Une victoire, une perte.

52 3 2
                                    

Dans une rue de Versailles, cachant un collège, entre le soir et la nuit, des pompiers et des militaires étaient entassés entre un canon et des camions rouges garés en biais avec quelques voitures militaires. Trois militaires dirigeaient le canon d'environ cinq mètres de longs pour un de large au niveau du viseur ; sur un petit croisement de cette rue et une autre un peu plus grande. Le silence ressemblait à des pas arrivant jusqu'à nous. Un projectile circulaire noir de peut-être vingt centimètre de diamètre passait de mains en mains pour atteindre la canon. Le disque faisait sûrement un demi-pouce d'épaisseur et était troué par deux rectangles d'à peine deux et un centimètre de long et de large. Sur le centre du cercle était inscrit en majuscule épousant parfaitement la courbe autour du point central APM47 : Arme de Puissance Massive numéro quarante-sept. On entrevit à l'instant un mouvement que le soldat assis dans le canon tira en direction de ce mouvement. Des étincelles orangées se dispersèrent par où le coup fut tiré, de la fumée sortit du canon et un pompier me conseilla de rentrer. L'APM47 n'avait fait que deux sons : le bouton de tir et un bruit de faible explosion quand le projectile eut touché la cible. Je commençai à entrer dans le collège de la cour, le corps du pompier me faisait reculer par son imposante carrure, je pris un escalier montant sur une terrasse servant également de cour, séparée de la cour inférieur par une rambarde noire à cause du manque de luminosité : il faisait nuit. Tous les élèves étaient déjà dans leur chambre ou celle d'un ami. J'étais passée par un portail vert foncé pour entrer dans la cour, une fois prête à rentrer dans le bâtiment des dortoirs, les bras croisés posés sur la rambarde, je regardai ce portail... Il avait été laissé entre-ouvert. Malgré les dizaines de mètres qui me séparaient des soldats, je sentais l'adrénaline augmenter telle une éruption volcanique qui se prépare. Je devinais leur respiration forte mais étonnamment silencieuse. J'ouvris de la main droite la porte tout juste refaite comme presque toutes les portes de ce bâtiment : repeinte en beige. Je commençai à marmonner l'air du curé de Camaret, une petite chanson paillarde apprise chez les scouts. Je traversai plusieurs couloirs tous pareils, en enfilade ; des murs jaunes et du carrelage au sol. Ma chambre était tout au fond de tous ces couloirs. Je croisé Clarisse, une troisième du collège ; blonde, yeux verts, peau blanche, timide, simple et c'est tout. On était amie. Je la pris par l'avant-bras gauche :
"Encore... souffai-je.
- Mais ça me soulage ! me lança-t-elle.
- Clarisse, ça fait combien de temps que tu as recommencé ?
- Juste à l'instant... Mais j'ai arrêté pendant trois semaines ! s'empressa-t-elle d'ajouter.
Je la fixai dans les yeux :
- Tu mens... repris-je, lassée.
- Bon, d'accord ! Ça fait quatre jou...
Je la coupai en raclant ma gorge. Elle avoua, honteuse :
- 13 jours...
- Viens... lui dis-je tendrement en lâchant son poignet et ouvrant mes bras.
- Nan, merci, termina-t-elle sèchement."
Elle s'enferma dans sa chambre. Je soupirai... Je reculai de deux pas et regardait tristement le mur qui séparait le couloir. À droite, deux portes de chambre et de l'autre côté de mur, deux portes aussi mais seule la porte de ma chambre n'était pas fermée à clé. Je ne réfléchis plus et repartis en courant vers la terrasse. Et plus je me rapprochais et plus j'entendais distinctement les armes à feu et l'AMP 47. Je fonçais sur la porte avec une barre à enfoncer comme poignée et l'ouvris dans un grand fracas semblable à un coup de feu à cause du fait qu'elle se heurta au mur. J'étais dehors, la respiration haletante. Plus un seul bruit ne parvint à mes oreilles. La fumée de l'AMP 47 recouvrait la cour inférieure en forme de montagne et cachait tous les soldats, toutes les voitures, tous les pompiers et leur camions. Un son enfin arriva à mon ouïe ; un bruit de mécanisme comme un objet lourd tournant autour d'un axe. La tonalité sonore du projectile, le son du bouton de projection, les étincelles orangeâtres parurent au sommet de toute la fumée envahissante et la cartouche de l'AMP 47 explosa en l'air, faisant la même explosion comme un feu d'artifice. Jean-Côme déboula en hurlant d'un souffle de joie :
"ON A GAGNÉ !"
À l'intérieur de l'épaisse fumée des cris de victoire furent poussés par tous les adultes ayant menés ce combat. Jean-Côme me prit dans ses bras, me souleva en disant des paroles que je ne compris que grâce a son expression du visage. D'autres cartouches furent tirées. Et soudain, j'entendis la porte du dortoir que je regardais s'ouvrir, soucieuse. Jean-Côme me posa. Dans l'obscurité, je distinguai un bras ensanglanté. Il ne me fallut pas plus de quelques secondes pour deviner le propriétaire de ce bras et courir presser l'hémorragie qu'elle s'était provoquée. Jean-Côme me rejoignit aussitôt.
"J-C, porte-la sur ton dos. Je maintiendrai son bras. On la descend aux pompiers."
"Clarisse, tu avais si peur de la mort que tu allais te la donner ? ouie-je retentir dans mon esprit."

Un Monde Étrange : RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant