Tuyau, stress, tuyau.

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J'étais dans ce qui ressemblait aux parkings sales de Vélizy. Or, là je me trouvais dans une petite pièce, toujours dans le style parking délabré. Un garçon plutôt petit, blanc et seul engagea le dialogue et me demanda où je voulais aller.
Je n'en avais aucune idée et la personne qui m'accompagnait, un adolescent presque adulte, répondit que nous allions ensemble dans le tuyau. Je crois que ce garçon presque adulte s'appelait Thibo (oui, avec cette orthographe). Les deux personnes en face de moi discutaient vite de la destination. Je l'ai entendue, mais je ne m'en souvins plus.
Sur ce, le plus jeune des hommes ouvrit le tuyau sans rien bouger de son petit corps ni de son regard plissé. Je ne vis le tuyau que de l'intérieur : Thibo était rentré dedans presque instantanément et j'ai suivi tout aussi vite. Je me sentis un peu serrée dans ce tuyau où je ne bougeai rien si ce n'est mes yeux. Le tuyau de l'intérieur était rose chair avec l'apparence de boyaux mais sans la texture, sans le liquide qui suinte et sans l'odeur. Ça ne sentait rien dedans.
Je ne voyais pas Thibo mais j'avais l'impression d'être étirée par la vitesse alors que mon corps, lui, ressentait comme lente. Je remarquai différentes sorties comme les bretelles d'une autoroute. On parlait un peu dans ce tube souple dans lequel il m'arrivait d'être freiner sans aucune raison. J'avais peur d'y rester, rester seule et bloquée. J'effaçai vite cette idée de ma tête et me laissai glisser vers bas, la tête la première. Quand on se retrouva dehors, nous avions changé de style de pièces mais les pièces avaient encore la même taille, toutes avaient les mêmes tailles que celles où on était, que celles du parking. Mais là, le style laboratoire-métallique-vert-radioactif-prison-blindé ne me plaisait pas plus que le style parking délabré... On salua un garçon qui ressemblait à celui au début du tuyau et on sortit de cette pièce par une porte énorme avec différentes serrures et fermetures qui pouvait s'enfoncer dans le mur afin de pouvoir sceller l'accès si besoin.
Thibo me tira presque le bras pour que je le suive. Or, j'attardais mes yeux sur le paysage limité par les murs et mon bras glissa de sa main sans que personne ne s'en rende compte. Et personne n'était là, non plus. L'endroit était froid mais absolument pas délabré. Je crois que Thibo m'avait dit quelque chose, mais je n'en avais rien entendu, et rien gardé en mémoire.
"Chié..."
J'ai perdu ma seule compagnie... Ma seule protection. J'ai peur. Je ne peux pas l'appeler en criant à travers toutes les pièces, elles me font peur... Je ne veux pas être repérée s'il y a quelqu'un déjà... Je regarde partout autour de moi. Je tape mes deux poches latérales mais elles sont vides, aucun portable...
Je marche très rapidement. J'ai l'impression de faire une course de marche pour me sauver. Je regarde partout, pièce après pièce... De chaque côté et malgré ces pièces qui semblent être en enfilade. Et je stressais partout, sans apercevoir la seule chose que je cherchais. Je n'étais pas tétanisée, c'était déjà ça. Je ne courrai pas, non... Je ferais trop de bruit sinon...
Je passe dans une pièce avec exactement la forme, la taille, les piliers d'un parking délabré et pourtant, avec ce style différent. Je vois un homme de peut-être 20 ans... Il paraissait très adulte de dos. Il était à l'autre bout de la salle en fer et moi de l'autre côté. Il a dû m'entendre car il se retourna. Là, j'étais paralysée.
Pourquoi est-il là ?
Qu'est-ce qu'il fait ici ?
Qu'est-ce que je fais ici ?
Pourquoi Thibo n'a pas remarqué qu'il m'a lâchée ?
Est-ce que je dois bouger ?
Ou alors Thibo m'a volontairement lâchée ?
Est-ce que le monsieur là-bas marche vers moi ?
Est-ce qu'il a l'air méchant ?
Il me veut quelque chose le gars là-bas ?
Pourquoi me fixe-t-il ?
...
Tellement de questions m'assaillir que je ne voyais presque plus la réalité avec mes yeux. Mais il se rapprocha, se rapprocha, et encore... Et je ne bougeai pas, pas du tout. Juste mes yeux s'écarquillaient un peu plus avec la distance qui se réduisait. Mon cerveau bloquait tout mon corps qui ne voulait qu'une chose : fuir. Le dernier espoir, c'est la fuite. Il sourit.
Pourquoi ?
Son sourire n'a même pas l'air malsain ?
Pourquoi son allure me semble si décontractée ?
...
Fondamentalement, je ne savais rien, rien de plus que ce que je voyais. Néanmoins, il s'arrêta devant moi. Il se pencha trop près. À une distance qui n'était pas assez grande. Mes poils de bras se hérissèrent tous en partant de mes poignets et cette vague se termina au milieu de mon cuir chevelu... Il me parla, je ne répondis pas. Il continua, je continuai à ne pas répondre... Je ne me souviens plus du reste mais j'avais fuit.  Ou alors il était parti en un battement de cils. Je n'avais pas changé de place. Mais, à vrai dire, je ne regardai que devant moi, ne le vit pas et déguerpit dans cette direction où il n'apparaissait pas dans mon champs de vision. Je ne sais pas si il était encore là, en vie, mort, apeuré, confiant, seul... Rien, je ne savais rien de plus. Je pense que je déguerpis aussi vite car je l'ai imaginé derrière moi un instant. Oui, je courus, je courus parce que là, j'avais été envahie par une peur instinctive qui prit le contrôle de mes jambes. Je n'entendais presque rien. Peut-être à cause de la peur... Mon cerveau et mes yeux me semblait voir et penser dans de l'eau, flottant dans un vide un peu épais.
Je courus rejoindre ce que je connaissais : la salle du tuyau. Je devais retrouver Thibo. On ne devait pas rester trop longtemps ici... J'en étais sûre. Je rentrai en essayant de ne pas surprendre le garçon qui ouvre le tuyau. Il me fixa juste, constatant ma peur. Il ne dit rien pour me rassurer, je ne m'en plaignis pas. J'attendais Thibo, oui. Mais quelques secondes plus tard, il fit éruption dans la micro salle du tuyau et lâcha dans son soulagement :
- Ah Diane ! (C'est fou comme j'avais l'impression, pourtant, de m'appeler Léopoldine.) Enfin !
Il me serra contre lui, pas comme dans un tuyau. Mais je ne sus pas si c'était platonique ou si c'était avec des sentiments plus poussés qu'il avait serré aussi fort mon corps maigrelet par rapport au sien, contre le sien. Je discutai avec l'homme du tuyau et il me dit que certains travaux se font sur les sorties du tuyau mais que la dernière sortie était l'une des seules qui pouvait être empruntée. Je répondis presque comme si Thibo n'était pas là. J'étais devenue entreprenante avec toute cette agitation dans les veines et dans mon cœur et dans mon cerveau.
- Très bien, c'est là où on doit aller.
Je me tournai vers Thibo et en un clignement d'yeux, on se retrouva dans le tuyau rose chair de l'intérieur. Le trajet me parut encore plus court que la première fois. Je regardai les sorties sur ma gauche, celles qui ne pouvait pas être empruntées. Elles étaient comme au premier voyage : ouverte. C'est pour ça que l'autre restait en haut du tuyau nous avait prévenu. Je ne sais pas ce qui se passerait si on prenait une  voie en travaux. Vers la fin du tuyau, je fermai les yeux et je me retrouvai debout à côté de Thibo, comme tout était normal... Comme si rien n'était encore arrivé.

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