CHAPITRE I

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« - Nan ! Tu plaisantes j'espère ?
- Je te jure ! Dans les toilettes ! Je bougeais plus, je savais pas comment réagir ! T'aurais vu leur tête !
- Oh mon dieu le scoop ! »

Chloé et moi éclatons de rire. Je porte mes chaussures à la main. Un simple coup de vent suffit à faire tomber ma meilleure amie par terre. Elle est complètement éméchée celle-là !  On se marre de plus belle. Je lui tends une main secouée par mes éclats de rire qu'elle saisit au bout de trois essais, les deux premiers ont fendu l'air en évitant royalement ma main.

« - Coco, t'es sûre que tu veux pas que je te raccompagne ?
- Arrête, t'as déjà deux énormes ampoules aux talons, tu vas pas en plus me ramener chez moi ! J'habite à côté.
- Je préfère te raccompagner et me détruire les pieds plutôt que de voir demain en gros titre « Une jeune fille d'une quinzaine d'années retrouvée morte sur la chaussée renversée par une Ford Fiesta bleue cinq portes ».
- Tu veux dire que ta mère m'écraserait ?
- Je voulais voir si tu suivais. Tiens-moi au courant dès que tu rentres, ça va ?
- Si j'arrive à trouver ton nom dans mon répertoire, ajoute-t-elle avec ce petit air sarcastique qu'elle a souvent.
- Oh, je t'en prie !
- Bisous, bisous ! »

      Elle a déjà tourné le dos et pris à gauche. Elle marche droit mais trébuche de temps en temps. Elle me fait peur c'te gamine ! Un autre coup de vent. Je me retourne pour voir si elle n'est pas tombée cette fois et rigole toute seule rien que de repenser à la scène.
Mes pieds nus s'appuient à chaque pas sur le béton du trottoir, je serre les dents pour ne pas penser à la douleur et essaie juste de m'imaginer dans quelques minutes sous l'eau chaude.
Eloïse et Pierre ensemble ? Genre en couple, s'embrasser dans les toilettes en pensant ne pas être vus ? Elle est pas mal celle-là ! Je pense que l'alcool a un effet particulièrement nocif sur Chloé. Une connerie pareille, faut aller la chercher loin ! Les deux « tourtereaux » ne pouvaient encore pas s'encadrer en début de soirée ! Ou bien c'était eux qui étaient sous l'emprise de l'alcool.
Je vois au bout de l'allée la seule maison éclairée du quartier. Maman avait laissé le hall allumé, on ne sait jamais, je pourrai me perdre.
Mon portable vibre dans ma poche :

     Pourquoi « Coco » ? J'en sais rien

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     Pourquoi « Coco » ? J'en sais rien. C'est cool. Et puis « Cloclo », c'est trop commun pour les « Chloé », ça fait pitié et penser à Claude François. Enfin, je trouve.
J'arrive au bout de l'allée accompagnée d'une autre petite brise. Je tourne au numéro 61 et cherche mes clés dans mon sac à main, puis ouvre lentement la porte, ce qui ne l'empêche pas de grincer.
Je balance mes chaussures sous le meuble de l'entrée, éteins le hall et éclaire mon chemin jusqu'à ma chambre avec la lampe torche de mon portable. Je pousse ma porte, qui grince aussi, on s'en serait douté, me jette sur mon lit et balance mes clés sur le bureau. Je suis partagée entre dormir là, maintenant, tout de suite, ou alors prendre une bonne douche, bien me démaquiller, me brosser les dents, les cheveux, mettre un pyjama tout doux et enfin dormir.
Je n'ai même pas le temps de réfléchir, mon corps entier choisit la première option, je m'endors comme un gros bébé...

Un... deux... trois...
Je compte mes pas. Ça me change les idées. Ça contraste avec l'environnement effrayant qui m'entoure. Des tableaux qui tapissent les murs, les yeux des personnes qui y figurent qui me fixent telle la Joconde. Des trous dans le vieux parquet. Des tapisseries déchirées. J'emprunte le même chemin tous les jours, je compte mes pas tous les jours, j'en fais autant chaque jour. Ou plutôt devrai-je dire, chaque nuit. J'arpente le même couloir que j'ai arpenté hier, le même que j'arpenterai demain.
Vingt-deux... vingt-trois... vingt-quatre...
Une ampoule grille à gauche, un bout de papier peint tombe à droite, j'avance, je ne tremble pas, je ne vacille pas, j'avance juste. J'ai l'habitude.
Et puis, il y a ce hurlement, le même, toujours le même, toujours au cinquante-cinquième pas, toujours le même et pourtant toujours aussi terrifiant. Toujours le même qui me fige d'horreur, toujours le même qui me...

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