Chapitre 5 - Le plan

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   Hadrien emballa ses affaires. Il était tout sourire de quitter Lourillon et ses soucis, et sa vie fade et triste. Rien que pour faire rager Cadus, il décida de lui prendre quelques bières et de casser les autres dans un coin. Il sera tellement enragé qu'il en oubliera d'en racheter.

   Joyeux, Hadrien promena son regard autour de lui. Toutes ses affaires, ses habits, ses trésors, tout ce qu'il avait, finalement, était soigneusement rangé dans deux sacoches. Depuis sa rencontre avec l'homme, en haut de la falaise, un sourire éclatant restait affiché sur son visage d'ordinaire si morne. Mais que se passerait-il une fois en haut ? L'homme serait-il parti ou pas ? De toutes façons, c'était trop tard, il avait promis.

***

   En haut de la falaise, l'homme en question promenait son regard sur le magnifique paysage. Par moments, il lançait un coup d'oeil vers le sentier, guettant une tête aux traits émaciés et trop marquée pour avoir eu une enfance joyeuse, guettant celui qui serait bientôt comme son fils, puisqu'il aurait sa responsabilité sur le dos. Il réfléchissait aussi : en effet, comment faire croire à la mort du garçon au village ? Un plan commença à se former dans son esprit.

   Quand ce dernier arriva enfin, l'homme expliqua qu'il fallait le croire mort, pour ne pas être embêtés par la police. Sans laisser le temps à Hadrien de répondre, il enchaîna :

- On va faire croire à un coma. Pas le droit de les faire douter : tu dois mourir dans leur esprit.
- Ok... Heu... Et comment on doit leur faire comprendre que je suis mort ?
- Avec de l'alcool. Voilà ! Tu te sera saoulé, puis hop ! Petit coma et plus d'Hadrien !
- D'accord. Mais pour l'alcool, on fait comment ? Je n'ai que quelques bières avec moi...
- Je vais aller en acheter ! Personne ne me connaît. Un étranger qui achète de l'alcool, c'est pas suspect, non ?
- Non, ça devrait aller. Mais il te faut un nom. Si on te le demande, tu es dans de beaux draps...
- Bien vu. Eh bien... Appelle moi Stein, c'est le nom que j'aurais aimé avoir si j'avais pu choisir.
- Bravo ! Ce sera Stein. Bien choisi. Ça me plaît.
- Super. Alors... Voyons, il est environ midi. Je vais manger là-bas, ensuite j'achèterais de l'alcool.
- Et si on te demande où je suis ?
- Je t'ai pas vu.
- Parfait. Et moi, je mange comment ?
- T'as pas pris à manger ?
- Si, mais c'était pour le voyage...
- Eh bien, considère que le voyage a commencé.

   Hadrien hésita. Il ne voulait surtout pas avoir faim plus tard, lorsqu'il aurait vraiment besoin de nourriture. Il décida d'acquiescer, car William ne semblait pas vouloir partir avant qu'il lui ait assuré qu'il mangerait.

- Bien. De toute façon, je vais acheter de quoi manger en bas.

   Soulagé, Hadrien hocha la tête.

- Ah ! Tant mieux !

   Et il sortit un gros morceau de fromage et une miche de pain de son sac.

***

   Quelques temps plus tard, dans les rues de Lourillon, les passants remarquent un étranger. Son visage reste dans l'ombre de son large chapeau d'où s'échappent quelques mèches brunes, et il marche d'un pas décidé. On le voit s'arrêter devant un restaurant, y entrer puis manger rapidement avant de demander où trouver de l'alcool. On est étonnés, on lui demande qui il est, et pourquoi il veut de l'alcool. Il répond que son nom est William Foster, qu'il va faire une fête avec des amis dans la montagne. On lui indique un magasin, le Vodka Lover, réputé pour son alcool fort et enivrant. Il y achète deux bouteilles de whisky et un flacon de rhum, puis ressort et va dans une épicerie. Il en ressort les mains pleines et les poches vides. On le voit ensuite hésiter puis acheter des vêtements d'occasion, peu chers, mais pas fameux.

- Ha ! lance quelqu'un, moqueur. T'as qu'à me les passer, ces loques, faut bien que j'habille le p'tit con qu'habite chez moi ! Hé hééé !

   L'homme se retourne vivement et fusille l'autre du regard. Il lui demande :

- Je vous demande pardon ? Ces vêtements ne sont pas des loques. Regardez-vous, là vous verrez ce que c'est vraiment.

L'autre le regarde avec des yeux ronds comme des soucoupes.

- D'où tu m'parles comme ça, bouffon ? Moi j'suis Cadus, et ici, on connait une règle : t'embête pas le Cadus, sauf si t'as plus faim d'la vie.
- C'est ça, c'est ça. De qui parliez vous tout à l'heure ?
- Ben, le gosse. Hadrien. J'sais pas où il est passé, d'ailleurs, mais quand il est v'nu t't'à l'heure... Ben l'avait un grand sourire sur sa sale face d'avorton. J'devrait lui donner un p'tit coup d'bâton... J'l'ai fait hier, mais il a pas dû comprendre le message ! Enfin, vous m'direz, j'suis bien obligé de l'héberger. C'est que c'est mon fils, hé hééé !Comment il a pu v'nir de moi, c'lui-là... Il est même pas au courant !

Et il partit d'un grand éclat de rire.

Au bord de la falaiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant