Already Torn [Tome 1]

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Bonjour. J'ai vraiment aucune idée de comment vous êtes arrivés ici. J'espère que vous allez bien. Moi? Non, moi, c'est loin d'être la grande forme. Vous avez déjà eu le coeur brisé ? Je veux dire, comme si quelqu'un l'avait arraché, et piétiné, et laissé à l'abandon ? Moi oui. Je peux vous l'assurer, je l'ai ressentie, cette haine envers-vous même, ce dégoût d'être aussi faible, cette envie d'en finir. On ne vous cache rien, la vie d'un adolescent est source de problème, pour les autres, pour vous-même. Vous en êtes un, n'est-ce pas. Un adolescent. Bon, vous voyez de quoi je parle alors. La recherche de soi-même, l'envie d'être bien dans sa peau. Se trouver, s'aimer. C'est cruel un adolescent. Ça peut te flinguer une vie en deux seconde, ça peut te faire douter de toi-même et te pousser quand tu es en déséquilibre. Ça n'en a rien a foutre de te briser le coeur, puisque ça n'en a rien a foutre de rien. On veut être une fraîcheur, constamment en train de s'interroger sur comment être plus, comment être mieux. Tu dois rester dans les normes, mais être original, rebelle mais pas irrespectueux. Un adolescent, c'est lâche, c'est méchant, c'est hypprocrite, superficiel. C'est vil et tellement méchant. Si tu n'es pas tout ça, tu n'es pas accepté, si tu n'es pas accepté, tu n'es personne. Alors, quand vient l'acceptation, tu enfiles un masque. Un masque derrière lequel tu te caches, parce que personne n'aime ce qu'il y a en dessous. Parce qu'au fond, personne ne t'aime pour ce que tu es. Pour ce que tu es vraiment. Je n'ai aucune idée de comment vous êtes arrivés ici. J'espère que vous allez bien. Moi?..

Ma voix s'évanouit en un doux murmure. J'avais fini. Mes doigts caressèrent le morceau de papier. Le silence régnait, pesant, horrible. J'avais envie de m'asseoir, j'avais envie de m'enfuir. Et personne ne disait rien, tout le monde me fixait, mon prof lui-même ne savait pas quoi dire. Le sujet de cette interrogation était bien, l'adolescence n'est-ce pas ? Alors pourquoi personne ne disait rien ? Il me semblait que ça durait une éternité, lorsque je me rendis compte qu'une dizaine de secondes seulement s'étaient écoulées avant que des aplaudissements, discrets au début, et de plus en plus bruyants ensuite rompent le silence.

Okais, maintenant j'avais envie que ça cesse, je préférais le silence. Un timide sourire apparut au coin de mes lèvres.

_ C'est très bien Emma. C'était très...

La sonnerie interrompit ce que Mr Jefferson allait me dire, et tous les élèves balayèrent leurs affaires pour s'élancer dehors.

_ Tu peux rester s'il te plait j'ai à te parler.

Le début des problèmes.

_ Même si ton texte était absolument touchant, malheureusement ton attitude n'est pas aussi irréprochable.

Je baissai les yeux.

_ Emma, je sais que c'est difficile pour toi en ce moment. Lorsque ta mère nous a appelé, on était au courant de ce qui t'était arrivé et comment tu le gérais. Mais aujourd'hui ça n'est plus possible. Tu dois dépasser ce stade.

_ Ah oui ? Monsieur, sauf votre respect, vous ne savez pas ce que vis.

_ Je ne le sais pas mais je peux le comprendre. La perte d'un être cher est quelque chose d'horrible, personne ne devrai vivre ça, encore moins à ton âge. Le fait que tu sois loin de chez toi te pousse aussi à avoir cette attitude. Sécher des cours dans notre établissement, c'est grave. Toi tu bénéfécies d'un traitement sépcial, mais nous pouvons toujours te renvoyer en France si tu dépasses les limites.

_ Entendu, lâchais-je, agacée.

Je passai le cadran de la porte lorsque j'entendis le prof terminer :

_ Entendu, et surtout appliqué Emma !

Je lâchai un soupir en me dirigeant vers mon casier. Livre d'Anglais, manuel de littérature, cahier d'espagnol...

_ C'était quoi ça ?

_ Ça quoi ?

_ Ce texte !

_ C'était un texte.

Le blond referma mon casier en un claquement sec.

_ Carl, j'ai pas envie d'en discuter. C'est monsieur Jefferson qui m'a demandé d'écrire un texte sur l'adolescence, censé m'ouvrir aux autres.

_ Superbe leçon. Tu viens de te renfermer comme une huître.

_ T'as jamais capté que c'était mon deuxième prénom ? lançais-je en souriant.

_ Je rigole pas Emma. Je pensais que ça allait.

_ Et d'où t'as tiré cette conclusion ?

Silence gêné. Eh oui, Carl n'avait pas réponse à tout. Moi non plus d'ailleurs, et c'est bien pour cette raison que c'est sans parler que ne nous dirigeâmes vers la salle de langues. Mais il ne pouvait pas s'empêcher d'en placer une dès qu'on ne discutait pas toutes les deux minutes.

_ La France te manque ?

_ Bien sur. Mais je suis bien ici, Londres est la plus belle ville du monde.

Il sourit. Carl était beau. 17 ans, les cheveux blonds mi-longs, le regard franc. Je ne connaissais pas une fille qui n'avait pas eu le béguin pour lui au cours de ces dernières années. Je dois avouer que l'effet était garanti sur toutes, même moi, si difficile pourtant. Toujours affublé d'une veste en cuir, il était le stéréotype du mec viril et inaccessible, te faisant passer pour une merde bouseuse à côté. Ouais, une merde bouseuse, ça existe. Mon premier jour dans ce lycée, je l'avais passé à côté de lui. Souvenir qui commençait presque à être lointain. Mais toujours aussi agréable, malgré nos premiers mots durs.

_ Emma, monsieur Jefferson n'a peut-être pas tout à fait tort. T'ouvrir un peu ne te ferait pas de mal tu sais ?

_ Je sais. Mais le fait d'en parler ça...

Eh voilà. Les larmes.

_ T'as vu dans quel état ça me met rien que d'évoquer le fait d'en parler...

_ Pleurer ça fait du bien.

_ Pleurer ça me fait chier ! criais-je dans le couloir, où toutes les personnes aux alentours se retournèrent.

Je me précipitai vers les toilettes des filles. Je ne pouvais pas me permettre de louper une heure de cours encore. Mais purée, qu'est ce que j'en avais envie. Les larmes se succédaient les unes après les autres sur mes joues, me coulant dans le cou quand elles ne formaient pas des taches sur mon jean. J'avais baissé la lunette des toilettes pour m'en faire un siège. Je savais très bien que monsieur Jefferson espérait ce résultat. Je n'étais pas plus fragile qu'au moment où je m'ouvrai.

Mais, ces deux choses qui étaient arrivées dans ma vie, elles avaient été insurmontables. Bien sur que j'avais supplié ma mère de quitter la France, partir loin, me changer les idées. En moins de trois semaines, j'étais arrivée ici, à Londres, dans cette école géniale. Mais, la douleur elle, n'était pas restée en France. Elle m'occupait, constament. J'ai les joues creuses, le regard vide. Les gens ici parlent, montrent du doigt, disent, répètent. Ça m'est bien égal. Je voudrais guérir.

_ Emma sors de là...

_ Carl c'est les toilettes des filles ! sursautais-je.

_ Je m'en fiche. Je veux que tu sortes.

Je fermai les yeux. Tournai le verrou. Sentis deux bras m'entourer, me protégeant. Nous étions seuls, tout le monde était rentré en cours. Encore une fois en retard.

_ Tu m'attires des problèmes tu sais ? sanglotais-je sur son épaule. Si tu n'avais pas eu envie qu'on en discute, je serai allée en cours et tout serais normal.

_ Mais ce n'est pas normal Emma.

_ Carl, tu ne comprends pas...

_ Tu ne me laisses pas comprendre. Je ne sais rien, et ça fait un mois que l'on se connait !

_ J'espérais que tu te lasserais avec le temps... avouais-je.

_ Compte pas là dessus.

Son ton était dur et réconfortant. J'étais fragile, il était celui dont j'avais besoin. Carl. Carl Piettering.

_ C'est la dernière heure que je sèche pour toi, compris ? lançais-je.

_ Compris. Viens, on va s'assoir. Tu vas tout me raconter.

Et, c'est ce que j'ai fais.

Already Torn [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant