Seule la vérité blesse...

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Quand Yugo se réveilla, il se retrouva blotti tout contre Willow, sa tête confortablement posé sur son épaule. Il rougit et se dégagea à regret en frissonnant, le cocon de chaleur humaine brisé. Du rez-de-chaussée lui parvenait un léger brouhaha qui le fit bondir du lit, réveillant sa compagne.

- Yugo ? Un problème, demanda-t-elle d'une voix ensommeillée en se frottant les yeux.

- Non, répondit-il très vite. Mais je crois que les clients sont là.

Comme lui, elle sauta du lit. S'inspectant dans le miroir de la coiffeuse, elle arrangea sa tenue, se passa de l'eau fraîche sur le visage et lui fit face, à présent tout à fait réveillée et souriante comme à son habitude. Puis, elle s'accroupit face à lui, remit son bonnet en place et défroissa sa tunique avant de hocher la tête d'un air satisfait et de déposer un baiser sur sa joue.

- Allons-y, souffla-t-elle. Alibert doit être débordé.

Il hocha la tête d'un air hagard tout en lui emboîtant le pas. S'il avait été plus âgé, Willow ne se serait sûrement pas permis un tel geste, ce qui l'aurait frustré. Cependant, s'il avait paru son âge réel, c'est-à-dire vingt ans, il aurait pu se permettre un tel geste pour lui témoigner toute son affection. Il soupira et se força à sourire quand la jeune fille se retourna vers lui, la mine inquiète. Il ressentait une frustration semblable à ce qu'il avait ressenti quand Amalia avait été présentée au Compte Harebourg pour devenir sa femme et créer une alliance entre les deux nations. Ce sentiment d'impuissance insupportable. Il avait beau être resté un gosse de quatorze ans dans les apparences et conservé des réactions adolescentes, il avait vécu suffisamment d'années pour attendre autre chose.

- Will ?

- Oui, fit-elle en se retournant sur la première marche de l'escalier.

- Tu me vois comme un gamin ?

Elle parut déconcertée et le regarda avec surprise. Que lui arrivait-il ? Pourquoi lui demandait-il cela maintenant ? Avait-elle fait ou dit quelque chose de dégradant ?

- Pourquoi cette question, demanda-t-elle doucement en s'agenouillant face à lui.

- Parce que j'ai l'air d'un gamin alors que je n'en suis plus un, répondit-il d'une voix boudeuse en baissant les yeux.

Riant sous cape, elle prit son visage entre ses mains et le força à le regarder, calme et dégageant une douce chaleur sur son visage.

- Tu es bien plus que cela, Petit Roi, murmura-t-elle en le regardant droit dans le yeux. Tu es mon souverain, tu es mon ami et tellement d'autres choses encore. Si tu savais... Mais je dois avouer que ton apparence... juvénile ne me facilite pas la tâche, termina-t-elle en souriant, les joues roses.

Il avait eu sa réponse et ressentit de la joie avec une pointe d'amertume. Visiblement, son... attachement était réciproque mais son allure d'adolescent était une réelle barrière. Avisant sa mine triste, Willow soupira et déposa un doux baiser sur sa joue. Yugo en resta figé de stupeur. Puis, il passa ses bras autour de sa taille et la serra contre lui. Ce baiser n'avait rien de semblable avec son prédécesseur. Il était mille fois plus doux et aussi plus intime. Willow l'avait chargé de tous les sentiments emmêlés et inconnus qu'elle pouvait ressentir à son égard.

- Un jour, nous serrons sur un pied d'égalité, souffla-t-il à son oreille. Et à ce moment-là, je te reposerai la question.

- Et je te répondrai tout aussi sincèrement, répondit-elle en l'écartant à bout de bras pour le regarder droit dans les yeux. C'est promis.

Il hocha la tête, satisfait puis l'aida à se lever et ils descendirent l'escalier d'un pas tranquille. Ils furent accueilli par les salutations des clients et par les cris d'Alibert. Il naviguait à toute vitesse entre les tables et la cuisine, donnant des ordres précis et clairs à ses trois apprentis qui tentaient tant bien que mal de garder le rythme. Les deux amis se précipitèrent, l'un au cuisine pour seconder son père et l'autre en salle pour prendre les commandes et assurer le service. Quand le rythme se calma un peu, Willow entama une danse accompagnée d'une balade apaisante et lente. Un jeune homme assis au comptoir se proposa pour la faire danser ce qu'elle accepta d'une révérence en lui offrant sa main. Yugo sortit des cuisines à ce moment et eut un pincement au coeur. Elle se mouvait avec grâce et légèreté, comme si l'apesanteur n'avait pas de prise sur elle. Il ne pouvait pas la faire danser. Il ne pouvait pas lui procurer le sentiment de sécurité en la protégeant dans ses bras. Il ne pouvait pas affirmer sa place à ses côtés.

Wakfu : L'Île Aux EliatropsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant