peine à cent mètres d'ici. Vous pouvez le voir depuis vos fenêtres.
– Monsieur ! crie à Ripper une voix familière derrière lui.
Traversant la rue, MacFerson, qui était en discussion avec le policier de faction, rejoint Tocson et son patron.
– Ah ! Vous revoilà Clyde, dit Ripper sans s'arrêter de marcher. Vous avez fait du bon boulot même si cela s'est avéré inutile. Venez avec nous, nous allons expliquer au gouverneur les risques qu'il prend à faire confiance à cette brute épaisse de Bullit. On ne sera pas trop de deux pour le convaincre.
– Vous n'avez pas réussi à le faire parler alors ?
– Non, rien à faire. Il n'a pas voulu entendre raison. Une sacré tête de mule, il n'a même pas ouvert la bouche. Il doit être encore sonné par l'arrestation des molosses de Bullit mais cela n'explique pas tout. Ce type est un malade mais un malade très malin, dit Ripper comme pour lui même.
– Justement, à ce propos monsieur, reprend MacFerson, cela fait bien cinq minutes que je suis là à réfléchir et plus j'y pense plus je trouve qu'il y a des choses qui ne tournent pas rond dans toute cette arrestation.
– Une seconde Clyde nous arrivons, vous direz tout ça devant le gouverneur. J'espère qu'il entendra raison et que nous éviterons l'irréparable, le coupe Ripper. Au fait, qu'est-ce que vous trimbalez ? lui demande-t-il en désignant les papiers et enveloppes qu'il tient sous le bras.
– Oh, ça ? Rien monsieur, Bullit m'a envoyé prendre des nouvelles de Garrett à l'hôpital et pour ne pas perdre de temps j'ai pris directement son dossier médical. Mais je ne m'y suis pas vraiment intéressé, dit-il dans un sourire.
Les trois hommes arrivent au pied d'une tour de verre particulièrement élancée. Les premiers niveaux de fenêtres sont totalement masqués par un florilège d'affiches clamant à l'envie tous les mérites du gouverneur sortant, en lice pour sa réélection. « Ready for Prody ! » annoncent-elles fièrement au côté du visage souriant de Jack Prody, autrement plus décontracté sur ses photos qu'il y a un quart d'heure pense Ripper.
Tocson sort un passe magnétique de sa poche et ouvre la vaste double porte automatique d'un geste rapide.
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– Nous y voilà ! dit Bullit quand les portes de l'ascenseur de service, à l'écart des principaux qu'empruntent au même moment Ripper et Tocson.
A l'intérieur attendent déjà Finney, Mallone et un Allistair plus mal en point que jamais mais toujours aussi silencieux.
– Ne perdons pas de temps Allistair. Je te donne une dernière chance de me dire où t'as planqué les charges.
Silence du sergent-chef qui se contente de relever la tête et de soutenir le regard de Bullit, occupé à se retrousser les manches. Il n'a pas terminer qu'il décoche un puissant uppercut dans les côtes de Benjamin Allistair qui s'affaisse sous le coup. Finney et Mallone le retiennent pour l'empêcher de tomber à genoux.
– Alors beau militaire, t'apprends la vie ? ricane Bullit.
Puis, saisissant le visage d'Allistair dans sa main, il le projette contre la paroi vitrée de l'ascenseur. Des gouttes de sang perlent et glissent sur la nuque entre les cheveux courts du soldat. Allistair ne dit toujours rien, pas le moindre son ne sort de sa bouche hermétiquement close. Seules ses narines palpitent au rythme saccadé de sa respiration.
– Tu te prends pour un héros ? Tu veux même pas nous cracher dessus ? reprend Bullit sur un ton hargneux. T'as tort, car bientôt tu pourras même plus faire ça et tu le regretteras vu ce qu'on va-t'en faire baver.
Dans un tintement sonore l'ascenseur s'immobilise. Le panonceau affiche « 3ème sous-sol, réservé au personnel ». Les portes s'ouvrent lentement sur un long corridor de béton qu'éclairent mal quelques veilleuses empoussiérées. Bullit prend la tête du convoi, Finney et Mallone portent plus qu'ils ne tirent le militaire. Après plusieurs bifurcations, le morne couloir prend fin face à une porte sur laquelle est inscrit « local de service ». Bullit entre.
– Bien je vois que tout est prêt, dit-il l'air menaçant.
Le local est une pièce exigu de deux mètres sur trois environ au milieu de laquelle se trouve une chaise de secrétaire sans roulettes. Les murs sont occupés par des étagères métalliques encombrées de produit d'entretiens, de balais, d'aspirateurs.
– Posez-le, dit Bullit en inspectant les étagères.
Il cherche quelques instants puis prend sur l'étagère un rouleau de sacs poubelles et divers produits de nettoyage. Il retourne une poubelle et s'assoit dessus, en face d'Allistair. Il tire tranquillement sur sa cigarette en observant le sergent-chef se remettre de sa dernière crise. Bullit sort son portefeuille et en tire une photo. Il la regarde quelques secondes.
Il fait une chaleur étouffante dans le petit local. Les quatre hommes transpirent abondamment. Bullit fait glisser le dos de la photo sur le front d'Allistair qui ne bronche pas. D'un coup ferme il la colle en face du militaire, sur la porte métallique. Elle représente un garçon d'une douzaine d'année, un peu enrobé et affublé de la tenue complète des White Socks, l'équipe de base-ball de New York. Le gamin sourit, une batte à la main.
– Tu vois ce gosse Allistair ? reprend Bullit en tapotant du doigt le papier glacé, tu le vois bien ? C'est Josh, mon fils unique Allistair. Toi aussi t'as un gamin je crois ? Et d'après ce que j'ai compris tu t'es bien démerdé pour nous baiser en l'éloignant de cette foutue ville. Sûrement que tu voulais pas qu'il lui arrive quelque chose de désagréable, hein ? Je comprends, c'est normal. J'aurais fait pareil à ta place. Mais le problème pour toi c'est que mon fils est injoignable depuis maintenant plus de trois heures. Il s'est fait la malle de chez sa mère pour faire une virée en ville avec des potes à lui.
Bullit sourit.
– Ils sont incroyable à cet âge là ! Remarque, Ben – tu permets que je t'appelle Ben n'est-ce pas ? – à son âge je faisais des trucs pire encore. A l'heure qu'il est autant te dire qu'il peut être n'importe où : dans un parc public ou bien un centre commercial, dans un cinéma en train de siroter un coca ou bien... et son ton devint glacial... dans une rame de métro avec trente charges de T-1O collée sous son siège...
Bullit est maintenant tout prêt du visage d'Allistair.
– Écoute moi bien maintenant, Ben. Je vais te donner une dernière chance de t'en sortir avec le minimum de casse pour toi... murmure-t-il à l'oreille du sergent-chef avant d'ajouter dans un soupir :
– ... et à ton fils. Junior je crois ?
Bullit se lève et se place derrière Allistair. Entre les cheveux coupés courts le sang commençe à coaguler. Il murmure :
– Ou bien tu me dis où tu as planqué les explosifs ou bien les prochaines minutes risquent d'être les plus longues de ta vie. Et peut-être bien les dernières.
Allistair reste silencieux. Bullit soupire.
– Tant pis pour toi.
Il fait un signe de tête à Finney et Mallone qui encadrent aussitôt Allistair.
– Tu l'auras voulu Allistair, dit-il en soufflant un nuage de fumée.
Prenant sa cigarette il l'écrase sur la plaie du crâne d'Allistair.
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72 minutes
Mystère / Thriller72 minutes. C'est le temps nécessaire pour lire cette nouvelle. C'est aussi le temps qu'il reste à deux inspecteurs rivaux pour trouver l'homme qui menace de faire exploser le centre de Los Angeles. Alors, 72 minutes c'est tout à la fois beaucoup...