Chapitre 4: Soana

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Soana était dans sa chambre, seule. Tous les cartons étaient étalés devant elle. La jeune fille était épuisée : cela faisait six jours que son père avait fui la maison, sans explication. Depuis, animée par sa volonté de comprendre et, suite à la trouvaille d'une étrange lettre, Soana n'avait cessé de chercher, sans savoir où, le mystérieux livre qui parlait de Kworg. Six jours qu'elle cherchait et fouillait dans tous les cartons de la maison, sans jamais rien trouver, sans jamais s'arrêter. Elle était désespérée ; son père n'était pas revenu, il l'avait abandonnée. Elle aurait voulu pleurer mais elle n'en avait plus la force, toutes les larmes de son corps avait déjà coulée.

Soana leva une main tremblante vers un carton. Elle avait déjà dû regarder à l'intérieur des dizaines de fois mais elle continuait encore et toujours. La jeune fille le renversa, encore une fois. A présent, elle savait qu'elle ne pourrait plus trouver ce livre mais fouiller était en quelque sorte devenu une habitude.

Soudain, le bruit sourd d'une porte que l'on ouvre se fit entendre. Soana se leva brusquement et retomba presque immédiatement à cause de sa fatigue. Elle renversa d'un revers de main tout ce qui se trouvait près d'elle et s'appuya sur son genou pour se relever. Elle sortit de sa chambre, se dirigea vers les escaliers en boitant, et les descendit lentement, attentive au moindre bruit. En arrivant en bas, elle se retrouva nez à nez avec un homme sale, blessé, famélique et dans un état des plus misérables. Pourtant, une lueur où se mêlait la fierté et la détresse brillait dans son regard. Soana eut du mal à reconnaître son père dans, pourtant, il était bien là ! Luck était revenu, il ne l'avait pas abandonnée !

Cependant, la jeune fille était sceptique. Pourquoi l'avoir laissée seule pendant six jours entiers pour ensuite revenir sans prévenir ? Ça n'avait aucun sens. Soana effleura d'une main la lettre de sa mère pliée dans une des poches de son jean. Elle en était sûre, le fameux monde de Kworg dont parlait sa mère avait un rapport avec son père.

La maison était silencieuse. Tous deux se dévisageaient. Soana regardait son père avec de l'amour, de la joie mais surtout de la rancœur. Lui avait un visage fermé, il n'exprimait aucun sentiment.

« Tout va mal, commença-t-il.

-Que veux-tu dire ? demanda Soana, méfiante.

- Le monde de Kworg va mourir. Tu te rends compte ? La mort va mourir ! C'est marrant, non ? »

Luck riait. Il avait une expression de folie, il faisait peur. Soana tremblait devant cet homme. Il reprit avec un ton mauvais

« De toute façon, c'est mieux ainsi, non ?

Il arrêta de rire.

-Papa, écoute moi, s'il te plaît. Pourquoi dis-tu ça ? Arrête, tu me fais peur !

- J'ai vu ce qu'aucun humain n'aurait dû voir... J'ai vu ce monde qu'il ne m'était pas autorisé de voir... j'ai vu ce monde qui m'a tout pris ! Il m'a pris ce que j'aimais, il me prendra ce que j'aime.

- PAPA ! »

Soana pleurait à présent

« Je t'en prie, arrête, explique-moi.

-Je l'ai vue ! Elle était là, devant moi ! Et ils me l'ont repris encore une fois....

-Qui ? Maman ? »

Luck garda le silence. Il baissa la tête.

L'homme resta ainsi, sans bouger pendant plusieurs instants, puis il prit une grande inspiration et sembla se calmer. Il montra d'un doigt son cou où se trouvait un collier.

Soana n'avait jamais vu ce bijou mais elle était comme attirée. Elle s'approcha lentement en tendant le bras. Le temps semblait figé. Elle ne voyait que le pendentif. Il était d'un rouge flamboyant, sa forme ressemblait à une flamme gelée. Le tout, entouré par un fil d'or rendait l'objet irréel. Une énergie malsaine mais rassurante émanait du collier. Luck reprit la parole :

« Toi aussi, ce monstre t'attire n'est-ce pas ? Tu as envie de le prendre, je sais. Mais fais attention, si tu le prends, ne l'enlève pas, ne le perd pas et surtout, surtout, ne laisse personne d'autre le prendre ou cette personne finira comme moi.

-Donne-le moi, dit Soana d'un ton ferme. Tu es parti, tu me dois bien ça, non ?

- Tu ne m'as pas écouté ou quoi ! Cette chose te détruira, elle te dévorera de l'intérieur et elle te tuera ! Elle l'a déjà fait avec moi.

-Donne-le moi !

-Bien... mais avant, quelles sont les paroles de ta vie ? »

Soana récita d'un ton monotone

« Lorsque le ciel deviendra sombre

Et que tous les espoirs viendront de fondre

Regarde le ciel et vois les étoiles

Tu y trouveras comme un voile

Lentement doucement les rêves apparaitront

De ces paroles ainsi prononcées

Tu trouveras une réponse inespérée.

-Bien ! Maintenant attaches-moi solidement et prends moi ce collier uniquement lorsque tu seras assurée que je ne puisse me libérer. Ensuite, va-t'en. Va-t'en le plus loin possible sans te retourner et n'oublie pas ce que j'ai dit. 

Le Monde de KworgOù les histoires vivent. Découvrez maintenant