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{14 Juillet 2014}

Le ciel pleure cette année. Comme si une peine profonde le rongeait ; comme si, en cette soirée, il ne souhaitait pas se faire incendier par les artifices humains, poudreux, dangereux, lumineux. Pourtant, le cuivre en combustion s'envole et explose, d'un bleu froid aussi brûlant que les flammes d'un démon.

Les nuages gris, aussi épais et sombres que les cheveux de YoonGi, encore assis à son balcon, encore recrachant la fumée de sa cigarette, protègent le firmament. Ils empêchent aux étoiles de voir, ce soir, ce que les Hommes trouvent divertissant.

Le tonnerre gronde, mais ces cris sont étouffés sous ceux, plus aigus, des bombes dérivant dans l'air. Leurs plaintes sont stridentes, perçantes, elles sifflent telles des âmes déchues, lâchées dans notre réalité.

Et pourtant, les spectateurs sont là ; attroupés comme des moutons, à regarder les éléments se déchaîner au dessus de leur tête. C'est comme s'ils assistaient à une grande bataille, un combat de gladiateurs. Ils s'en régalent, mais les enfants pleurent. Ils ont peur. Ce sont les seules personnes qui ne sont pas encore corrompues et perverses ici.

YoonGi aime les enfants. Enfin, il n'en est pas vraiment sûr. Il n'arrive plus à savoir ce qu'il aime réellement.
En ce moment, à cet instant précis, il aime le vent, qui souffle derrière lui. Ce dernier empêche la pluie de lui atterrir sur la gueule. Et il lui est reconnaissant pour ça, car il lui permet de juger à son aise les personnes plus bas, qui se les gèlent en plein mois de Juillet, sous la pluie, à regarder un combat des plus horribles à ses yeux.

Plusieurs minutes plus tard, le duel prend fin.
Le cendré laisse échapper une bouffée de fumée, se cachant la vue. Il ne sait pas qui a gagné. Entre le brouillard qui se fait toujours menaçant d'électricité, la vapeur blanchâtre maintenant calme lancée par les artificiers, ou le petit nuage face à lui, qui provoquera sûrement son cancer, YoonGi se sent oppressé. Sa poitrine est compressée, comprimée, il a besoin d'air.

Son mégot s'échappe de ses doigts tremblants, il se répercute sur le sol du balcon puis roule jusqu'à sa chute, atterrissant sur le trottoir, sans bruit. Quelques personnes le piétinent, courant pour échapper à la grosse averse qu'ils se sont pourtant déjà prise en admirant le spectacle idiot, quelques instants plus tôt.
Un jeune homme aux cheveux bruns, se protégeant des gouttes aqueuses sous son parapluie transparent, regarde un peu plus haut. Il fixe le propriétaire du bâton de nicotine écrasé par terre.

Près de la rambarde, le jeune homme de vingt-et-un ans maintenant se tient la poitrine et ouvre la porte coulissante qui mène à l'intérieur de son petit appartement. Il a besoin de son médicament. Depuis quelques mois, ça se passe ainsi. Son médecin lui a pourtant dit d'arrêter la clope, mais il n'écoute pas. YoonGi ne veut plus entendre, il ne sait même pas ce qui l'a poussé à voir un médecin. Instinct de survie ? La vie en elle-même est une survie quotidienne. Qu'est ce qui l'empêche de faire comme son mégot, et s'écraser sur le trottoir ? Rien. Rien ni personne.

Arrivé dans sa salle de bain, il tousse, cherche de l'air. Il sort de son placard un petit tube bleu, dans lequel il insère un cylindre blanc. Et puis, il le porte à sa bouche et appuie en aspirant.

« Asthmatique » est un mot qui qualifie maintenant Min YoonGi. Après « Asiatique » dans le répertoire de son identité. Pourtant, il habite en France, pour ses études, qu'il a lui-même laissé tomber. Il n'a plus assez d'argent pour rentrer chez lui, et sa famille ne l'aide en rien, estimant avoir déjà assez dépensé pour lui.

Malgré tout, le jeune homme paye ses impôts, et par ce biais, il paye les feux d'artifices. Ces fichues explosions bruyantes qui sont toujours les mêmes chaque année.
YoonGi pense maintenant qu'il déteste les feux d'artifices. Ses sourcils se froncent et il se redresse en humant de l'air. Ce dernier ne lui manque plus, il est de retour dans ses poumons, grâce à son médicament.

Dehors, dans la rue, un jeune brun marche tranquillement, à l'abri des gouttes sous son parapluie transparent. Un autre homme plus grand l'a rejoint il y a peu, et le plus petit s'accroche à son bras. Les deux amoureux repartent dans la rue, mais pourtant le petit brun ne peut s'empêcher de jeter un dernier coup d'œil sur le balcon d'il y a un peu plus tôt, sur lequel une âme en détresse a retenu son attention.

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