Chapitre 23

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" Ne crois pas que tu pourras t'adonner à tes petits jeux ici, je lui crache.

- Ha oui ? Et pourquoi donc ?

- Parce qu'ici, ce n'est pas le lycée.

- Qui a dit qu'il fallait des salles de classe et un terrain de football pour s'amuser ? Ici, ce sera parfait ! "

Je ne l'écoute plus, je suis déjà sortie pour rejoindre la salle de bain dans l'objectif d'enlever toute la crasse qui couvre mon corps.

" C'est ça ! me crie Aïko. Va laver la boue dans laquelle tu aimes tant te rouler la truie ! "

Je serre les poings en tremblant. Des larmes coulent d'elles-même pendant que je traverse le couloir.

J'ai peur. J'ai affreusement peur de ne pas pouvoir me défendre face à mon éternel cauchemar.
J'ai peur de redevenir la lycéenne mal dans sa peau, celle qui se faisait persécuter par les cheerleaders en puissance.

À cette époque, je n'avais aucune amie, contrairement au collège.
Étant donné que j'avais intégré l'un des plus grands collèges de la ville, ma réputation de " gorille " m'avait automatiquement suivie au lycée. Sauf que Aïko Lee-Hong a décidé de donner sa version du surnom. Selon elle, je ne ressemblais pas tellement à un gorille, mais plutôt à une grosse truie ! J
e la revoie déclarer cela en plein milieu du couloir, sa mini-jupe de cheerleader affuchant clairement son statut de salope.

À chaque fois que je passais dans le couloir, mes bouquins dans les bras, tous saluaient la truie.
Ma soeur était partie à l'université et je me sentais tellement seule.
Personne ne voulait se trouver aux côtés de la truie, bien-sûr ! Alors pendant ces trois ans, j'ai vécu l'enfer. Un enfer dont Aïko était le diable.

J'ouvre la porte de la salle de bain. Pitié, faîtes que personne ne me vois dans cet état !

Sauf qu'après avoir passé la nuit dans la forêt, le premier réflexe est logiquement de se laver. Ce qui explique le brouhaha de voix féminines.
Brouhaha qui perd au fur et à mesure de l'intensité pour finalement se stopper.
Je baisse la tête et pose mes affaires sur les murs de carrelage froid du premier compartiment de douche.

" Je ne pleure pas, je déclare la voix tremblotante."

Ma voix résonne sur chaque paroie et fait, à chaque écho, paraître mon propos plus stupide que jamais ! Pourquoi a-t-il fallu que j'ouvre ma bouche ?

" Ça ne va pas ?

- Oui Kenny, qu'est-ce qui ne va pas ? répète Aïko."

Elle vient d'entrer dans l'immense pièce et me prend délicatement par les épaules en affichant un sourire des plus hypocrites.

" Lâche-moi ! je lui ordonne.

- Mais pourquoi réagis-tu ainsi Kenny ? Je suis là pour t'aider, comme nous toutes ici !

- J'ai dit : lâche-moi ! je répète.

- Si tu y tiens, alors...oui, minaude-t-elle en paraissant blessée par mon ordre."

Je me déshabille et avance vite sous un jet d'eau.
Mmmh...L'eau chaude me calme immédiatement ! Je m'en délecte...Elle me permet d'oublier ma pire ennemi en train de jouer la gentille fille auprès des autres à l'autre bout de la salle de bain.
Je ferme les yeux et maintenant, j'oublie totalement les circonstances. J'oublie FOCUS et ne ressens que la douce sensation de l'eau qui cascade sur mes cheveux, mon nez, mes lèvres, mes épaules, mon dos et finalement sur mes mollets.

Une fois ma peau débarrassée de toute cette saleté, je me sèche à l'aide d'une grande serviette que j'enroule ensuite autour de mon corps et prends mes affaires. Je sors dans le couloirs sans un regard pour les autres filles.

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