Chapitre 6

140 9 2
                                    

Je n'allais pas le laisser filer comme ça

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Je n'allais pas le laisser filer comme ça. J'avais besoin d'informations, de solutions à mes questions : Qui était-il ? Pourquoi débarquait-il maintenant alors que les cours avaient déjà repris depuis plus de trois mois ? Qu'avait-il fait pour être en retenue chaque mercredi après-midi ? Et surtout pourquoi était-il toujours là où nous étions, moi et Emrys ?
J'étais prête à en découdre pour obtenir des réponses même s'il fallait que je l'attrape entre deux murs pour lui tirer les vers du nez ou que je le suive jusque chez lui.

J'étais plutôt surprise du trajet qu'il avait emprunté. Je ne comprenais pas pourquoi d'ailleurs, c'était pourtant un chemin très utilisé : beaucoup d'élèves du lycée qui habitaient dans ce coin passaient par là. Cependant, Emrys et Mia vivant dans ce quartier, j'aurais dû déjà le croiser sur la route au moins une fois. Seulement, il ne me rappelait absolument rien. Mais alors là rien mais rien, que dalle. Pourtant, vu le nombre de fois que j'ai pris cette chaussée que ce soit pour aller chez Mia "faire nos devoirs" - ce qui, en passant, se terminait presque toujours par une séance de discussions ardentes sur des sujets inintéressants avec un biscuit à la main - ou chez Emrys pour jouer à la console.

Je fis un bond en arrière, constatant qu'il s'était arrêté, et me précipitai d'aller m'appuyer à un panneau de signalisation. J'ai toujours été une pro en matière de discrétion...not.
Trop occupée à me maudire pour mon sens développé de la dissimulation, je ne me suis aperçue que quelques secondes plus tard de l'endroit exact où je me trouvais, ou encore de celui que j'avais pris en filature fixait attentivement. Je fis rapidement glisser mes yeux dans la même direction que lui, juste à temps pour apercevoir Emrys fermer la porte de chez lui.
Un sentiment étrange prit possession de moi, entre la fierté et l'indignation. J'avais raison, Aaron Owens espionnait bel et bien quelqu'un, seulement il ne s'agissait pas de moi. Oh que non ! Quelques regards dans un couloir, ce n'était pas bien grave, mais qu'est-ce qui pouvais bien le pousser à suivre mon meilleur ami jusque chez lui ?
Une fois que Emrys eut complètement disparu, Aaron jeta quelques regards furtifs autour de lui avant de s'en aller ni vu ni connu. Le cerveau en ébullition, la tête trop remplie de questions et de colère et toujours vide de pensée rationnelle, je continuai ma traque, plus décidée que jamais à en savoir plus sur ce piètre espion. Celui-ci me traînait dans des quartiers que je ne connaissais pas. Mes pieds fatigués me hurlaient de rentrer chez moi, mais je me refusais à abandonner avant d'avoir obtenu la moindre information, aussi petite fût-elle.

Il finit par calmer sa course - Dieu merci ! -, et pénétra dans une ruelle sombre et totalement déserte. Collée à la façade d'une maison, je passai ma tête de la manière la plus subtile que je pu et je distinguai, contre la face d'un ancien bâtiment, une petite fontaine crachant un mince filet d'eau.
Il s'accroupit en face de celle-ci et sorti un objet de sa poche. Sans avoir l'occasion de voir ce que c'était, je captai malgré tout un reflet qui me laissait penser qu'il s'agissait d'un objet brillant. Avant que je pu me décider sur ce que cela pouvait être, il le lança dans la fontaine et regarda une nouvelle fois autour de lui. Je me plaquai contre le mur encore plus, regrettant que le mur ne puisse m'absorber, en retenant mon souffle.
Trop effrayée pour regarder à nouveau, je ne pu qu'écouter :

  - Ô Iris, déesse de l'arc-en-ciel, accepte mon offrande. Montre moi Chiron, de la Colonie des Sang-Mêlés.

  - Déesse de quoi ? laissais-je échapper à voix basse, il est dingue...

Me risquant à passer la tête par surcroît, ce que je vis me fis presque perdre l'équilibre.
Le reflet d'un homme se laissait deviner dans l'eau, qui n'était pas celui de Owens. Un homme plutôt bizarre d'ailleurs... Le haut du corps était normal mais le bas... À la place d'une paire de jambes, il avait le reste du corps d'un cheval. Un cheval !

"Mais nom d'un chien ! C'est un truc de dingue ! Il est où le trucage là-dedans ? me dis-je. Quand est-ce que vont arriver les nuages roses et les licornes ?"

J'étais persuadée que j'étais en train de rêver, que ce n'était pas possible autrement, que ce n'était qu'un rêve, rien qu'un rêve et que j'allais me réveiller.
Mais malheureusement pour moi, la voix d'Aaron se fit entendre me confirmant que ce n'était pas un rêve, que j'étais bel et bien réveillée et que ce n'était pas le fruit de mon imagination.

  - Il ne se doute de rien.

  - Dans ce cas pourquoi m'appelles-tu ? répondit le reflet. Tu n'es pas censé prendre contact avec la colonie durant une mission. Tu connais les règles et leurs conséquences si elles sont transgressées.

  - Je le sais bien. Mais je pense qu'une de ses amies a des soupçons. Elle est très méfiante.

  - Peut-être n'est-elle pas ce qu'elle prétend être. Souviens-toi bien ce qu'on t'as dit : méfie-toi de Tout le monde.

  - Je le ferai. Je dois vous
avertir, il...

Au même moment et le pire possible, j'ai senti mon téléphone vibrer dans ma main. Oh non, non, non, non, non.... Pas maintenant !

"I've become so numb I can't feel you there. Become so tired so much more aware.. ne cessait de crier mon portable."

Je me suis précipitée dessus pour éteindre ma sonnerie, et j'ai vu le profil de ma mère s'afficher sur l'écran. Elle devait se demander où j'étais. «Merci, maman. Bon timing. Comme d'habitude.» Ce n'était vraiment pas le moment : il allait dire quelque chose d'intéressant ! Pendant leur discussion, les paroles qu'ils avaient échangées n'avaient pu empêcher de susciter mon attention et ma curiosité. Bien malgré moi, mon oreille s'était tendue à la pêche aux informations.
Mais trop tard, Aaron s'était tourné vers moi. Son regard avait croisé le mien, je pus y lire - probablement comme il a pu en lire dans le mien - de l'inquiétude, beaucoup d'inquiétude.
Pendant un petit moment, nous sommes resté ainsi, nous scrutant du regard, jusqu'à ce qu'une petite voix dans ma tête, qui aurait dû m'empêcher de le suivre depuis bien longtemps, me crie : cours ! et que je prenne mes jambes à mon cou après avoir lâché un : «Merde ! ».

ChasseresseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant