Les pouvoirs d'Alice, tome 1. - Souvenirs

5 - Quelqu'un sur qui compter

- Alice, je...

Elle marque une pause dans sa phrase. Sa voix tremblote de culpabilité. Elle a les larmes aux yeux, prête à éclater en sanglots. Mais elle ravale ses larmes en reniflant un bon coup.

- J'ai reçu une lettre de Vanessa disant que...

Je la coupe.

- Oui, je suis au courant. Elle m'en a aussi donné une.

- Oh, dit-elle, je ne savais pas. Hum... Écoute, je suis désolée de ne pas t'avoir crue, je suis désolée, tellement désolée, je...

Je décide de mettre fin au massacre. Je lui dit "chtchtcccchhhht" comme à un enfant qui pleure et la prends dans mes bras.

- Je comprends, lui dis-je, j'aurais sûrement réagi comme toi. Ne culpabilise pas, ce n'est pas ta faute. C'est la faute de Vanessa. Mais elle s'est excusée. Alors, elle aussi, nous devons lui pardonner.

Je change vite d'expression.

- Enfin, elle reste toujours une peste, on est d'accord ? je lui demande en la regardant dans les yeux

Elle rit un peu.

- Mais oui, bien sûr, que c'est toujours une peste ! Mais tu as raison: elle a été honnête, et c'est déjà une bonne chose.

- A propos d'honnêteté, je commence, il faut que je te montre quelque chose.

- Quoi donc ?

- Suis-moi.

Je l'amène jusqu'à la balançoire. Je m'assois dessus, sans un mot, et me concentre. Les deux "fenêtres" apparaissent à nouveau. Je sens encore cette étrange sensation au niveau des yeux...

Puis je remarque que le visage de ma meilleure amie se décompose.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Il y a quelque chose qui a changé ? je lui demande impatiente de comprendre ce qu'il m'arrive au niveau des yeux.

- Euh... J... A-Alice, tu...

Elle semble réfléchir.

- C'est une blague ? S'il te plaît, dis-moi que c'est une blague ! dit-elle

Bon, vous allez me dire "MAIS PUT*** DE BORD** DE MER**, QU'EST-CE QUI EST CENSÉ ÊTRE UNE BLAGUE ?!?". ... MAIS JE N'EN AI AUCUNE IDÉE !!

Alors je lui pose la même question que vous, mais en plus sympathique.

- Quoi ? Qu'est-ce qui est censé être une blague ?! Non, Jenny, je te jure que je ne fais aucune...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase. Un horrible mal de tête surgit. Je prends ma tête entre mes mains. Maintenant, je commence à voir flou. Je plisse les yeux. Que m'arrive-t-il ? Je ne peux plus bouger, sauf la bouche. Alors je hurle:

- RAAAAAAAAAAAAHH !!!

Puis le mal de tête s'en va. Je vois net. Je ne tremble plus. Je peux bouger. Mais je suis étrangement essoufflée et à bout de force.

Jenny, très inquiète, coure vers moi et s'accroupit pour que sa tête soit en face de la mienne.

- Alice, est-ce que tu vas bien ??!

- Je, ha, vais, ha, bien...

- Tu n'avais pas l'air, tout à l'heure ! Et qu'est-ce que c'est que cette histoire ??

- Est-ce que mes, ha, yeux, ha, ont changé ?

- Oui, Alice, ils sont devenus rouges ! C'était extrêmement creepy ! Si le but de cette mise en scène était de me faire peur et de m'inquiéter, c'est réussi, bravo ! dit-elle sèchement

- Écoute, Jenny, CE N'ÉTAIT PAS UNE BLAGUE. C'EST LA RÉALITÉ ! QU'EST-CE QU'IL T'ARRIVE, EN CE MOMENT ?

La tristesse vint se joindre à ma colère. Les larmes rendirent visite à mes yeux.

Puis, un peu malgré moi, sans trop me contrôler, je dis ce que j'avais sur le coeur:

- EN CE MOMENT, TU NE ME CROIS PLUS, TU NE ME FAIS PLUS CONFIANCE ! J'AI L'IMPRESSION D'ÊTRE UN ALIEN, À CÔTÉ DE TOI !!

Puis je me lève brusquement de la balançoire, pousse Jenny de mon chemin, sors de mon verger et part en courant jusqu'à la maison de Jérémy.

Une fois, arrivée, en sanglots, je sonne. Cette fois-ci, c'est Jérémy qui vient m'ouvrir. Dès qu'il me vit, il s'exclama:

- Alice ?! Mais enfin, que t'arrive-t-il ??

Il court vers moi, ouvre le portail, et je me jette dans ses bras.

- JEREMY, C'EST VANESSA ! ET JENNY NE ME CROIT PLUS ! ET EN PLUS, JE PEUX VOYAGER DANS LE TEMPS !

Enfin, c'est plutôt ce que j'entreprends de dire, mais ce qui sort de ma bouche n'est pas tout à fait la même chose.

- YEREBY, Y'EST BANESSA ! ET JEDDY DE BE CROIT PLUS ! ET EN PLUS, YE PEUX BOYAYER DANS LE TEMPS !

Et je pleure, pleure, pleure... Jusqu'à tremper complètement son T-Shirt.

- Alice, je ne comprends pas ce que tu dis... Montons dans ma chambre, tu vas essuyer tes larmes.

Je me retire de mon "câlin improvisé" et renifle un peu.

- D'accord, dis-je

Il plaça son bras gauche derrière mon cou et sa main droite sur mon ventre.

- Allez, viens. Respire... Inspire, eeeeeeexpiiiiiiiiiiiiire...

Ainsi de suite jusqu'à ce que nous arrivions dans sa chambre. Il m'invita à m'asseoir (ou plutôt m'ordonna) et me tendit un mouchoir.

J'entreprends de me moucher, mais le son qui sort de mon nez égale le son qui sort d'une trompe d'éléphant.

- Berci, lui dis-je

- Alors, tu es calmée ? Tu crois que tu peux articuler ?

J'acquiesce.

Je regarde Jérémy droit dans les yeux et lui dit:

- Jenny est venue s'excuser parce que Vanessa lui a envoyé une lettre en expliquant que ce n'était pas moi qui avait publié ce message, mais elle. Et Jenny s'en voulait de ne pas m'avoir crue. Alors je lui ai pardonné, parce que je la comprends... J'aurais fait exactement pareil à sa place... Et je l'ai serrée dans mes bras.

Et je lui raconte tout... Sans exception. Je lui explique aussi mes pouvoirs. Et il m'écoute. Il ne m'interrompt pas. Une fois que j'ai fini, il me dit:

- Waw.

- "Waw" ? Comment ça, "Waw" ? Tu n'as rien d'autre à dire ?

Il marque une pause, toujours en me regardant.

- J'ai dit "waw" parce que tu es incroyable, Alice, me dit-il avec un sourire. Tu te rends compte ? Tu peux... voyager dans le temps ! C'est fabuleux !

- Ca veut dire que tu me croit ?

- Bien sûr, que je te crois ! Pourquoi je ne te croirais pas ? Alice, tu peux me faire confiance.

Il me prit les mains et se rapprocha de moi.

- Je serais toujours là pour toi.

Je sens mon coeur faire un bond. Il me regarde si intensément... Ses yeux bleus brillent de mille feux... Ses cheveux sont parfaitement coiffés et sa lèvre inférieure légèrement plus large que l'autre... Et ses taches de rousseur me font craquer...

- Je sais, lui dis-je, sûre de moi. Et je sais aussi que... Je t'aime énormément.

En ami, hein, on est d'accord. Hu-hum.

- Moi aussi.

Et il me sourit.