Divisions

Chapitre 39 L'exécution théâtrale

Renegarde possédait deux tours de garde parallèles. À l'intérieur, plusieurs soldats observaient la mer et les radars, contrôlaient les arrivées et les départs ainsi que les tours de ronde des hélicoptères. 

Les tours se mirent en alerte lorsqu'une des machines volantes manqua à l'appel. 

  – Sergent, il n'y a aucune trace de l'Alpha 1 sur le radar, dit le cadet. 

  – Rien ne doit perturber les projets de notre reine, assurez-vous en. 

Le cadet enclencha alors les grilles, de gigantesques barreaux qui recouvraient toutes les façades de Renegarde. 

Le thermomètre se mit à chuter sous les yeux ébahis des soldats, qui tentèrent de se réchauffer en frottant leurs bras. Leur souffle devenait de la buée, qui se déposait sur les écrans des machines. Le verglas commença à recouvrir toutes les vitres. 

  – Sergent, des sources organiques apparaissent sur les radars. 

  – Regardez, là-bas ! s'écria l'un des soldats. 

Dans l'obscur horizon, des ombres mouvantes s'approchaient à grands pas de Renegarde. Le sergent prit ses lunettes loupes et agrandit jusqu'à percevoir de quoi il s'agissait. D'immenses et puissants serpents des mers nageaient dans leur direction, semblant guider la seconde espèce de serpent de ce monde. Celle qu'Hylia pensait détruite. 

Les Serps transformaient l'eau en glace et rampaient dessus à une vitesse nettement supérieure à la moyenne. Une véritable armée commençait à entourer dans le lointain la prison. 

  – Donnez l'alerte, ordonna fermement le sergent. 

*** 

À l'intérieur, personne ne se doutait qu'une bataille enragée avait débuté. Une balustrade avait été installée au milieu de la cour fermée de Renegarde, là où les plus chanceux avait la possibilité de se réunir. 

Une annonce macabre avait été faite la veille. Celle de la mort d'un des plus hauts placés de la rébellion. Un meurtrier, un ennemi des divisionnaires, la pire des espèces. Voilà comment Hylia voulait faire passer cette exécution. Comme un acte nécessaire. De plus, lorsque les prisonniers verront que cette haute dirigeante n'était qu'une adolescente, la résignation et le désespoir luiront dans les cachots. 

Nathan devinait tout cela. 

Installé dans la loge spéciale Æternam, il regardait la montagne de détenus se rassembler dans la cour du rez-de-chaussée. À travers la vitre, il pouvait apercevoir en plongée l'attroupement. Solidement attaché par des chaînes aussi lourdes que des briques de béton, Nathan ne pouvait faire aucun mouvement. Il pouvait seulement s'observer dans le reflet de la vitre.

Un visage épuisé, une barbe qui avait trop poussée, des cheveux pailleux, des yeux emplis de vide. Renegarde était un enfer et, malheureusement, il n'en était pas le bourreau.

Quelquefois, au milieu de sa cellule, il se demandait si les choses auraient été différentes, s'il n'avait pas été un traître. Si seulement il avait suivi les ordres d'Ewan, Nathan serait dans l'élite. Il serait important. Il serait propre, honoré, adoré. 

La nuit, Nathan n'avait rien d'autre à rêver. 

Puis, il voyait le visage de Dahlia, ses manies sociopathes, son désir de vaincre. Sa volonté l'avait transporté. À ses côtés, il avait pensé être invincible, pouvoir résister à tout. Finalement, la défaite ne leur avait fait du bien ni à l'un, ni à l'autre. 

Discrètement, Nathan tourna sa tête vers la droite. Au fond de la loge, entouré par deux gardes et aussi enchaîné que lui, Stephen semblait nerveux. C'était la première fois que Nathan le revoyait depuis son arrestation.