Chapitre 4

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Ce soir-là je rentrais chez moi abattue, me souvenant à la fois des raisons pour lesquelles j'étais tombée amoureuse de cet homme et de celles qui m'en avait éloignées.

Après avoir passé le week-end sur un malheureux devoir maison de physique qui n'aurait dût me prendre qu'une petite demi-heure, je me préparais à dormir en pensant à ma journée du lendemain. Revoir m. Raving, ne pas savoir quoi lui dire, ne pas pouvoir répondre à ses questions, se ré-enfoncer dans le mutisme, encore et encore. Je ne comptais pas retomber d'où je venais pour si peu. Garder la tête haute était donc encore au programme de la semaine qui venait. Me glissant sous les draps, j'avais déjà oublié la plupart de mes résolutions, la journée de demain allait être plus difficile que prévue.

Le réveil laborieux, un petit déjeuner écourté, je descendais discrètement les marches du bâtiment d'administration du collège que j'habitais pour me glisser dans la cours de l'école.
Les heures de cours s'enchaînaient doucement, j'écoutais mes professeurs d'une oreille distraite, redoutant mon dernier cours.

La sonnerie retentissant, je me levais pour affronter enfin ma hantise. Plus vite on commencera, plus vite ça finira. Enfin c'était ce que je pensais.
M'asseyant à ma place habituelle, je sortais mes affaires quand m. Raving nous demanda de tout ranger sauf un stylo et une copie double, contrôle sur table. Un soulagement immense me submergea, je ne serais pas obligée de supporter son regard, il n'ouvrira pas la bouche de l'heure ou presque, j'aimais les contrôles surprises.

Le sourire aux lèvres, je commençais à lire le sujet comme tous les autres élèves. Au milieu de l'heure, je m'assurais que mon article était toujours là, et le sorti de ma poche. Je le parcourais seulement des yeux, je le connaissais par cœur à présent, mais j'avais toujours ce besoin de m'y accrocher pour garder les pieds sur Terre, et ne pas oublier d'où je venais.
« HEY MONSIEUR, on sait que c'est votre petite chérie mais faudrait pas abuser là ! Moi aussi je vais sortir mon cours pendant les interros si c'est comme ça ! » Hurla un des garçons de ma classe. Il fut vite approuvé par une dizaine d'autres. M. Raving leva la tête de son bouquin et demanda le calme avec force. Il planta son regard dans le mien :
« Comme ça ? Je ne dérange pas là ? Apporte-moi ça ... tout de suite ! » Face à mon manque de réaction, il se leva furieux et m'arracha mon article. Cette fois ci, ce fut mon tour de me lever pour aller le chercher à sa table.
« Rendez le moi.
- Tu crois que je vais te laisser tricher comme ça peut être en plus ? Et moi qui pensais que tu t'y étais remise sérieusement, c'est sûr que c'est plus simple avec un peu d'aide ! Allez à ta place !
- Sérieusement rendez le moi monsieur !
- C'est qui le prof ici maintenant ?! répondit-il, ébahi face à mon brusque changement de ton.
- Tu sais bien que je ne triche pas, tu me connais François, ça ne te regarde pas !
- ALORS TOI... Il va falloir remettre les pendules à l'heure maintenant. Tu retournes à ta place, et tu viens à la fin de l'heure, on va régler ça. » Il bouillait de colère, je savais que j'étais allée trop loin, mais je ne pouvais pas me permettre de tout lui révéler. Il me tendit mon article pour que je le laisse s'assoir et hurla aux autres élève de se la fermer, ce qui eut un effet immédiat sur les ricanements qui avaient accompagnés la scène de ménage.

La sonnerie retentit et les élèves se hâtèrent tous de sortir en chuchotant. Ni m. Raving ni moi n'étions redescendus depuis notre altercation de tout à l'heure. J'avais conscience d'avoir exagérer mais il n'avait pas à pénétrer dans ma vie privée. Cela faisait plusieurs mois que ma carapace tenait le choc, je n'allais pas détruire le semblant de stabilité pour ses beaux yeux.
Il claqua la porte avec violence après que les retardataires soient partis raconter tout ça à leurs amis. Demain, tout le collège sera au courant, les élèves autant que les professeurs, nous étions tout aussi mal barrés l'un que l'autre. Mais ce n'était pas le sujet du règlement de compte qui s'annonçait ce soir-là.

« Depuis quand tu te permets de me parler comme ça ?! Je ne t'ai jamais autorisé à me tutoyer en classe, non mais à quoi tu joues Alice ? Tu veux que je te colle un conseil de discipline ? Parce que je peux t'assurer que j'en meurs d'envie là !
- Depuis quand tu me prends pour une abrutie qui a besoin de tricher à tes contrôles ?! Merci pour la confiance hein ! Je croyais que tu me connaissais un minimum mais en fait tu ne comprends toujours rien !
- Alice, c'est terminé tu me vouvoies maintenant c'est compris ? Que je te connaissais un minimum ? Ah non laisse-moi rire, je ne te connais pas et dès que je te le fais remarquer, tu t'enfuis. Tu n'as pas à sortir ton bordel en cours ok ? Alors si je te le demande tu me le donnes et tu arrêtes ton numéro ! Tu connais déjà ta note du contrôle au moins ça te rappellera des souvenirs !
- Mais t'es bouché ou tu le fais exprès ? Il suffit de deux mots de petits cons pour que tu laisses tomber ta petite chérie, quelle fidélité ! » M'exclamais-je, sur mon ton le plus ironique, même si je ne pouvais m'empêcher de penser en partie ce que je lui hurlais.
Il retint une remarque, semble-t-il des plus cinglantes pour me coller une gifle qui me fit trébucher.

Non, non pas de coups, pas ça, je t'en supplie, pas toi François. L'image de mon père se superposa à celle de M. Raving en un clin d'œil, ravivant mes peurs les plus enfouies. Si je tenais tête à mon professeur depuis quelques instants déjà avec assurance, je perdis tous mes moyens après cette gifle. La terreur m'envahit et aucun mot ne sortis plus de la prison de mes lèvres.
Je le regardais, immobile, tétanisée. Il me fixait, avec une sorte d'horreur dans les yeux et une peur qui atteint très vite la même intensité que la mienne. Fuyant mon regard, il sortit précipitamment de la salle sans un mot.

Un mauvais rêve, ce devait être un mauvais rêve. Il n'aurait jamais fait ça, pas lui, il ne pouvait pas me faire ça ! De longs mois, de longues années m'assaillirent la tête, je perdais pied peu à peu. Le désir de fuir sa salle, ses affaires, son manteau oublié fit soudain son apparition. Je courais à présent dans les couloirs de l'école, une seule idée en tête, partir. Loin de lui.

Réapprendre à vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant