Chapitre 3

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_ Tu as toujours eu cette manie, de chercher les choses par le silence, tu étais exactement pareille lorsque tu étais petite..
Je ne m'étais jamais rendu compte à quel point la voix de ma mère est douce. Je ne comprends pas vraiment ce qu'elle me dit, je ne suis pas habituée à ça. Je regarde le fond du meuble en l'écoutant.
_ tu fixais les gens qui avaient quelque chose à dire mais qui ne savaient pas quand le faire, avec tes yeux perçants.. T'étais toute mignonne..
Je ne sais pas si c'est de l'ironie, alors je ne dit rien.
_ Si tu savais comme je suis désolée.. De t'avoir laissé livrée à toi-même, de ne pas avoir été là, mais je n'étais pas prête, je suis tombée enceinte à 16 ans Wandy, je n'étais pas prête à assumer cette charge, avec les études et mes parents, j'ai remis la faute sur toi et sur ton père..
Ce qu'elle me dit est totalement déconcertant. Ma mère a aujourd'hui 38 ans, mon père 39, je ne m'étais jamais rendue compte à quel point ils étaient jeunes. Je m'aperçois maintenant, tout m'apparaît clairement et le calme de la matinée s'éloigne peu à peu.
_ J'avais organisé ma vie, j'ai toujours été habituée à tout ranger, tout prévoir et quand ton père est entré dans ma vie autant te dire que tout s'est chamboullé.. Nous étions vraiment jeunes mais on s'aimait comme personne n'aurait pu le faire et tu es arrivée.. Je vous ai maudit, toi et ton père, d'avoir détruit mon avenir, je n'ai pas réussi à me sortir de cette vision négative, je n'ai pas su voir quelle chance j'avais mais je t'observais.. Je t'ai regardé grandir, je te connais plus que tu ne le crois, et j'ai attendu l'apocalypse pour te le dire..
Sa voix se coupe.
_ Quelle imbécile.
Je ne l'entend plus tellement ses paroles s'entremêlent dans mon esprit. Les sanglots de ma mère s'y mêlent, et je ne sais plus comment prendre la chose. Pourquoi l'ai-je suivi ? Pourquoi suis-je aussi curieuse ?
Je la fixe, le souffle court. Ma mère est une femme brisée qui pleure son absence sur un comptoir de cuisine. Mes joues s'humidifient.
_ Je regrette de t'avoir laissé, je sais que tu m'en voudras toujours pour ça, mais je me maudit chaque jour d'avoir fait ça, je me maudit pour vous avoir maudit vous, j'aime ton père et je t'aime, je n'ai jamais su comment le faire ni le dire encore moins comment le montrer mais je vous aime plus que ma propre vie, bien plus que celle que j'avais planifié, bien plus que tout et je n'ai pas su te le montrer..
Sa voix est totalement déformée par les pleurs, et je la regarde, abasourdie.
_ Pardonne-moi Wandy..
Soudain un cri et des bruits retentissent de la salle à manger. J'ouvre précipitamment la porte, même  si je suis dans un état second. Quelque chose semble vouloir entrer dans la maison. Des coups violents retentissent contre notre grosse porte en chêne ce qui arrive même à faire trembler les meubles qui se trouvent devant. Des sons étouffés, presque inaudibles mais toutefois bien humains nous parviennent de l'extérieur, ce sont des gens !
_ Ils sont vivants papa ! Je chuchote à mon père qui reste crispé.
Et soudain je me retrouve a penser d'une manière toute autre, qui sont-ils pour faire autant de bruit? Ne savent-ils pas que cela peut nous coûter la vie ? Il y a certains abrutis dont on devrait botter l'arrière-train.
Le temps que je cogite, mon père et Tim déplacent les meubles qui bloquent le passage, prêts à offrir ce dernier à de vulgaires inconnus plutôt bruts et dépourvu d'intelligence. Deux hommes pénètrent dans la maison, armés jusqu'aux dents. Ils nous regardent, un peu gênés et finissent par baisser leur armes.
_ Qui êtes-vous ? Leur lance mon père.
_ Excusez nous du dérangement Messieurs Dames, l'homme qui prend la parole a un sourire sur le visage. Vous savez, ce genre de sourire malsain mais tout à la fois extrêmement séduisant. Nous pensions que la maison était vide, simplement barricadée. Je suis Negan et voici Trevor.
_ Mais vous n'êtes pas bien ou quoi ? Vous allez nous attirer de graves ennuis avec tout ce vacarme bordel ce n'est pas compliqué de vérifier en toquant à une porte avant d'essayer de la détruire et de rameuter la moitié de la ville errante!
Je me surprends à leur balancer ceci à la figure. Mon père me regarde tout aussi surpris que moi et quand mes yeux croise le visage de Tim, une sorte d'alarme retenti en mon fort intérieur. Je décide de l'ignorer. Après tout, que pourrait il bien se passer ?
Le barbu regarde mon père puis Tim et sourit un peu.
_ Du calme ma belle, nous cherchons de nouveaux membres dans notre groupe, nous manquons de chasseurs, et c'est essentiel pour notre survie.
Lonny vient s'accrocher à l'une de mes jambes. Je crois que le dénommé Negan l'effraie.
_ Un groupe vous dites ?
Tim semble intéressé par leur proposition. Et cette alarme qui retentissait dans ma tête il y a quelques secondes se met à hurler. Tout ceci ne sent vraiment pas bon, quelque chose va mal se dérouler et je crois que ces deux hommes en sont la cause.
_ Oui, tu as bien entendu. Nous sommes 15, mais nous avons dernièrement perdu l'un de nos meilleurs chasseurs alors nous cherchons d'autres survivants qui voudraient bien remplir ce poste.
Le sourire du deuxième homme apparaît, large et presque parfait sur son visage mesquin et affuté. Il y a quelque chose qui sonne faux dans cette histoire de chasseurs. Quel survivant risquerait sa vie dans le but de chercher d'autres survivants pouvant remplir un rôle particulier dans leur groupe ? Comme s'ils frappaient à la porte des gens, un peu fort d'ailleurs, pour vendre des aspirateurs ou tout simplement faire de la démarche commerciale ?
Des dizaines de questions me traversent l'esprit tandis que Tim boit les paroles de cette vipère mal rasée. Cet homme a beaucoup d'assurance et il n'a pas franchement de quoi trembler. Tim est le plus musclé de la maisonnée, mais il n'est pas non plus très grand. Mon père et bâti comme un coureur, et Matthew lui est plutôt une copie de Samy dans Scooby-Doo. Nous sommes une petite famille qui ne sort plus de chez elle depuis le début de la catastrophe. Les deux inconnus dans l'entrée ont l'air bien plus dangereux que nous, bien plus préparés, bien plus vicieux.
Soudain, je sens mes jambes qui flageolent. J'ai toujours penser, lorsque je lisais des livres, que les personnages exagéraient quand ils disaient qu'ils avaient les jambes en coton. Et bien j'ai maintenant la certitude que cette sensation existe. Tim prononce des mots que je n'oublierai jamais.
_ Je suis partant pour ce poste, votre groupe a l'air sûr, nous serons bien mieux là bas pas vrai ?
Il se retourne vers nous. A peine avons-nous le temps de réagir que Negan le coupe.
_ Tu m'as l'air parfait pour ce poste. Il se frotte la barbe, passant près de ce sourire horrible qui ne le quitte jamais. Cependant il y a une chose que tu dois savoir. Nous ne cherchons qu'un homme, et nous l'avons trouvé. Nous ne sommes pas venu cherché d'autres bouches à nourrir.
Ses paroles me laissent sans voix.
Tim est fasciné, prêt à réaliser leur souhait, et ces hommes s'offrent à cœur joie de nous faire comprendre qu'ils vont nous laisser dans la merde mais en prendre un de nous. Pour qui se prennent-ils tous autant qu'ils sont ?
_ Vous n'emmènerez personne. Maintenant dégagez d'ici.
Mon père fait un pas vers eux pour les pousser mais le Trevor le contre et le plaque au mur.
_ T'es sourd ou quoi pépé ? Il veut ce poste.
Les inspirations fusent, sauf bien sur du côté de Negan. Je regarde la scène abasourdie. Que font-ils ?
_ C'est quoi ton nom gamin ?
Mes yeux se posent sur Tim, Lonny serrent ma jambe de plus en plus fort et mon cœur dans ma poitrine commence à me faire mal. Mais le garçon que je connais depuis le berceau semble s'éloigner peu à peu pour laisser place à une personne que je ne connais pas.
_ Tim, patron.
Sa voix est ferme, dépourvue d'émotion. Il a vite compris leur mode de communication.
_ Je prends ça pour un oui Tim. Bienvenue parmis nous. On s'arrache Trevor.
Il se retire de mon père et réajuste sa veste en cuir. Tim ne se retourne pas et quitte la maison sans rien dire. Et mes jambes cèdent au poids qui m'écrasait depuis quelques minutes. Le pick-up des inconnus démarrent dans l'avenue et disparaît emmenant avec lui mon Tim. Mon Tim. Le silence pèse dans la pièce et personne ne bouge. J'entends les sanglots de ma mère étouffés par un chiffon qu'elle tient entre ses mains. Nous n'étions pas préparés. Mon père est sans voix, et fixe l'entrée grande ouverte. Ma tête bascule vers le sol et ma vue se trouble tandis que mon frère ne comprend rien à ce qu'il se passe.
Tout est allé à une vitesse folle. Il m'a quitté sans un regard, il est parti sans me dire au revoir, il vient de passer la porte et je ne l'ai même pas retenu. Une vague de colère me submerge laissant place à un vide immense. Mes oreilles bourdonnent et la scène se répète en boucle dans mes oreilles. Et les minutes passent, je n'ai plus aucune notion. Le temps s'arrête et mes larmes se multiplient. Il l'a fait, il est parti.

The WalkersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant