Chapitre 1, James

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James

C'est la rentré. Le froid précoce de Septembre semble transpercer chacun jusqu'à l'âme. Le portail est grand ouvert mais personne ne semble décidé à entrer. J'attends Jack et Peter depuis déjà cinq bonnes minutes. Aucun des deux ne répond à mes messages et je ne les vois pas arriver au bout de la rue. On peut déjà voir des groupes qui se forment clairement de part et d'autre de la rue . De ces derniers, si disparates soient-ils, s'élève une commune atmosphère maussade de rentré des classes. Tout à coup mon attention se fixe sur quelque chose ou plus exactement sur quelqu'un. Elle est là depuis quelques instants seulement et pourtant j'ai l'impression de la connaître. Je ne vois pas son visage et pourtant je sais qu'il n'est pas aussi joyeux qu'il devrait être. Quand je la regarde, j'ai au fond de moi un sentiment de peine profond et désagréable qui se propage. Celui-ci se mélange à de la rancœur et également à un certain sentiment d'impuissance. Cette curieuse analyse est stoppée par l'arrivée de mes deux meilleurs amis. Peu après je me sens ridicule d'avoir cru ressentir tout cela en posant le regard sur une simple inconnue. Jack, Peter et moi nous dirigeons vers la classe qui nous est assignée. Notre classe de cette année ne réjouit aucun de nous, hors mis le fait que nous soyons tous les trois ensemble.
Nous marchons à pas lent dans les couloirs de l'école que nous connaissons depuis deux ans maintenant. Nous escaladons les escaliers d'un pas lourd et pour enfin arriver devant notre professeur de mathématiques. Cette femme tout à fait sympathique nous fais je cite « un gros cadeau » en nous laissant nous placer à notre guise. Jack, Peter et moi filons vers le dernier rang lorsqu'une sensation de malaise me submerge. Un tourbillon de boucles brunes attire alors mon attention. Juste à ma droite au tout premier rang je reconnais le manteau noir et les boucles délicates de la fille de tout à l'heure. Ses joues ont été légèrement rosies par le froid et ses yeux bleus se mettent à me fixer. Elle sourit mais je sais au fond de moi que rien en se sourire n'est franc. Elle va mal. Toujours en train de l'observer je me rend compte qu'elle me fait des signes sous la table. Je comprend trop tard que je viens de me rendre ridicule pour la première fois cette année. En effet, tout le monde est assis depuis maintenant cinq longues minutes et cela fait presque autant de temps que madame Dupons est plantée devant moi, essayant désespérément de me faire prendre place. Les autres n'osent même pas me regarder. Il faut dire qu ma réputation me précède. J'ai malencontreusement engendré un traumatisme crânien à un idiot qui le méritait et cette histoire a fais beaucoup de bruit.

En effet, j'ai ce que l'on peut appeler un problème en ce qui concerne la maîtrise de la colère. Lorsque l'on s'en prend à des personnes auxquelles je tiens ou que l'on m'énerve ou encore quand des événements violents se produisent autour de moi, je ne semble plus avoir le contrôle sur la personne que je suis. Aucun médecin n'a su me diagnostiquer quoi que se soit et aucun médicament n'a pu calmer ce que je qualifie de « crises ». Tout ce que je sais c'est que lorsque ça m'arrive je n'ai plus tout à fait conscience de la réalité et que je pourrais en arriver à blesser très gravement les gens qui se trouvent sur mon chemin quel qu'ils soient. Dans ces moments là, je ne suis plus qu'un amas de haine sans plus de discernement. Ma réalité devient flou et je ne différencie plus la colère de la normalité. Je n'éprouve plus de sentiments dans ces moments là et pour arriver à mon but je pourrais faire n'importe quoi.

Après avoir adressé une pseudo excuse à mon enseignante, j'ai rejoins ma place. Le malaise étrange que j'avais ressenti en entrant dans la salle s'est dissipé. Je reste ainsi perplexe, tentant d'analyser au mieux la situation tout en prêtant une oreille distraite au cours de mathématiques.

-Elle est jolie hein ? Me souffla Peter
-Qui ça ? Madame Dupons ? Répondis-je distraitement
-Mais non idiot. La nouvelle!Tu as passé assez de temps à la contempler pourtant non ?
-N'importe quoi, ferme la j'écoute.
-Tu nous la feras pas à nous James t'as eu le coup de foudre! Mais rêve pas c'est moi le beau gosse du groupe. Ajouta Jack avec un clin d'œil rapide.
-Vous êtes encore plus barrés que ce que je croyais. Moi le coup de foudre ? Pour une intello du premier rang en plus ? Vous divaguez les mecs. Maintenant la ferme, si je me fais dégager dès le premier jour ma mère me tue !

Le cours passe à une lenteur déconcertante et je n'entends pas un seule mot de ce que dis madame Dupons . Mon regard est fixé sur elle, la fille du premier rang, et sur sa main continuellement levée et sur sa voix dont la joie sonnait faux. Malgré ce que j'avais laissé entendre, il est vrai qu'elle est assez jolie. Le sérieux dont elle fait preuve dénote avec l'incrédulité qu'affichent déjà tous les autres membres de la classe face au programme de mathématiques.

La sonnerie retentit et je sors de la salle lentement. Les cours reprennent dans seulement une heure. Je me met à déambuler dans les couloirs. Je n'ai aucune envie de rester avec Peter et Jack. Je m'aventure dans un coin reculé du lycée où personne ne vient jamais. De ce côté, les murs du bâtiment sont fissurés et la peinture se décolle au moindre contact. Les lumières du plafond ont cessé de fonctionner depuis longtemps déjà dans cette partie de l'établissement, à l'image du chauffage d'ailleurs. Le calme est le mettre des lieux et semble ainsi les rendre apaisants. J'aime m'y réfugier quand je suis frappé d'un moment de lucidité pendant mes crises de violence. Bien que se soit assez rare, cela me permet de me défouler en étant parfaitement sûr de ne blesser personne. Une fois assis et la tête calée contre un mur, j'essaie de me reposer et de faire le point sur les événements survenus précédemment. Je suis tenaillé par une sensation de mal-être qui ne semble même pas m'appartenir. Un bref instant, je me concentre et tente d'effacer toutes ces choses négatives qui s'immiscent obrepticement en moi. Bien évidemment, je n'y parvient pas. La seule chose dont je suis sûr c'est que ces sentiments ne m'appartiennent pas. Ce désespoir profond qui naît
peu à peu au creux de mon ventre n'est pas le mien.

Ça fait déjà une demi heure que je suis prostré dans ce couloir à me tourmenter . Je me relève et me dirige vers les couloirs du lycée qui sont occupés après avoir essuyé le plâtre, laissé sur mon sac par le mur endommagé. Je me dirige au hasard et je sens au détour de chaque couloir un trouble grandissant. Je suis de plus en plus perplexe. Je n'ai aucun contrôle sur ce chaos sentimental qui fait rage en moi et c'est exaspérant. J'ai l'espoir que cela s'en aille aussi vite que c'est arrivé mais ce n'est visiblement pas le cas. Je vois la nouvelle au bout du couloir et je pense que j'ai aussi trouvé la cause de mes tourments.

Que ferais-je pour toi?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant