Le temps du bonheur

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Tamara - mon hôte s'appelait ainsi - me demanda si je possédais des papiers d'identité. Comme elle devait déjà s'en douter, je lui répondis par la négative.

- C'est très ennuyeux, me dit-elle. De nos jours, beaucoup de personnes vivent dans la clandestinité. Si on les trouve, on les enferme dans des centres puis on les réexpédie dans leur pays d'origine.
- Je suis allemand, lui dis-je, né à Berlin en 1925. On pourrait donc me réexpédier en RDA ! Ce serait terrible.
- Mais voyons, me répondit-elle, la RDA et la RFA n'existent plus. L'Allemagne s'est réunifiée !
- Depuis quand ? Demandai-je.
- Le mur de Berlin a été détruit en 1989, un an après votre décès.

Je me réjouis de cette nouvelle. Cependant, Tamara n'était pas tranquille. Elle ajouta :

- Le pire, ce n'est pas la clandestinité ; c'est votre résurrection. Depuis Jésus, cela n'est plus arrivé à personne. Et actuellement, avec les scientifiques, vous risquez beaucoup plus que d'être reconduit à la frontière. S'ils apprennent votre existence, ils vous feront passer toute une batterie de tests. Ils pourraient même vous faire du mal. Vous seriez pour eux une sorte de cobaye, un rat de laboratoire.
- Vous avez raison, lui répondis-je. Il faut absolument que je me cache quelque part. Accepteriez-vous de m'aider ?
- Avec plaisir, me répondit-elle.

Et ensemble, nous tentâmes de trouver une solution à mon problème.

- J'ai un lit pliant dans le grenier, poursuivit-elle. Je pourrais y mettre des draps propres, faire un peu de ménage et cela deviendrait votre chambre, du moins temporairement. Je vous apporterais vos repas et, quand vous seriez seul, vous pourriez quitter votre cachette. Vous comprenez... Mon mari et mes enfants risqueraient de vous trouver. Cela pourrait être dangereux.

Je fis tout ce qu'elle me dit et je vécus caché durant plusieurs mois. Chaque lundi, Tamara ne travaillait pas à l'extérieur. J'avais donc le plaisir de passer la journée en sa compagnie. Les autres jours, je descendais quand tout le monde était parti. Je regardais la télévision, me faisais à manger, puis rangeais tout et remontais juste à temps pour le retour de la petite famille.

Tamara était plutôt séduisante, la quarantaine. Ce qui m'étonnait le plus, c'était sa connaissance parfaite de ma biographie. Elle était certainement ma plus grande fan. Nous discutions de mes différents rôles, de mon jeu d'acteur si particulier, des films qu'elle avait aimé et de ceux qu'elle n'avait jamais pu voir. Je lui parlais de mes pièces de théâtre. Elle n'avait pu assister à aucune des milliers de représentations que j'avais donné. Tout d'abord, elle était bien trop jeune à l'époque. De plus, les pièces étaient toutes jouées en allemand, langue qu'elle ne connaissait pas.

Tamara adorait mon accent, mes attitudes. Bref, elle était sous le charme. J'aurais eu tort de ne pas en profiter. Je suis un homme après tout ! Dès que j'eus bien cerné sa personnalité, je décidai de passer à l'attaque. Elle ne résista pas longtemps. Je pense même qu'elle n'attendait que ça. En effet, elle m'avait confié que son couple battait de l'aile depuis un certain temps. Son époux ne la touchait même plus. Aux premiers jours de l'été, nous étions amants. Le mari trompé était bien bête de ne pas avoir envie de Tamara. Elle avait un corps à damner un saint. Aucun exotisme ne m'était refusé. Avec elle, j'étais au paradis !

Dans les limbes de l'oubliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant