Je sortis faire un tour dans le jardin pour m'éclaircir les idées. Le hasard voulut que je me dirige vers le coin du jardin qui m'avait vu naître. Mes mains, sur le point de disparaître, se reformèrent peu à peu. D'abord surpris par ce nouveau phénomène, je compris rapidement qu'il y avait en ce lieu un catalyseur. Conjugué à Tamara, celui-ci m'avait rendu forme humaine. Je partis à la recherche d'une bêche parmi les objets hétéroclites qui se trouvaient dans l'abri de jardin. Profitant des quelques instants durant lesquels la consistance de mes mains était revenue, je saisis la bêche la plus grande de la remise.
Je dus creuser à une profondeur d'environ cinquante centimètres avant de trouver quelque chose. C'était une pierre noire à facettes polies et reluisantes. Elle avait une forme sphérique d'un diamètre de plus ou moins quinze centimètres. Je la saisis et fut étonné de son poids. Cette roche était certainement très dense, car j'estimai qu'elle devait peser au moins dix kilos. Je ne pris pas la peine de reboucher le trou que je venais de creuser. Il y avait urgence. Je rentrai à la maison avec ma précieuse trouvaille. Il me fallait un sac pour transporter ce que j'imaginais de plus en plus comme étant une météorite. Le sac à dos de Tamara ferait l'affaire. Je glissai la pierre dans le sac, jetai un dernier coup d'oeil à la pièce dans laquelle j'avais été heureux ces derniers mois et refermai la porte.
C'était la première fois que je quittais la maison. J'étais très angoissé, mais me rappelais que personne ne pouvait me voir. C'était vraiment très pratique. Soudain, je m'aperçus que cela allait me poser de sérieux problèmes. En effet, je devais prendre le bus pour me rendre à l'asile psychiatrique dans lequel était séquestrée Tamara. Si le chauffeur ne me voyait pas, il ne s'arrêterait jamais !
Je restai de longues minutes à l'arrêt, seul et désespérément invisible. Soudain, une dame vint partager mon abribus. Cinq minutes plus tard, j'étais en route pour retrouver Ma Tamara. Le temps m'était compté. L'action de la météorite n'était pas suffisante à elle seule pour maintenir mon corps tangible. Par moments, je sentais de légers picotements dans les phalanges. Elles disparaissaient, puis réapparaissaient, un peu comme les ampoules clignotantes d'un sapin de Noël. Plus je m'approchais de l'asile, plus mon corps reprenait une certaine consistance. C'était donc bien Tamara le moteur de mon existence tangible. Son amour pour moi, conjugué au pouvoir catalysant de la météorite, m'avaient rendu forme humaine. Mais pourquoi autant d'années après ma mort ? Et là, je me rappelai que Tamara et son époux venaient tout juste de déménager à l'époque où j'étais apparu dans ce jardin. Avant ce déménagement, elle n'avait jamais été assez proche de la pierre pour permettre ma création. Il y avait seulement six mois...
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Dans les limbes de l'oubli
Short StoryUn acteur célèbre, mort depuis des années, réapparaît dans le jardin d'une de ses admiratrices. Au delà d'une explication plausible, se tisse une histoire d'amour entre eux. Cependant, la vie des deux héros en sera profondément altérée.