Voisinage

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-Ne t'agites pas comme ça, Charles! Et toi, Marie, marche sur le trottoir! Mon Dieu, vous me faites honte les enfants!

-Jure pas par le bon Dieu, Maman, la réprimanda la fillette en remontant sur le trottoir

-T'as péché, t'es cassée! s'écria le petit Charles en continuant à cavaler

-Je vous préviens, les enfants, si vous faites honte à Papa devant son patron, vous serez privés d'ordinateur pendant un mois!

-Oh, nooooon! se plaignirent les deux bambins

Satisfaite de les avoir fait taire, la mère continua de marcher, faisant claquer dans la nuit ses talons de douze centimètres. Le père de famille se retourna.

-Les enfants, j'ai besoin de mon augmentation, si vous n'êtes pas sages, je ne pourrai pas vous emmener de nouveau en Martinique.

-Pas cool! s'écria Charles

-La plaie! s'écria Marie

Ils arrivèrent devant une grande maison luxueuse d'un blanc immaculé. Le père sonna, et un homme vint les ouvrir.

Il était richement vêtu : ses mains et ses poignets étaient surchargés de bagues et bracelets en or. Il afficha un sourire gras à l'intention de ses visiteurs.

-Monsieur Bolaire! s'exclama le père.

Il se répandit en salutations plus obséquieuses les unes que les autres en flattant l'élégance de son patron. Ce dernier le regardait, fier de sa supériorité. Il les fit rentrer au bout d'un bon quart d'heure de flatteries. Ils s'installèrent dans le jardin pour prendre un apéritif (luxueux) quand ils entendirent une voix provenant du jardin voisin.

-Ne faites pas attention, ricana grassement le patron, c'est un pauvre taré qui parle tout seul le soir. Il est déséquilibré.

-Ta-ré! Ta-ré! chanta Charles

-C'est un fou, fou, fou, un drogué, gué, gué, un taré, ré, ré, dé-sé-qui-li-bré-euh! chanta Marie

Tout le monde ricana grassement avant de se reporter sur le riche apéritif.

De l'autre côté de la haie, le voisin regarda tristement la stèle face à lui.

-Mon bon vieux chien, murmura-t-il, tu me manques. Tu sais que tu n'est pas le seul à être mort dans cet accident de voiture? Il y avait Laura, aussi. Tu te souviens d'elle? Bien sûr que tu te souviens d'elle. Elle était magique cette fille, on ne peut pas l'oublier. Et on allait se marier ...

Le pauvre homme éclata en sanglots.

-Quand je suis rentré chez moi, après avoir appris sa mort, j'ai retrouvé une assiette pleine de cookies avec un petit mot adorable. Je n'ai pas pu les manger, pourtant, je sais que c'est ce qu'elle aurait voulu. Elle s'attachait à des choses tellement insignifiantes ... comme moi ... elle est la seule à m'avoir vu comme un être humain ...

Et de l'autre côté de la haie retentissaient les chansons moqueuse des deux enfant et la voix du patron qui criait :

-Eh, tu veux pas la boucler, pauv' taré, va!

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