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Le message, long de quelques lignes noires sur fond blanc palpite devant elle sur l'écran de son ordinateur.

Expéditeur inconnu.

Camille fixe la fenêtre de messagerie tandis que son sang a quitté ses phalanges. La fenêtre recouvre en grande partie la page de saisie sur laquelle elle était en train de travailler. Ou plutôt de faire semblant de travailler.

Passé le premier choc, son réflexe est de rabattre de quelques degrés l'écran de son ordinateur portable et de jeter des regards méfiants de gauche et de droite. Si c'est une blague de Patrick à la compta, il ne la surprendra pas à rougir, pas question.

Elle ne voit rien d'anormal, pourtant, par-delà les demi-cloisons de son bureau paysager. Ses collègues ont presque tous les yeux rivés sur leur écran. A part Odette, qui farfouille dans son tiroir (la version pré-internet du « si, si, je travaille, là... »), et Julie qui a rejeté les épaules et la tête en arrière, ramené ses deux bras sur son front, et fermé les yeux pour sa pause yoga bi-quotidienne qui aurait, d'après elle, des bénéfices incomparables sur sa productivité.

On entend le tapotis des touches d'ordinateur qu'on enfonce à tout va - qui avec vivacité, qui avec lenteur, qui avec rage. Il y a les soupirs las qui annoncent la pause-café imminente et le froissement des pages de données qu'on a cessé de manipuler avec soin il y a belle lurette, genre à la fin de sa semaine d'essai. En tendant l'oreille on discernerait presque le bruit mouillé que fait systématiquement Jean-Claude quand il lèche son index avant de tourner une page de son classeur de codex. Ce bruit est aussi difficile à entendre pour Camille que le geste est insoutenable à contempler. Un regard vers lui confirme que c'est précisément ce qu'il est en train de faire. Beurk. Argh ! Et alleeeer !... Et que je te sors la langue, et que je te passe le doigt dessus, et que je te le fourre sur la feuille avant de la tourner. Beurkbeurkbeurkbeurk. Comment peut-on infliger ça aux gens ?

Chassant cette vision d'horreur, Camille se ressaisit. 

Fermer le message. 

Vite. 

Avant qu'un abruti ne passe derrière elle et ne se fasse un plaisir de commenter à voix haute la teneur de son courrier. 

C'est forcément une blague... De Patrick ou d'un autre lourdingue comme lui... Michel, peut-être ? Il n'arrête pas de lui dire, avec un œil goguenard, que c'est plus la mode des jupes gitanes, qu'on en est revenu à la mini-jupe des années 60, et même au mini-short, au cas où elle ne soit pas au courant. Franchement les leçons de mode d'un pervers de soixante-cinq ans, nostalgique de l'époque où il avait encore des cheveux, ça fait froid dans le dos.

|(yZKUA

Lettre d'A.M.O.U.R [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant