Chapitre 6

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« Mais l'homme avait changé.

Il avait perdu le savoir et la pratique qu'il avait jadis.

Son esprit s'était ramolli comme un ballon dégonflé.

Il vivait au jour le jour, sans but.»

Demain les chiens. Clifford Simak

Bar.
Sombre.
Attente.
Tu touches le velours rouge des sièges comme si leur visuel était garant du bien-être qu'ils suggèrent. La forme design et réfléchie de l'assise est une source de souffrance permanente : tu ne trouves aucun confort à rester assis là à attendre. Tu essaies de soulager ta cuisse droite comme tu peux mais la position reste douloureuse. Il va falloir consommer de l'alcool, marcher, sourire, rester digne et smart. Tu sais ce qu'il te reste au fond de ton sac mais tu hésites et tu te poses des questions. L'alcool est si plat.
Au fond du sac en dessous de l'ordi. Là où se range le chargeur.
Les souvenirs refont face à mesure que la douleur gronde.

Les chiens.

Tu frissonnes malgré le costume hors de prix que l'état paye pour ta couverture. C'est difficile pour toi, mais tu arrives à gérer. Tu te félicites d'avoir mis de l'antiperspirant. Ton coca est ton dernier rempart contre ton boulot de merde, dans huit minutes tu vas devoir boire un verre. Si tu cèdes à la douleur insupportable dans ta jambe tu cèdes à l'héroïne dans le fond de ton sac.

Cède.

Le Monstre qui hurle dans ta jambe ne t'aide pas à garder la face. Tu sais que le temps t'est compté depuis le début. Quand tu regardes en arrière t'as les glandes d'être là, t'es qu'un arriviste de merde que t'as toujours méprisé. Un flicard qui s'embourgeoise. Il t'est arrivé la pire chose qui puisse se produire chez un flic : tu t'es embourgeoisé. Tu sens le pognon et la politique.

Les chiens qui courent.

T'as les narines trop larges et la mandibule plus forte que la moyenne, ta grand-mère a laissé des traces dans ton sang. Dans ton ADN y a un truc cradingue pour l'upper east side. Le métissage et la pauvreté se lisent sur ton visage. Tes mains promettent aux femmes des choses que ton corps a du mal à fournir. Tu souffres, hein ? Oncle Sam est trop vieux et trop sourd pour l'entendre.

Plus que cinq minutes. Les aboiements redoublent.

Y a l'odeur de ta trouille qui déborde de tes aisselles, malgré l'aluminium de ton déodorant. Ça perturbe les serveurs. T'essaies même pas de te lever tellement t'as les foies et que t'es pas à l'aise, tellement tu sais que cette affaire c'est ton vatout. Bois une gorgée, ça rafraîchit.
T'as plus de coca ? T'as besoin de poudre libre ? Regarde autour de toi, tu vas voir, y a forcément un commerçant pour toi quelque part. 

Sa bouche, ses jambes, ses chevilles. Tu te raccroches à tout ce que tu peux pour trouver un peu de joie dans ton boulot mais franchement tu le sais déjà : y en a pas.
Ce soir tu passes à la casserole inspecteur, c'est le troisième rendez-vous. Sinon ce sera fini. Ta carrière avec. Tu te demandes si t'as pas un peu de speed plutôt, histoire d'être sûr et certain s'assurer, si t'assures pas t'es mort. Dans ton job. Dans ta vie privée. T'es mort.

T'entends leurs griffes sur le bitume et tu sens les mains de Maman peser sur tes épaules. Elle dit que t'avais qu'à pas faire de bêtise.

La porte d'entrée s'ouvre sur sa silhouette magique. T'aimerais être normal, t'aimerais bien te laisser aller à bander en la regardant mais tu galères, mec, tu galères. Elle clignote d'éclats, de bijoux et de beauté, sa peau lisse se glisse contre toi comme un serpent et tu te sens comme une gagneuse qui doit pointer au contremaître.

- Bonsoir Saskia.
- Bonsoir Dylan. Désolée pour le retard, mes parents sont cons. Tu bois quoi ?
- Un Coca Zéro. Tu veux quelque chose ?

Elle te murmure des trucs dégueus dont tes collègues rêvent la nuit. Elle parle de mouille, d'alcool, de drogue et de ton appart. T'as mal, hein ? Tu sais que t'as pas envie parce que c'est juste pour ton travail, mais tu sais que si tu dis oui, tu vas pouvoir consommer sans frein. On t'accompagnera, on ne te laissera pas seul. T'auras juste à coucher pour payer la compagnie, tu essaieras d'écouter un peu avant de te shooter. Came & Cie. Ecouter et gratter pour trouver un lien entre les cadavres déjà à moitié dévorés retrouvés dans le parc et ceux qui ont été massacrés à la fourchette. Cette fille qui fait le lien entre la décadence et la superbe de Gotham, tu vas trouver. Renifle-là mieux, gratte plus, montre un peu les dents. Cherche et trouve gentil flic. Cherche bien.

Les chiens de Maman ont trouvé ce que tu cachais dans au fond de ta poche

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Les chiens de Maman ont trouvé ce que tu cachais dans au fond de ta poche. Bons chiens. Fallait pas voler dans la cuisine, Dylan. Maman est fâchée.

Et demain, Inspecteur Waze ?

Demain tu feras un rapport à tes supérieurs.

Et après ? Après tu retrouveras tes cauchemars et tes cicatrices.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 06, 2017 ⏰

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