5. Un changement

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18 septembre 2012

Cher Carnet,

Le jour de ma rentrée arrive bientôt et j'admets qu'il me tarde d'y être. Voir de nouveaux visages, échanger avec de nouvelles personnes, quel pied ! J'entraperçois quelques fois mes voisins mais je n'échange pas plus que ça avec eux, me contentant de mettre les formes quand j'en croise un ou une dans l'escalier.

Je suis parti à l'assaut de la ville sous un temps admirable. Tu sais, tout près de chez moi il y a cet arbre qui baigne dans l'eau du fleuve. Et quand je le regarde, je me sens transporté en Louisiane, à la Nouvelle-Orléans.

Ses branches retombent gracieusement dans l'eau, trempant ses minces et effilés feuillages dans l'eau sombre et terreuse. Les rayons du soleil viennent percer ces branchages et baignent le fleuve d'une lumière ocre absolument magnifique.

Pour me rendre en centre-ville, je suis amené à traverser un pont et quelle vue majestueuse ! Je me suis arrêté au centre de celui-ci pour contempler le soleil haut dans le ciel, l'enfilade de tous ces ponts qui relient la ville à l'île et là, tout s'est tu. Comme touché par la grâce et à ma propre surprise, des larmes ont ruisselé sur mes joues face à tant de beauté. Si je pouvais toucher à cet état de perfection perpétuellement... Je suis sûr que c'est possible. En tout cas, moi j'y crois.

26 septembre 2012

Cher Carnet,

Ça y est, la rentrée est arrivée ! Que de diversité, tant dans l'enseignement que dans les gens que je viens de rencontrer ! J'adore ça, j'ai hâte d'apprendre à tous et toutes les connaître ! Je sens que cette année va être particulièrement enrichissante !

1er octobre 2012

Cher Carnet,

Ce matin, mon réveil a été particulièrement peaceful. J'ai de nouveau rêvé intensément – du moins assez pour que je m'en souvienne – et c'était magnifique... Je rencontrais une jeune fille dont l'intégralité du visage baignait dans le flou. Je ne distinguais qu'une chevelure noire d'ébène, à peine bouclée. Et ces mots qui tournaient en boucle : « racines de la sagesse... trouveras ta vie... son âme est celle... ».

Et puis je l'ai vu disparaître aussi soudainement qu'elle m'était apparue. Quand j'ai ouvert les yeux, je me suis senti parcouru d'une sorte de flux lumineux et apaisant. C'est étrange, je ne saurais comment le décrire. Peut-être que justement ça devra se passer de mots.

3 octobre 2012

Cher Carnet,

J'ai longtemps imputé aux autres une envie de me retenir dans une image de moi datée, des sentiments fanés. Je restais captif de visions et personnages trop longtemps incarnés, usés. Je voulais tellement gagner leur reconnaissance que j'ai presque failli me vendre à eux, passer un pacte faustien avec moi-même et m'abandonner à des mouvements de l'âme douloureux et bien souvent inutiles.

Jusqu'ici, j'ai haï chaque partie de mon être. Mais désormais, quand je me regarde, je me prends à aimer ce que je vois.

Chaque jour je découvre une nouvelle clé qui m'ouvre une nouvelle porte. J'apprends à trier, à ranger les tiroirs de ma mémoire. Quand je jette un coup d'œil sur ces instants révolus, je me revois encore, ce petit con anxieux, aux angoisses démultipliées et déraisonnées. À la peur si prégnante de la mort. De la dissolution. Rien de tout cela ne saurait subsister aujourd'hui.

Je suis loin de tout et je regarde, j'écoute tout ce qui se fait en moi et au-dehors. Je tâche de ne jamais me censurer, d'aller jusqu'au bout pour voir où sont mes limites. Jusqu'où suis-je capable d'aller ?

Images d'une existence, rivages d'une renaissance. J'entame le long et difficile voyage, à travers une mer de brumes. Je vais abandonner les basques de ma captivité, je vais laisser tomber les chaînes de ma marche forcée, je vais éradiquer l'habit du moine, je vais me délester des identités successives endossées, je vise l'honnêteté la plus totale, je vise l'impact le plus fatal. Je ne veux plus réfléchir à des idioties, je ne veux plus perdre mon temps à débiter des banalités. Je veux me trouver au milieu de ces gens pleins de passions pour la vie, les arts, les autres.

10 octobre 2012

Cher Carnet,

Je me croyais à l'abri de tout, je pensais que je pouvais y arriver aussi simplement que je l'avais envisagé.

Pourquoi cette constante impression de lutter ? Ah, tout se passe bien ! BAM ! QUE TU CROIS ! Ça semble s'être calmé... BAM ! JE SUIS LÀ ! Peut-être que ça va bien se- BAM ! BAM ! BAM ! Est-ce lui, cette entité à la noirceur malfaisante qui me dévore ? Ou bien n'est-ce que moi ?

La vie a ses règles. Bien, je les ai apprises, j'ai tâché de les suivre et voilà ma récompense ? Ça ne m'a jamais posé de problème d'assumer les fautes des autres pour leur sauver la peau, ça ne m'a jamais dérangé de passer pour un insolent, un petit con qui croit tout savoir, ça ne m'a jamais détruit de tout donner et de ne pas être reconnu. Non, le problème ne vient pas de là.

Il vient de lui, de cette inadaptation qu'il me fait cultiver de plus en plus sans que je puisse le stopper. La vraie personnalité finit par ressortir tôt ou tard pas vrai ? Le seul ennui est que je voudrais déjà avoir toute l'expérience existante sur la Terre, je voudrais avoir mille ans, je voudrais tout connaître, j'aimerais être considéré comme un être capable de penser par lui-même !

Je sais que je ne vois qu'une partie de la réalité ou que je fantasme – à chaque fois, je le fais même en tâchant de contrôler mon esprit sauvage et endiablé. Mais je ne peux l'en empêcher, il divague, part ailleurs, voit plus grand ! Et forcément, quand ça m'arrive, il en profite et je disparais... Non, je sais qu'il y a encore un espoir quelque part, à moi de reprendre le contrôle !

Oh mais c'est trop tard maintenant, l'esprit domestiqué s'est volatilisé... Ne reste plus que la folie de vouloir toucher à l'immortalité, à la béatitude. Je sens que je ne ferai pas de vieux os ici. Parce que je n'en ai pas envie. Parce que je sens que ça doit se passer comme ça. Et parce que c'est ce qui arrivera, comme il le voudra.

Collapse (Titre Provisoire)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant