1 - La fuite

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Lorsque le morceau de métal pénétra la chair du bras gauche de Rebecca, celle-ci esquissa vaguement une moue de douleur mais ne stoppa pas sa course pour autant. Bien au contraire, elle augmenta la cadence afin de sortir de ce merdier sans nom dans lequel elle s'était fourrée. L'émetteur de son casque lui envoya aussitôt un signal d'appel.
-"Reb, ici Central. On détecte un dysfonctionnement de tes signes vitaux. Quel est...
- Je suis touchée putain !! Ils sont sur les toits. Quatre, peut-être cinq Spiders. J'ai perdu contact avec Paul. La dernière issue était bloquée..."
Rebecca s'arrêta de parler en apercevant une masse informe se mouvoir en haut de l'immeuble sur sa gauche. Le soleil l'empêchait de voir clairement de quel menace il s'agissait mais elle eut le réflexe immédiat de se jeter à l'abris près d'une des nombreuses carcasses de voitures qui jonchaient l'avenue. Accroupie, le dos plaqué contre la portière, elle fouilla la poche droite de son gilet à la recherche d'ultimes munitions pouvant alimenter son flingue.
Dernier chargeur.
D'un geste mécanique, la jeune femme alimenta le vieux Beretta vissé à sa main droite tout en scrutant les environs de la rue en apparence déserte. L'ombre suspecte avait disparu du toit d'en face.
"- Putain de merde, Central, où se trouve le prochain point de sortie ? Je suis repérée et j'ai une saloperie de bout de métal qui me sort de l'épaule !"
Tremblante de sueur et de douleur, Rebecca examina sa blessure brièvement avant de se décider à avancer discrètement le long de voitures, bus et autres moyens de locomotion qui avaient tous pour dénominateur commun d'avoir été dépouillés de la majorité de leurs parties mécaniques et métalliques. Sous un soleil de plomb, la jeune femme évoluait de manière stratégique en vérifiant chaque angle et en écoutant le moindre bruit, même si le plus oppressant restait celui des battement de son cœur.
"-Reb, on a mis en place un point d'extraction a deux rues d'où vous êtes. On devrait pouvoir le maintenir 5 minutes avant d'être repérés.
- Ok, ça semble jouable, vous avez d'autres infos sympas à partager Central ?
- On détecte pas mal de mouvements. Une dizaine de Spiders voir plus si on se fie aux déplacements. On vous balise le chemin sur votre écran radar."
Rebecca rajusta rapidement le monocle gauche, qu'elle avait volontairement écarté sur ses cheveux, afin d'avoir le tracé exact vers la zone de repli. Un plan 3D isométrique en filigrane vert s'afficha devant son oeil avec un visu du chemin le plus court affiché en rouge. Pas l'outil le plus performant qui soit mais un véritable trésor aux yeux de l'armée .
Ok.
Prendre la 1ère rue à droite, puis 2eme à gauche et 200 mètres la séparerait de la libération.
Reb continua à avancer entre deux files de voitures lorsqu'un craquement sinistre se produisit à quelques pas sur sa gauche. Elle tourna lentement la tête afin d'apercevoir, juché à quelques mètres de là sur le toit d'un camion, un amoncellement de débris métalliques se mouvoir de manière saccadé. Composé d'ossements d'ordinateur, d'armatures en fer, de chaînes et autres debris, l'entité semblait arquée en direction de sa cible. L'espace d'un instant, Rebecca resta pétrifiée, la sueur froide perlant sur son front.
La créature commença à vibrer de manière sporadique et plusieurs aiguilles se mirent en places à ses différentes extrémités, prêtes à donner la mort.
Le sifflement que Rebecca crut entendre fut probablement le dernier jusqu'à ce qu'une explosion retentisse et propulse la masse informe dix mètres plus loin.
- "Bouge toi Rebecca. Bouge !!!", hurla une voix sur les toits. Celle de Paul.
Sortie de sa torpeur , elle se propulsa en avant et grimpa sur le toit de la Mercedes sur sa droite afin de rejoindre le trottoir le plus proche. Tout en continuant sa course, elle perçu les pas de son partenaire, mais surtout le bruit croissant et assourdissant du métal qui s'entrechoque venant maintenant de toutes les directions. Central ne s'était pas trompé. Ici, ca grouillait.
Elle courut de manière effrénée jusqu'au coin de la rue et tourna à droite devant un immeuble qui avait dû être un grand magasin il y a de cela de nombreuses années. La structure occupant un bloc à lui tout seul, Rebecca s'engouffra dedans par une vitre brisée afin de poursuivre sa course a l'abri du ciel. Rien ne garantissait qu'il n'y ait pas non plus des putains de Crows dans les parages !
Tout en cavalant parmi les débris ce qui avait dû être un vaste rayon parfumerie, elle jeta un bref coup d'œil en arrière. Deux masses cliquetaient à toute allure derrière elle. Reb couru encore quelques pas et d'un geste vif, arracha une grenade de sa ceinture et la laissa
tomber au sol. Elle avança encore d'une centaine de mètres avant de sauter au sol derrière un comptoir où se trouvaient encore de vieux flacons de parfums recouverts de poussière. L'explosion retentit avec fracas et
d'innombrables membranes de cuivres, de tôles et d'acier allèrent se figer dans les différentes surfaces que pouvaient proposer le rez-de-chaussée. Même dans la mort, ces saloperies de Spiders cherchent à vous buter ! Reb se releva péniblement et repris sa course en direction de la sortie opposée. Un sifflement venant de devant la fit se décaler instinctivement sur le côté et une barre de métal lui frôla la joue, laissant une égratignure à la jeune femme qui pris immédiatement les escalators sur sa droite afin de rejoindre le premier étage.
-"Central, combien de temps avant la fermeture du point ?
- 3 minutes, Reb
- Dans quel foutoir vous nous avez envoyé bordel ? " fulmina Rebecca.
Le 1er étage semblait n'avoir quasiment pas été touché par les vestiges du temps. L'arme au poing, Reb courrait à toute allure à travers des mannequins portant des vêtements élégants et très certainement onéreux à l'époque où le lieu n'était pas parcouru par des monstres. En bout de parcours, Reb aperçu une passerelle de verre faisant la jointure avec l'immeuble d'en face où se prolongeait vraisemblablement le grand magasin dans lequel elle se trouvait.
-" Ok, plus qu'un bloc et on y est..."
Lorsqu'elle arriva au seuil du passage, elle se figea un instant à l'écoute de bruits suspect venant de l'immeuble d'en face. La grenade utilisée auparavant était la dernière en sa possession et certes un flingue pouvait venir à bout d'un Spider, mais il fallait un sacré coup de bol et surtout une grosse dose de cartouches pour étaler une seule de ces boules de fer !!
-"Hey Brunette, je vais pas t'attendre 30 ans ! Tu sais où se trouve la prochaine issue concoctée par ces messieurs du Central car la camelote qu'on m'a refilé est en rade !!"
Rebecca souffla de soulagement, repris sa course à travers la passerelle, et s'adressa brièvement à Paul :
-"Suis-moi."
Haletants, les deux soldats traversèrent ce qui devait s'apparenter à un rayon informatique au vu des nombreuses carcasses de claviers et d'unité centrales qui jonchaient les allées.
"-Elles ont bien bouloté dans le coin les bébêtes !! Si ca les tente j'ai encore pas mal de plomb à leur refiler."
Rebecca esquissa un bref sourire. En tant qu'inlassable bavard, Paul pouvait parler et blaguer en toute situation. Le genre de type qu'on adorait entendre les 5 premières minutes et qui adorait s'entendre les 55 suivantes. Au sein de l'armée , Paul Stunecci était malgré tout une vedette car il faut bien dire que l'ambiance générale était souvent morose et ce grand colosse de deux mètres affichait toujours une bonhommie à toute épreuve. Et puis sur le terrain, il faut bien dire que Stunecci savait y faire pour dézinguer un max de saloperies.
"-Il te reste du matos Reb ?
Rebecca lui montra son flingue comme unique réponse.
-Ah ouais... Et on va où comme cà ?
-Au bout de l'immeuble, on bifurque à gauche pour prendre la fuite devant une pharmacie.
Les deux soldats s'immobilisèrent soudain lorsque retentit un déchirement de métal. Des lueurs bleutés apparurent tout autour d'eux et s'immobiliserent, formant un grand arc de cercle les piégeant, dos au mur. Reb et Paul reculèrent prudemment vers une grande fenêtre donnant sur la rue.
Les masses métalliques se mirent, une à une, à s'entrouvrir pour laisser sortir chacune un visage sans expression, glacial, le crâne chauve, les lèvres pincées et les yeux exorbités. Un visage humain.
- "Ca pue la merde là !, chuchota Paul, Pète la fenêtré le  qu'on se tire d'ici au plus vite.
D'un geste rapide, Reb alla frapper l'immense vitre de la fenêtre à l'aide de la crosse de son arme. Les visages des Spiders, toujours aussi froids et stoïques, se mirent lentement à ouvrir la bouche à l'unisson.
-"Saute, putain, saute, lui répéta Paul
- Suis moi !
La jeune femme sauta du premier étage et atterit en roulé boulé sur le toit d'une voiture. Le choc lui coupa le souffle et relança la douleur dans son épaule.
Paul jeta un bref coup d'œil aux Spiders avant de sauter. Leurs visages étaient déformés par l'envergure de l'ouverture de leurs bouches et leurs yeux exprimaient une fureur sans nom.
Au moment de sa réception au sol, un cri strident, déchirant parvint depuis l'étage dont ils venaient de s'échapper. Reb aida Paul à se relever et ils reprirent leur course. Au fur et à mesure de leur avancée, de nombreux échos du cri leur parvint de tous les côtés, jusqu'à paraître omniprésent dans la cité déchue dont ils tentaient de s'extirper.
Ils arrivèrent enfin à un carrefour débouchant sur une large avenue et prirent sur la gauche. Un bruit de grouillement de plus en plus fort se porta à leur oreilles, ce qu'ils attribuèrent à la pression sanguine portée à leur tympan.
-"Ici !, haleta Reb, en pointant du doigt un halo bleuâtre face à une pharmacie dont le seul signe distinctif restant était la croix verte qui lui servait d'enseigne.
200 mètres.
La course reprit. Le vrombissement s'accélera.
150 mètres.
Attirée par une agitation soudaine, Rebecca jeta un regard derrière elle et vu une nuée de Spiders se mouvoir au bout de l'avenue. Celle-ci étant large d'une bonne trentaine de mètres. Il y avait au bas mot une bonne cinquantaine de machines à leur trousses.
-"Paul..., il y...
- Je sais !, hurla le colosse, Regarde aussi sur les toits ! Continue de courir. T'arrêtes surtout pas !!
100 mètres.
Cette fois-ci, le cri manqua de leur percer les tympans.
- "Central ! Préparez cette putain d'extraction !, hurla Rebecca  pour se faire entendre de son interlocuteur.
- C'est reçu Reb.
50 mètres.
Les deux soldat arrivèrent à bout de souffle devant la pharmacie.
-"On y est ! Extraction immédiate demandée !!, ordonna Rebecca.
Les centaines de Spiders qu'ils les encerclaient de toute part se remirent à hurler avec une telle intensité qu'elle manqua de faire vaciller les deux soldats.
Une première aiguille parti et alla briser la vitrine de la Pharmacie.
-"Merde mais ils vont nous laisser crever ces cons !!, releva Paul tout en réarmant son arme automatique.
-Demande d'extraction immédiate !!, hurla Reb à nouveau.
Une nouvelle aiguille alla se figer dans la main gauche de la femme, puis une autre à un mètre de Paul. Ce dernier vu sa fin arriver lorsqu'une nuée d'aiguilles arrivèrent par le ciel. Au moment de l'impact, leur champ de vision fut troublé et ils se retrouvèrent debout, dans une salle circulaire fermée par une grande porte verrouillée de l'extérieur. Apres une dizaine de minute, celle-ci s'ouvrit et un homme de taille moyenne, blond et svelte entra. Il portait une tenue d'officier et se tenait avec une prestance exarcerbee. L'air accueillant, il entreprit d'accueillir Rebecca et Paul.
-"Et bien ! On peut dire que celà n'a pas été simple cette fois-ci !"
Il reçu pour simple réponse le poing bien serré de la jeune femme en pleine face.

L'épicentre du malWhere stories live. Discover now