Episode 1

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Dimanche 08 Avril 2018, 15:27
Bamako, Mali
Cour familiale des Mohammad

Cette après midi, je suis dans la cuisine, occupée à faire la vaisselle lorsque Rokia, ma demie-sœur, se précipita vers moi et me fit un câlin. Je lui souris, ravie. Elle est toute mignonne avec ses cheveux bruns formant deux grosses nattes, ses grands yeux noirs, son petit sourire angélique et sa robe bleue aux imprimés africains, mettant en valeur son magnifique teint ébène.

Quelques instants plus tard, elle fit de même avec ma mère et ma petite sœur Amy, préparant près de moi la traditionnelle bouillie du soir. Chez nous, il est de coutume qu'une fois la nuit tombée, nous nous rassemblions tous dans la cour de notre maison afin de déguster la fameuse bouillie de mil que ma mère fait merveilleusement bien. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle est toujours celle qui s'en charge.

Rokia nous aiment beaucoup et passe énormément de temps à jouer avec Amy, ma petite sœur, ou à me tenir compagnie lorsque je m'ennuie. Ces petites habitudes du quotidien nous rapprochent chaque jour un peu plus malgré le fait que sa grande sœur, Aïssatou, et sa mère, tante Maïmouna, ne nous supporte pas et n'apprécient pas qu'elle s'approche de nous. Pour elles, la maison est semblable à un champ de bataille où chacun doit choisir son camp et de ce fait, il est normal que chaque enfant prenne le partie de sa mère. Même les plus petites ne sont pas exclues. Heureusement que mon père est là pour veiller à ce que cette "bataille" ne soit que passive. En même temps, c'est bien lui qui a causé cette situation...

Maman, toute sourire: Amy, tu peux aller avec Rokia. Raïma et moi allons finir ça toutes les deux.

Amy, surexcitée : Merci maman !

Toutes les deux se mirent à sautiller, faisant rebondir leurs nattes et leurs vêtements. Elles manquèrent d'ailleurs de nous faire trébucher en se précipitant dehors. Avant de retourner à mes occupations, je vis maman les regarder s'éloigner en souriant. Elle me fascine cette dame !

Contrairement à sa coépouse qui est plutôt égoïste, fourbe et envieuse, maman incarne plutôt la persévérance, l'optimisme et la gentillesse. On pourrait croire que je l'idéalise mais, il ne suffit que d'une journée passée au sein de notre famille pour arriver à la même conclusion. Maquilleuse à ses heures perdues, elle fait le bonheur des femmes du quartier, le maquillage n'étant pour elle qu'un hobby, bien que rémunéré.

Le seul bémol, c'est qu'elle voue une soumission extrême à mon père, conseiller du maire de Bamako et propriétaire d'une bijouterie. Face à lui, elle n'a jamais le courage d'exprimer ses opinions. Qu'il ait tord ou raison, elle accepte tout ce qu'il lui dit sans broncher, en bonne épouse soumise, me dirons certains. Peut-être est-ce le cas, mais je ne supporte pas de voir ma mère souffrir et être menée par le bout du nez en gardant toujours le silence.

Aussi bien avec ses femmes qu'avec ses enfants, mon père peut se révéler doux et aimant mais rapidement virer conservateur et sûr-protecteur, voire tyrannique. S'efforçant de contrôler nos vies, j'ai conscience qu'il pense bien faire mais, personnellement, j'ai l'impression de suffoquer, étouffée d'être autant couvée. J'ose espérer que l'obtention de mon Bachelor et mes 21 ans prochains lui feront réaliser que je suis une grande fille maintenant et que j'ai besoin d'un minimum de liberté pour tracer mon propre chemin.

Je fus tirée de mes réflexions lorsque maman m'annonça l'arrivée de mon père ainsi que certains de mes oncles. Leur présence ici attira tout de suite mon attention puisqu'ils ne viennent nous rendre visite que très rarement et, en majorité, pour tenir des réunions de famille.

Mariée de force à un vieillard, j'ai dû m'enfuir pour survivre Où les histoires vivent. Découvrez maintenant