Fol espoir

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Pendant ce temps, Évangéline était parvenue à réveiller les troupes et les avait menés, tant bien que mal jusqu'au village où ils furent accueillis de la pire manière qu'il soit pour un héros : avec mépris voire de la méfiance. La princesse fronça les sourcils et marcha à pas rapides en direction de la seule auberge du village, d'une humeur massacrante. S'endormir sous un arbre, c'était une chose qui lui était arrivée plus d'une fois. Être réveillée au bout de quelques minutes par une Crâ inquiète donc sans douceur, c'en était une autre qu'elle pouvait tolérer étant donné que Yugo était parti seul à la recherche de la mystérieuse Éliatrope et qu'ils se faisaient tous du souci. Mais être ignorée, pire ! Considérée comme le dernier des bandits, c'en était trop pour elle !

Ouvrant la porte de l'auberge avec fracas, elle se dirigea droit sur le comptoir où le tenancier venait de se redresser, réveillé en sursaut par tout le tapage. Elle abattit violemment ses deux mains sur la surface huileuse et noire de crasse du comptoir et s'adressa au gros bonhomme d'une voix à charrier des icebergs.

- Nous voudrions deux chambres pour cinq personnes.

- On vous a jamais appris à dire bonjour, grogna le gros homme avec un regard peu amène.

Amalia vit rouge. Saisissant le bonhomme par le col, elle le tira jusqu'à ce qu'il se retrouve allongé sur le comptoir, leurs visages à quelques centikamètres l'un de l'autre.

- Sais-tu seulement à qui tu t'adresses, hurla-t-elle. Je suis Amalia Sher...

Elle ne termina jamais sa tirade. Son amie et garde du corps venait de plaquer une main douce mais ferme sur sa bouche et souriait au gros homme tandis que la Sadida lâchait prise.

- Veuillez l'excuser, dit-elle très poliment. Nous avons fait un long voyage pour arriver jusqu'ici et nous sommes très fatigués. Auriez-vous deux chambres, s'il-vous-plaît ?

Le tenancier remit ses frusques en place en foudroyant le petit groupe du regard mais consentit à parler.

- Ce sera 75 Kamas pour la nuit, plus 8 Kamas par personne pour le repas, annonça-t-il.

Ruel fit rapidement le calcul et devint rouge comme une Shinlarve. Passant devant la Sadida, il tapa du poing sur le comptoir, mécontent.

- 155 Kamas, s'écria-t-il. Mais vous nous prenez pour des Gugus ou quoi ? Venez les enfants, on s'en va, ajouta-t-il en se détournant.

- Non, attendez, s'écria l'aubergiste.

Ruel eut un sourire triomphant et fit un clin d'œil à la Crâ qui sourit : par moment, l'avarice de l'Énutrof pouvait être d'un grand secours.

- Je peux vous faire un prix, annonça le tenancier. Je vous enlève 5 Kamas.

- 30.

- 7.

- 25 et c'est mon dernier mot, annonça Ruel.

- Marché conclu.

Les deux hommes se serrèrent la main et Ruel paya de mauvaise grâce. Amalia le félicita discrètement et monta dans sa chambre prendre un bain avec Evangelyne tandis que les deux hommes commandaient des chopes de bière Tombale et s'attablaient dans un coin de la salle commune. Ils discutèrent de tout et de rien mais surtout de baston et des enfants du Iop qui ne savait parler que de ça sans être complètement largué.

Ils en étaient à parler de leur affrontement contre Qilby quand un Zobal fit son entrée dans la salle commune. Il eut le droit au même accueil que la Confrérie mais préféra faire profil bas. Les gens du peuple Zobal se faisaient de plus en plus rares dans le Monde des Douze. Ils préféraient rester dans leurs villages, cachés des autres peuples ou effectuer des travaux discrets et qui ne demandaient pas de prise de risques (même si le boulot de marchand représentait énormément de risques comme de se faire agresser lors de convoyages ou se faire mettre à tabac par un client mécontent...). Les deux amis observèrent donc de près le comportement de celui-ci. L'aubergiste, une fois encore, donna un prix déraisonnablement élevé, mais le jeune masqué parvint habilement à ses fins, le masque de la classe sûrement en action. Il déposa sa bourse sur le comptoir et se dirigea docilement vers l'escalier menant aux chambres. Les deux amis se lancèrent un regard impressionné et revinrent à leur conversation.

Wakfu : L'Île Aux EliatropsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant