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France, 1229.

Ce fut lors d'une énième festivité, à laquelle était conviée une multitude de gens de bonne naissance, organisée par le roi Louis IX, surnommé à cette époque « le prudhomme » ou encore « Saint-Louis », et sa femme l'illustre Marguerite de Provence que le marquis de Cézanne, paternel heureux et comblé de deux jeunes filles, décidât qu'il était grand temps pour ces dernières de se trouver un époux. Les deux sœurs, issues d'une grossesse gémellaire, entraient tout juste dans leur quatorzième année quand elles furent déjà en possession d'une beauté rare et exquise. Elles étaient vraisemblablement identiques, indissociables à l'instar de deux gouttes d'eau, que ce fut dans la blancheur immaculée de leur teint, les traits de leur visage ou la blondeur de leurs cheveux. Si ressemblantes que bien peu de personnes pouvaient se vanter d'arriver à discerner aisément les demoiselles de Cézanne, en dehors de leurs plus proches parents. Ces dernières étaient aussi des copies conformes d'un point de vue moral, ayant reçu la même éducation elles étaient pleines de vertu, bonnes, aimables et modestes tout en étant dotées d'une vivacité d'esprit qui en étonna plus d'un, leur père notamment. Depuis leur plus tendre enfance elles avaient fait preuve d'une complicité dépassant même le stade de la symbiose, ne supportant pas d'être tenues éloignées trop longtemps. C'est ainsi que, lors de cette soirée, le marquis les introduisît à la cour et au monde de la haute-société avec pour volonté de trouver un bon fiancé à chacune de ses filles. Elles n'étaient certainement pas les partis les plus avantageux de France pourtant le marquis nourrissait l'espoir de leur fournir un digne prétendant ; il ne fut pas déçu car ce fut une tâche on ne peut plus aisée tant les jumelles attirèrent les regards de par leur physique exceptionnel et leurs charmes. Elles dansèrent toutes les deux avec de nombreux partenaires - et époux potentiels. A un certain moment de la célébration, l'une des sœurs, possiblement la moins chanceuse des deux, fit la rencontre d'un magnifique jeune navarrais qui était de passage pour une mission diplomatique ; ce jeune homme dans la fleur de l'âge était bien fait, fort, robuste et de quelques années son ainé. Lorsque leurs yeux se croisèrent et qu'ils virevoltèrent ensembles sur la piste de danse, une inclination considérable naquit sournoisement en eux. Ils dissimulèrent tous deux avec talent cette indomptable attirance, tout en se trahissant l'un l'autre quant à la puissance de leurs sentiments. L'innocence touchante de la demoiselle fit violemment tourner la tête de ce vicomte, si bien que dès le lendemain il s'empressât de demander sa main au marquis de Cézanne. Le père, homme sage et avisé, était fort bien incertain de vouloir confier l'une de ses filles à un étranger. Mais cette réticence mourut peu de temps après lorsqu'il apprît, avec un grand étonnement, que le vicomte de Tafalla était un lointain petit-neveu de Sanche VII dit « le Fort », roi de Navarre. L'espoir d'une potentielle alliance avec le royaume de Navarre prit le dessus et dissipa toute forme de méfiance ; le marquis savait qu'il serait malavisé de refuser une telle offre. Ni une ni deux, il consentit ainsi allègrement aux épousailles de sa fille avec ce noble navarrais. Le mariage fut proclamé publiquement et ce fut certes avec joie que la jeune femme épousât cet homme mais elle fut tout aussi peinée de devoir quitter sa soeur, qui, dans son cas, se retrouva liée au marquis de Montferrat et qui allait donc rester en France.

La vicomtesse de TafallaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant