L'Illusion (Tomes 1 et 2)

Chapitre 1 - Kirsane

Quelques jours plus tard...

Je voudrais fuir. Juste fuir, lâchement, le plus loin d'ici. Me laisser aller dans une course effrénée qui me mènerait à cette planque dont je rêve plus que tout. Mais je ne peux pas à cause de cet homme qui se tient devant moi.

La peur me prend, mon cœur bat à tout rompre. Mes yeux ne peuvent échapper à son regard meurtrier qui perce le mien depuis de longues minutes, et qui décuple cet horrible sentiment d'angoisse au fond de moi. Il me paralyse, mais je tente de garder mon calme, simplement pour ne pas dévoiler mon malaise humiliant.

— Tu sais que je vais te tuer ?

Oui... Il veut me tuer, et bien certain qu'il réglera mon compte pendant la nuit. Il aime me voir trembler. Il me croit si faible ! Il rêve de planter dans mon crâne cette hache qui se dresse au creux de sa main, et de tacher de nouveau sa tenue déjà imbibée de sang... du sang qui sèche à l'air libre depuis des mois.

Quand je pense qu'il y a quelques minutes, une arme dormait entre mes mains, posée sur le rebord de la fenêtre. Ma pupille se dilatait, contractée dans le viseur.

Les ennemis étaient là, tous à ma portée... une véritable chasse à l'homme, celle d'une fille comme moi qui préférait et qui préfère toujours tirer dans le dos de ces salopards que de leur laisser le plaisir de me mater avant d'attaquer sans aucune pitié. Le courage de forcer sur la détente me vint, mais mes doigts ne répondirent plus à mes ordres.

« Bute-les... bute-les tous ! » se brouillait mon esprit.

« Tous » est un bien grand mot pour désigner trois gars vagabondant sur la passerelle qui borde ma cabane... « Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? ». Voir ce type devant moi en fait jaillir les réponses comme une évidence, car je reconnaîtrais sa tenue entre mille. Ils ne sont rien d'autre que des pions de la mafia dans laquelle j'avais fait mes preuves, depuis dix ans. On la nomme la Kirsane. Enfin, devrais-je plutôt dire que seuls les rares aventuriers qui ont eu la malchance de l'intégrer peuvent la nommer. Et ces aventuriers, tout comme moi, en ont forcément payé le prix...

Mais à présent, je sais que je peux aller plus loin ; sauver des gens au lieu d'en tuer à contrecœur, m'entourer de personnes qui ont des valeurs, et ne plus combattre aux côtés de sadiques qui m'effraient à force d'épier mon corps avec une affreuse envie.

Je soupirai, avec pour seule consolation l'idée que ce cauchemar soit désormais fini. Une nouvelle vie se dévoilerait bientôt pour moi, lorsque je rejoindrais enfin l'agence. Celle de mon père, celle qui protège Paname.

Mais, avant d'accéder à ce poste dont je rêve tant, il ne me restait qu'un obstacle... ou plutôt trois obstacles : ces silhouettes obscures qui se déplaçaient calmement derrière la vitre. Trois, quatre balles tout au plus, et s'en était fini. Mon destin était enfin tracé. Mais c'était sans compter sur l'intervention de Célia qui fit tout basculer...

Je sors de mes pensées lorsque le bourreau reprend ses bavardages.

— Je te propose de réintégrer la Kirsane... sinon, tu ne ressortiras plus jamais de cet endroit. Soit tu vis, soit tu meurs, précise-t-il en me lorgnant.

Sa hache cesse de tournoyer autour de son poignet. Son doigt caresse la lame aiguisée, et il se réjouit lorsqu'une gouttelette de sang s'étire sur sa peau, assurant qu'il n'aura aucun mal à me briser le crâne. Le rire de ce fou me fait regretter de ne pas pouvoir lui sortir un flot d'insultes. Il piétine joyeusement et commence à siffler des airs enfantins. Même si son état mental m'inquiète, le fait qu'il ne me fixe plus me libère de ma paralysie.