Chapitre 1

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   "Je suis un militant au quotidien de l'inhumanité"   Noir Désir

Le plus difficile est de choisir une tenue correcte pour faire du sport. Le matin je pars courir dans Central Park avec un jogging gris Adidas en coton bio. Je me lève à 6h. Je bois un jus d'oranges pressé et un verre de lait d'amandes. J'ai peur du soja. Ce n'est pas sain de boire quelque chose qui prolonge la vie des femelles japonaises. J'ai peur des produits laitiers aussi, les pis de vaches me donnent la nausée. L'idée de boire ce qui vient de là me soulève le cœur.

  Je cours quarante-cinq minutes tous les lundis, mercredis et vendredis. Je ne pratique pas tous les jours car c'est mauvais pour mes articulations. Je porte un bermuda noir Puma, des chaussures Asics et un maillot en lycra Nike lorsque Gabriel vient finir le travail sur mon corps les mardis et jeudis en me coachant à la maison.
  Le samedi je fais du yoga bikram. C'est parfait pour mon cœur et pour ma peau. Ça m'emmerde un peu de passer quatre vingt dix minutes entouré de gens en sueur mais les effets sur les muscles du visage sont indéniables.
  Le dimanche je me fais masser par une indienne qui a remis sur pied Gwyneth Paltrow après ses accouchements. Elle pue un mélange d'huiles, d'épices ayurvédiques et d'ail. Elle fait exprès de conserver un accent d'immigrée alors qu'elle habite NYC depuis vingt-cinq ans et cela m'irrite. Je lui demande presque tous les dimanches le nom de son parfum et je prends un air exagérément dégoûté à chaque fois mais elle revient toujours avec ses effluves de bouffe de rue.
 
  Après l'avoir payée et virée de mon appartement je prends une douche tiède et je me lave avec un gel douche à l'aloé vera qui nettoie mon corps de la transpiration sans dessécher ma peau. J'applique un sérum de chez Clinique et un soin contour des yeux que je laisse poser le temps de me masser avec une huile ayurvédique qui coûte un rein et que je fais venir de L. A.. Avant de commencer à déjeuner je bois de l'eau de coco pour drainer toutes les toxines de mon corps. Muësli danois aux figues. Thé vert Matcha.

  Sur mon iPhone le planning du jour s'affiche au moment où je me dirige vers mon dressing. Les miroirs que j'ai fait poser ça et là sur les murs des couloirs me renvoient l'image parfaite de ce qu'un homme devrait être à cinquante deux ans. Je chie sur Georges Clooney. Rendez-vous à l'Aquavit pour bruncher dans une heure trente. Je reste sobre et décontracté et choisis un pantalon Kenzo noir, une chemise Paul Smith en chambray indigo et un pull Agnès B. sur mes épaules. J'assume mon âge avec des Wayfarers. Avant de sortir j'ouvre la porte de ma chambre pour jeter un coup d'œil au sinistre mannequin bulgare et anorexique que j'ai tringlé la veille. Vraiment pas épaisse, la peau sur les os. Rien à bouffer dessus. Trouver une femme d'un âge à peu près correct et encore fraiche est déjà dur mais en trouver une aujourd'hui avec une vraie belle paire de seins prend un temps fou que je n'ai pas. Elles ont toujours des seins trop petits ou trop faux. Je referme la porte sans faire de bruit et appelle un über avant de m'engager dans l'ascenseur.

  Je demande au chauffeur de passer par Broadway et la cinquième avenue pour rejoindre l'Aquavit. Les Misérables se jouent à guichets fermés pendant les six prochaines semaines puisque ce connard de Hugh Jackman a accepté de reprendre son rôle de Valjean. Un sentiment de déjà vu et de malaise m'envahit. Un peu comme si un vieux pote de bringue débarquait dans votre vie bien proprette en banlieue pour vous vous inciter à la débauche. Je jette un œil à la bourse comme toutes les quinze minutes puisque c'est mon réseau social préféré.

  Je dois rencontrer Brian Kelsing un de mes fidèles rabatteurs qui m'amène un couple de nouveaux clients. Des Texans. Les Texans font parti de mes favoris, ils ont beaucoup d'argent et absolument aucun goût. Je peux vendre facilement n'importe quoi et en septembre ce genre de courge pense déjà aux préparatifs des fêtes de Noël. Je devrais m'assurer la fin de l'année à me masturber au fond mon lit devant mon écran rien qu'avec la suite de ce repas. J'ai presque envie de préparer dès maintenant le bon de commande de Pétrus et de Romanée-Conti. La maison Bateman offrira bien évidemment une bouteille de cognac Rémi Martin à 3 000$. Peut-être deux si je leur refourgue aussi du champagne.

La psychanalyse de PatrickOù les histoires vivent. Découvrez maintenant